[ Edito ] Grand déni et Cluedo
Les tergiversations d'Emmanuel Macron quant à la nomination d'un premier ministre ne font que masquer ce que tout le monde constate : c'est lui le problème. Nonobstant tous les autres.

Emmanuel Macron a subi cette année deux magistraux revers électoraux en un mois. Et en 2022, les français qui venaient de le réélire lui avaient déjà refusé une majorité parlementaire.
La logique de nos institutions voudrait que face à un tel désaveu, il démissionnât. C’est trop lui demander que de faire preuve de simple fair-play, alors agir selon l’intérêt supérieur de la nation… Chaque fois que les faits, la brutale réalité, lui donnent tort – c’est très fréquent – il s’ingénie à le nier, fort de sa conviction que lui seul décide des événements, de leur enchainement et de leur sens. Pour Emmanuel Macron, les résultats des élections européennes et des législatives n’ont pas de conséquences, ne signifient rien. Souvenez-vous de son affirmation à propos du fiasco abouti de l’application StopCovid : “Je ne dirais pas que c'est un échec : ça n'a pas marché”.
Il faut néanmoins reconnaitre à Emmanuel Macron une forme de génie quant à parier sur la médiocrité des autres. Car toutes les forces politiques en présence à l’Assemblée sont persuadées d’avoir remporté ou bien ne pas avoir perdu ces dernières élections législatives. Emmanuel Macron est à la politique politicienne presque ce que Jacques Martin fut à l’Ecole des fans.
Mettons-nous d’accord sur ce que remporter les élections législatives veut dire. Cela ne veut pas dire disposer de la majorité absolue ni même relative (qui n’existe pas). Remporte les élections législatives le parti politique disposant du plus grand nombre de sièges, et/ou – et c’est un indicateur bien meilleur en démocratie – ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages.
On a beau retourner l’affaire dans tous les sens, l’examiner sous toutes les coutures, que cela nous plaise ou non, le Rassemblement national est le vainqueur des dernières législatives, car disposant à la fois du plus grand nombre de sièges (126) et ayant obtenu le plus de suffrages (près de 11 millions). C’est l’irréfragable réalité.
Dans une monarchie parlementaire, c’est le chef du RN, Jordan Bardella, qui se serait vu charger de former un gouvernement. Comme aux Pays-Bas où Geert Wilders l’a été après avoir remporté les élections législatives de novembre 2023 tout en ne disposant pas de majorité. N’ayant pas réussi à dégager une coalition majoritaire, il a par conséquent dû renoncer à devenir premier ministre.
Prenons cette escroquerie qu’est le Nouveau front populaire (NFP), escroquerie puisque cette alliance de façade n’a pas conduit à la constitution d’un seul mais de trois groupes parlementaires. Ce qui ne signifie qu’une et une seule chose : le “programme” est un artifice électoral conçu pour amuser la galerie et garantir la gamelle.
Le 7 juillet à 20 h 02, Jean-Luc Mélenchon a proclamé sa victoire, alors qu’il n’était candidat à rien. Deux mois durant, le NFP nous a infligé en continu, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 une représentation de la Folle de Chaillot avec dans le premier rôle l’actrice de seconde zone Lucie Castets sortie du cabinet d’Anne Hidalgo, donc de nulle part, même pas encore d’un chapeau. On nous a expliqué que Mme Castets était légitime alors qu’elle ne fut pas candidate à ces élections; qu’elle était compétente parce qu’énarque; qu’être lesbienne était une qualification; que si les électeurs votaient RN c’est parce que CNews leurs expliquait que les noirs et les arabes étaient méchants (sic) etc. Lucie Castets, candidate au poste de premier ministre auquel nul ne peut être candidat. Son gouvernement aurait été censuré donc renversé à la première occasion.
Est-ce la peine de mentionner la ridicule hypothèse du retour du petit notaire de campagne Bernard Cazeneuve ?
Prenons Les Républicains. Définitivement démonétisés, ils veulent faire croire qu’ils sont l’opposition à Emmanuel Macron avec 47 députés, alors qu’ils ne disposent que du pouvoir de nuisance que leur confère leur majorité au Sénat, chambre haute certes fondamentale mais qui ne dispose pas du dernier mot. Xavier Bertrand premier ministre, une cohabitation ? La France entière se tord de rire. Les préoccupations des Républicains sont plus prosaïques : la gamelle et le maintien de leur écurie électorale pour les prochaines échéances municipales de 2026 et la présidentielle + les législatives de 2027, voire celles de l’année prochaine si nouvelle dissolution.