
[ Edito ] IVe Reich et Vichy 2.0
Quand la confusion la plus totale règne dans les esprits, est-il encore possible d'avoir une diplomatie et prévenir les conflits ?
François Delattre, l'ambassadeur de France en Allemagne, joue au militant, s'ingère sans vergogne dans le débat politique intérieur allemand et fait son rapport dans la langue de Goethe sur X, félicitant publiquement ces Berlinois – qui ne sont pas plus représentatifs du peuple allemand que les Parisiens le sont des français – qui ont choisi de manifester “pour la démocratie et contre l'extrémisme". Faute professionnelle lourde qui dans un pays normal aurait mené à son limogeage immédiat.
Fait amusant, l’ambassadeur d’Allemagne en France a “en même temps” publié peu ou prou la même chose, totalement oublieux de la neutralité du service public qui a également cours en Allemagne. Autre faute professionnelle lourde.
Nous ne reviendrons pas sur ce que nous savons de la coalition aujourd'hui au pouvoir en Allemagne, ni sur le fait qu'Olaf Scholz a consenti à ce que les Américains, aidés activement par les Norvégiens et passivement par les Danois et les Suédois, sabotent Nordstream 2, une infrastructure critique à l'économie allemande. N'est-ce pas là haute trahison puisque le chancelier s'est rendu complice d'une atteinte par acte de guerre aux intérêts fondamentaux du pays qu'il gouverne, acte perpétré qui plus y est par des “alliés” ?
Emmanuel Macron est du même bois. Ses déclarations à Stockholm sur le "parapluie nucléaire français" sont d'une extrême gravité.
Voilà ce que le président de la République, une fois de plus en roue libre façon Ubu Roi a répondu en anglais lors d’une visite d’Etat à la question “Y a-t-il un sentiment particulier en ce qui concerne la protection de l'UE ? Avez-vous le sentiment d'avoir une responsabilité particulière à cet égard ?”
Cela ne fait aucun doute. Pas pour provoquer une escalade mais pour travailler avec nos alliés, nos partenaires européens afin de préserver ce que j'appellerais la liberté et la souveraineté et les libertés fondamentales qui sont garantis par l'ordre juridique international. Oui, nous avons le sentiment d'avoir une responsabilité particulière. Par ailleurs, je l'ai dit à l'issue de mon discours et il y a de ça quelques années je l'avais dit sans ambages : Nos intérêts vitaux, ce que nous définissons comme nos intérêts vitaux sont en partie, quintessentiellement européens, ce qui nous confère une responsabilité particulière en ce qui concerne ce que nous possédons et notre capacité de dissuasion pour dire les choses clairement.
Rétropédalage de Sébastien Lecornu, ministre des armées, qui s’il n'entend pas grand chose aux affaires stratégiques, a du recevoir un message musclé de la part de nos militaires. Quand en 2018 Emmanuel Macron avait déjà parlé de mettre la dissuasion nucléaire française au service de "l'Europe", leur réaction avait été particulièrement sèche.
M. Lecornu souligne qu’Emmanuel Macron a à de nombres reprises déclaré que les intérêts vitaux français ont une dimension européenne. Cela ne veut pas dire non plus qu’il y a ait un parapluie français, mais cela mérite d’être observé par les différentes capitales, poursuit-il.
M. Lecornu rétropédale mal. La dissuasion nucléaire ne se partage pas et n'a pas pour objectif de garantir les intérêts vitaux de la France – c'est le rôle de notre diplomatie et ultimement de notre armée dans sa composante conventionnelle – mais de sanctuariser notre territoire national (outremer inclus) contre toute frappe nucléaire.
Il n'existe pas plus de parapluie nucléaire français qu'il n'existe de parapluie nucléaire américain en Europe. Si une puissance nucléaire décidait de vitrifier Stockholm, Riga, Vilnius ou Helsinki, ni les USA, le Royaume Uni ni la France ne riposteront par le feu nucléaire. Ce n’est pas pour rien qu’il ne relève pas de l’Otan, alliance militaire strictement conventionnelle.
