[ Media business ] Denis Robert les bonnes affaires

La condamnation de "Le Media" à verser près de 300 000 euros à Denis Robert pour licenciement nul fait ressurgir l'affaire du financement de Blast par un multimillionnaire.

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La vidéo ci-dessus - et les enregistrements qu’elle contient - a été réalisée et publiée sur Facebook par Maxime Renahy, ancien fondateur, administrateur et employé de Blast, la WebTV fondée par Denis Robert. Elise Van Beneden est la présidente d’Anticor, administratrice de Blast et avocate de Denis Robert.

Nous n’allons pas épiloguer sur le fait, très distrayant, que des médias se réclamant de la gauche radicale ou du moins très sociale, se comportent comme les pires des capitalistes. Le droit du travail ? Les conventions collectives ? N’y pensez pas. Il en a toujours été ainsi chez les “gauchistes culturels” où l’orthodoxie, qui cache mal des affaires de gros sous et d’égo, permet, pour éliminer les importuns, toutes les manœuvres les plus sordides, allant du simple procès d’intention public aux accusations de racisme, d’antisémitisme, de harcèlement ou d’agression sexuelle.

Le Média a été condamné en première instance par les Prud’hommes à verser 300 000 euros à Denis Robert pour licenciement nul. Dans le jugement, on apprend que Denis Robert gagnait à Le Média, pour un mi-temps, 5 500 euros en CDD puis 6 123 euros en CDI, et que le tribunal a réévalué à 12 000 euros son brut mensuel de base !

Il serait intéressant de connaître le revenu moyen des “socios”, simples citoyens, qui financent Le Media de manière participative et de recueillir leur sentiment quant au niveau de salaire accordé à Denis Robert.

Licencié “en 2019, Denis Robert s'est retrouvé au chômage  : Pole Emploi lui a signifié qu’il avait effectué tous ses trimestres, et que par conséquent il pouvait songer à la retraite. Electrochoc existentiel”. Il a donc décidé de fonder sa propre Web TV, Blast.

Comme dans toute entreprise, le nerf de la guerre est l’argent. Il fallait donc en trouver. Investir ses propres deniers dans cette aventure, contracter un prêt hypothécaire sur son logement comme le firent les fondateurs de Mediapart ? Trop risqué. L’argent des autres, c’est mieux. Quoi de plus pratique que le financement participatif, qui présente néanmoins le désavantage d’être incertain et de ne pas permettre d’acquérir le capital nécessaire pour obtenir le soutien des banques, financer le fonds de roulement et procéder aux investissements initiaux.

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Et c’est là qu’est entrée en jeu Elise Van Beneden, présidente d’Anticor, avocate de profession qui représente Denis Robert contre Le Média. Mme Van Beneden est également - hasard - actionnaire fondatrice de Blast et siège à son conseil d’administration.

C’est elle qui a présenté à Denis Robert Hervé Vinciguerra, multimillionnaire champion de bridge adepte d’optimisation fiscale et dont le patrimoine est essentiellement détenu par des holdings au Luxembourg et à Singapour. M. Vinciguera n’est autre que le généreux donateur dont Anticor refusait de communiquer le nom au ministère de la Justice pour le renouvellement de son agrément.

Outre la vidéo ci-dessus qui met en lumière la morale élastique de ces pourfendeurs de la grande finance, de l’évasion fiscale et de la corruption, qui s’accommodent de fonds qui, si leur origine est licite, sont issus de procédés d’ingénierie fiscale que Denis Robert et Anticor réprouvent, Maxime Rehany a publié le courrier électronique suivant. Edifiant.

