
Pot-pourri culturel du week-end
David Le Bailly - Bret Easton-Ellis - Annie Lacroix-Riz - Disclosure - Final Gasp - Joel Harrison - Josef Mysliveck - L'Orchestre Noir
Bouquins
David Le Bailly - Hôtel de la folie - Seuil (2023)
Sous les yeux de son fils, une mère se défenestre de leur grand appartement de la place de l’Etoile. Pourtant, elle n’avait pas de diplôme, pas de travail, pas de ressources… Fausse date de naissance, fausses adresses, faux mariage. Mensonges à tous les étages. Et l’identité de cet homme qu’il faut à tout prix protéger. Père ? Amant ? Ami ? Proxénète ? Dès années après le suicide, le fils essaie de démêler l’écheveau. La mère était napolitaine. D’où provenait son immense patrimoine?
Bret Easton Ellis - Les éclats - Robert Lafont (2023)
Après American Psycho, American Parano ? Toujours cette obsession des années 1980, de la très haute bourgeoisie américaine riche à littéralement en crever, qui doit se scarifier ou torturer les autres pour se sentir vivante.
Brett, dernière année de lycée, se mine la tronche. Alcool, came, sexe. Jusqu’à ce que débarque un nouvel élève, qui va tourner à l’obsession pour Brett. Possiblement lié à un tueur en série nommé The Trawler (le chalutier). Plongée vertigineuse dans la paranoïa ordinaire américaine.
La Non-épuration de la France - Annie Lacroix-Riz - Dunod Poche (2023)
Cette photo de Maurice Papon, alors ministre du budget de Valéry Giscard d’Estaing, faisant le baise-main à une Simone Veil souriante dit tout. Maurice Papon fut le secrétaire général de la préfecture de Gironde sous le régime de Vichy. Il a organisé la rafles des juifs de Gironde vers Drancy, d’où ils furent promptement déportés vers Auschwitz pour une extermination tout aussi prompte. Il fut condamné à 10 ans de réclusion criminelle en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité.
La France n’a pas plus été épurée que l’Allemagne dénazifiée ou l’Italie défascisée. Les Américains et les Anglais s’étaient assurés dès 1941 que tout resterait bien à l’identique après la Libération. En clair, ceux qui nous gouvernent sont majoritairement les descendants de collabos.
Important de lire ce livre d’Annie Lacroix-Riz, dont le travail n’est pas du roman historique mais résulte d’une plongée dans les archives. Les archives ne mentent pas puisqu’elles sont l’époque.
Livre important à lire, surtout au moment où, avec la guerre en Ukraine, on réhabilite le nazisme à bas bruit, ni vu ni connu. Par une prétendue nécessité. Une nécessité du même bois que celle qui fit que la plupart des nazis, fascistes et leur zélés collaborateurs ne connurent pas le sort qu’ils pourtant méritaient, au nom de la lutte contre le communisme. Lutte à laquelle est aujourd’hui substituée celle contre la Russie au nom de “l’ordre international basé sur les règles”…
Musique qui fait du bruit
Disclosure - Alchemy - Apollo Records (2023)
Non ce n’est pas toujours la même chose. La preuve, votre cerveau vous permet d’écouter 4 minutes 16 seconds un morceau fondé sur une note fondamentale, la même ligne de basse et 4 phrases. C’est donc qu’il y a des trucs qui se passent. Cela s’appelle la production, et là elle est extraordinaire. Disclosure, un duo de frelus anglais à l’origine très “house music”, viennent de pondre un album particulièrement original, loin de leur pop habituelle - même si cela reste de l’excellente pop.
Final Gasp - Morning Moon - Relapse Records (2023)
Tiens, le grunge est de retour ! C’est plus que “post-punk/deathrock/goth”… Un sextuor qui vient du harcore. Bref, ça envoie du steak, comme disent les djeun’s. Album à suivre en septembre. Ne pas bouder son plaisir.
Musique douce
Joel Harrison - Anthem of Unity - HighNote (2023)
Vous vous énervez dans les bouchons alors que votre clim’ vient de tomber en panne? Bougez pas, nous avons la solution. Le petit dernier du guitariste-arrangeur Joel Harrison. Du jazz très accessible, chill juste comme il faut pour que vous ne claquiez pas le petit dernier qui vient de renverser son coca sur la banquette arrière tout en vous maintenant éveillé sur la route du retour de vacances.
Josef Mysliveck - Musique du film Il Boemo de Petr Vaclav - Warner Bros (2023).
Tous les génies ne sont pas découverts. Loin de là. Regardez, nous, par exemple (si nous ne nous lançons pas des roses, qui le fera ?). D’autres sont passés à la trappe de l’histoire, comme Josef Mysliveck, compositeur du XVIIIe siècle. Exilé en Italie pour fuir la guerre de sept ans, il obtint une telle renommée qu’il fut surnommé “Il divino Boemo”, le divin bohémien. Puis la maladie, la mort et l’oubli. Pure tradition de l’opéra vénitien, avec ce grain de folie d’Europe centrale qui lui donne tout son goût. Il paraît que le film est très bon, pas une copie d’Amadeus.
Oldies but goodies en accès libre
L’orchestre noir - Fabrizio Calvi et Frédéric Laurent - 1998
Documentaire du très regretté Fabrizio Calvi sur l’armée secrète de l’Otan en Europe, le “Stay Behind”, en l’espèce en Italie. Ces fascistes, nazis et leurs collaborateurs impénitents recrutés en Italie, en France, en Allemagne et de partout ailleurs en Europe de l’Ouest par les Anglo-saxons pour constituer une force de résistance en cas d’invasion de l’Europe par l’URSS. Réseau qui fut vite utilisé comme instrument d’ingérence dans les affaires intérieures de nombreux pays européens. En Italie, cela donna la stratégie de la tension et les années de plomb, la loge P2, la banque Ambrosiano etc. Le terrorisme d’extrême droite y fit chez nos voisins translapins bien plus de victimes que celui d’extrême gauche. A mettre en relation avec l’ouvrage d’Annie Lacroix-Riz ci-dessus.
Pour ceux qui comprennent l’anglais, nous conseillons la version sonore du livre de Paul L. Williams sur ce même réseau Gladio, mais qui traite du rôle pivot du Vatican, notamment financier, peu abordé dans '“L’Orchestre noir”.