Gardez bien à l'esprit ce qu'il est écrit en toutes lettres dans l'accord de gouvernement de la coalition d'Olaf Scholz.
L'Union européenne est allemande et uniquement allemande. L'euro est allemand et uniquement allemand. La politique énergétique européenne est allemande, et uniquement allemande – les Français en paient le prix fort. La politique agricole est allemande et uniquement allemande – les agriculteurs français le paient au prix fort. La politique industrielle est allemande et uniquement allemande – nous n'avons plus d'industrie. La politique migratoire est allemande et uniquement allemande – elle a décidé seule en 2015 d'ouvrir les frontières européennes dont elle n'a pas la charge.
Et le reste à l'avenant. Pourquoi ? Parce que l'Allemagne est le meilleur garant des intérêts américains en Europe. Elle n'a jamais cessé de l'être depuis la fin de la Première Guerre mondiale, y compris durant la sinistre période nazie.
Nous avons vu le président portugais, le premier ministre espagnol et le chancelier allemand - un chef d'Etat et deux chefs de gouvernement en exercice - prendre ouvertement parti pour Emmanuel Macron dans une tribune publiée dans Le Monde lors de la campagne présidentielle de 2022. Il fut un temps pas si lointain – avant 2012 – où les ambassadeurs de ces trois pays auraient été convoqués au Quai d'Orsay pour recevoir une remontée de bretelles en bonne et due forme et amplement méritée. Du temps du général de Gaulle, cela aurait donné lieu à un gros, à un très gros incident diplomatique.
La sortie sur X de l'ambassadeur de France en Allemagne illustre la perverse nocivité de la suppression du corps diplomatique, qui était la garantie qu'un diplomate, aussi obséquieux fût-il avec le pouvoir, ne pouvait pas faire carrière sans ne travailler qu'à la préservation et qu'au renforcement des intérêts de la France par le respect des invariants de sa politique étrangère. Aujourd'hui, c’est fête du slip et bon plaisir du prince. Certes, vous nous direz que c'est la même chose...
La disparition de toute forme de véritable diplomatie en Occident est l'une des premières causes de conflits dans le monde. Nous avions déjà levé ce lièvre après que des farceurs russes eussent piégé tout un tas de "personnalités" européennes : Angela Merkel, François Hollande, le président polonais Andrzej Duda etc. C’est comme cela que l’on appris que Merkel et Hollande avaient apposé leur signature garantissant le respect par Kiev des accords de Minsk dans l’objectif non pas de solidifier la paix, mais de gagner le temps nécessaire à construire une armée ukrainienne agressive devant écraser les républiques autonomistes du Donbass et reconquérir la Crimée, un territoire russe depuis 1762.
En novembre 2022 nous écrivions :
En politique internationale, il n’y a pas d’amis, que des intérêts, va l’adage. Le rôle de la diplomatie comme institution est donc double : donner au décideur les informations nécessaires à la prise de décision et à la gestion des rapports de force et isoler, protéger ce décideur de toutes les pressions, manipulations et considérations qui pourraient le détourner du strict intérêt national. La diplomatie introduit le temps et la distance nécessaires à toute prise de décision rationnelle et raisonnée, en évitant les erreurs de calcul et les fautes de comportement.
La diplomatie directe et instantanée n’existe pas. Quand deux chefs d’Etat et/ou de gouvernement se parlent, c’est l’aboutissement d’un processus beaucoup plus long, mené dans la confidentialité et en coulisses par les diplomates. Car l’intérêt national a cette particularité d’être plutôt permanent et de ne pas changer en fonction de qui est au pouvoir.
La convergence des discours des dirigeants européens ne résulte pas d'intérêts nationaux eux aussi convergents. La seule convergence est celle de leur intérêt personnel à conserver le pouvoir donc les systèmes qui les y ont portés. Quoi qu'il en coûte à leurs peuples.