De: « D. Robert » <@.com>
Objet: Rép : 1984 – les français ont le cerveau lavé.
Date: 11 décembre 2020 à 11:56:14 UTC+1

À: Vinciguerra hervé <@.fr>

Salut Hervé,

J’ai regardé Mal-traités (il me reste 20 minutes). C’est effectivement très bien…
Je t’appelle toutal, mais j’ai un peu réfléchi à notre discussion d’hier…Et j’ai eu Maxime ce matin. J’ai surtout besoin d’un coup de pouce au début…
On va lancer une souscription en janvier qui je l’espère va nous rapporter au moins 500 000 euros…
Là en ce moment en caisse j’ai 100 000 et j’en attends encore 50 000 avant la fin du mois. J’attends les retours de deux autres mécènes. Et la banque postale va nous prêter (j’espère) autour de 200 000.
On va aussi gratter quelques aides publiques pour la création d’entreprise.

J’aurais besoin assez vite de louer des locaux, d’acheter du matériel et d’embaucher. Pour te donner une idée, un salaire net de 3700 (sur 13 mois, obligation des CC journalistes) coute 7176 en brut, soit 57408 pour 8 journalistes…

Pour partir sur des bases solides, je te dis ce qui me conviendrait. En don ou en acquisition de parts sociales entre 150 et 200 000 au départ. Puis entre 20 et 40 000 par mois…

A charge pour nous, sur les sujets que nous avons évoqués, de te tenir au courant via Maxime à intervalle régulier (une fois par semaine par exemple).

Tu pourrais ainsi suivre l’évolution de nos enquêtes…On ajustera ensemble pour la suite. C’est une base de discussion…Tu me diras… Je t’appelle dans une heure?

Amitié

Ainsi donc, en échange de fonds, Denis Robert a proposé de mettre l’organe de presse qu’il travaillait à créer et dont il est aujourd’hui le directeur de la publication, au service de M. Vinciguerra pour réaliser des enquêtes sur des sujets ou des cibles choisies par M. Vinciguerra comme, si l’on en croit Maxime Rehany, les adversaires d’Arnaud Montebourg (notamment Anne Hidalgo et Patrick Drahi), ainsi que de lui fournir un compte-rendu privé et bimensuel des enquêtes en cours du pôle investigation de Blast. En clair, du travail d’officine sous couvert de presse. C’est piégeur.

Charte de Munich des droits et devoirs du journaliste, article 8 : le journaliste doit “s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information”.

Le prix de Denis Robert, qui crie à, tenez-vous bien, « l’orchestration d’une entreprise de démolition malsaine et diffamatoire, manipulations, espionnage d’une équipe à son insu » ? +/- 400 000 euros.

Là aussi, il serait intéressant de recueillir le sentiment des abonnés, donateurs et sociétaires de Blast. Dans un monde où le désastre écologique nous guette, dans un pays où la majorité des médias défendent les intérêts d’une minorité, où la surenchère autoritaire du pouvoir semble ne plus avoir de limites, il est nécessaire de compter sur des médias indépendants, accessibles au plus grand nombre pour aiguiser l’esprit critique et donner envie de résister et d’agir” peut-on lire sur le site de la Web TV de Denis Robert. Indépendance en se mettant au service des intérêts d’un richissime “donateur” avant même le lancement du média ?

Que cela nous dit-il de l’éthique professionnelle de Denis Robert ? Que cela nous apprend-il du caractère de Mme van Beneden, présidente d’Anticor, qui, dans son interview chez Thinkerview ment éhontement sur sa connaissance de cette affaire ?

Mais où l’on sombre dans le très mauvais théâtre de boulevard, c’est en constatant que Blast se comporte exactement comme Le Média s’est comporté avec Denis Robert.

Serge Faubert, le journaliste qui animait d’abord sur Le Media puis sur Blast l’excellent “Un Bourbon, sinon rien”, une chronique hebdomadaire de la vie parlementaire, vient d’en être licencié pour faute grave.

Son tort ? Avoir osé parler des aspects problématiques que soulevait au sein de l’état major de La France insoumise la candidature aux législatives de Taha Bouhafs, se plaindre de la censure qu’il lui a été imposée à cette occasion par la rédactrice-en-chef de Blast et Denis Robert en personne, et suggérer la création d’une société des journalistes.

Sûrement une entreprise de démolition, malsaine et diffamatoire, pour nuire à Blast

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Pascal Clérotte