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Voile & compagnie : on touche le fond (de la piscine)

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La Lettre Confidentielle

Voile & compagnie : on touche le fond (de la piscine)

Faute de débat et de décision politique claire et assumée, la question du voile et ses dérivés n'en finit pas dériver.

Patricia Cerinsek
Jan 21, 2022
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Voile & compagnie : on touche le fond (de la piscine)

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Depuis trois ans, l’Alliance citoyenne multiplie les opérations pour tenter de faire changer le règlement des piscines grenobloises et faire accepter le burqini - photo page Facebook Alliance citoyenne

« J’ai aussi été interpellée par des personnes trans qui me disaient vouloir être libres de porter un maillot de bain qui ne leur était pas assigné, par des féministes qui ne comprenaient pas pourquoi les hommes peuvent exhiber leurs tétons et pas elles, et par d’autres qui ne veulent plus aller à la piscine parce que les minis-maillots de bain réveillent leurs complexes. Sur cette question, il faut que prime l’égalité d’accès ».

On a échappé aux naturistes et aux animalistes exigeant l’égalité des droits de baignade pour leur hamster.

C’était dans Le Dauphiné libéré. Propos de Chloé Le Bret, l’élue (enfin ex-élue puisqu’elle a démissionné depuis) à l’égalité des droits à la Ville de Grenoble, chargée de jouer les médiateurs avec les pro-burqinis pour tenter de faire bouger les lignes du règlement des piscines publiques.

Et qui après s’être pris une veste – la Ville a pour l’instant décidé de… ne rien décider, soit continuer d’appliquer l’interdiction en attendant d’y réfléchir davantage – a rendu son mandat. Et annonce vouloir saisir la justice pour porter la question au niveau national. On a hâte de voir ça.

On peut sans doute aucun dire que cette fois, on a touché le fond. Et que la question est en train de sérieusement patauger dans l’eau croupie. Après force opérations coups de poing dans les bassins, l’Alliance citoyenne – dont on se rappelle qu’elle est dans le collimateur de Gérald Darmanin – s’est saisie du dispositif d’interpellation citoyenne pour obtenir gain de cause. C’est plutôt mal emmanché. D’abord parce que l’interpellation citoyenne à la grenobloise n’a jamais permis à aucune question citoyenne d’émerger.

Ensuite, parce que depuis trois ans, le petit jeu est de se renvoyer la patate chaude, de se refiler l’imam caché. Sans jamais rien décider, et encore moins trancher. « Dans le cas d’un changement de règlement intérieur, une interpellation citoyenne peut servir à engager un débat mais ne peut pas acter une décision, si celle-ci n’a pas fait l’objet d’une délibération votée », justifie la Ville sur Place Gre’net. De l’art de botter en touche tout en noyant le poisson.

Un rapport sur la longueur de tissu autorisée pour se baigner ?

Car, pour se prononcer sur l’évolution du règlement des piscines, la Ville dit toujours attendre que le gouvernement remette le « rapport justifiant l’interdiction de certaines tenues de bain pour des raisons d’hygiène et de sécurité ». Rapport demandé au gouvernement en juin 2021.

Une demande pour le moins croquignolesque. On se rappelle qu’Eric Piolle avait en effet enjoint le Premier ministre « de fixer l’ensemble des critères d’interdiction en fonction de leur taille, de leur matière et de surface de contact avec la peau ou, à défaut, de déterminer les seuils de particules nocives que peuvent fixer ces tenues et qui ne seraient pas acceptables d’un point de vue sanitaire ».

Le nombre de centimètre carré de bout de tissu comme variable d’interdiction ? Sous couvert d’hygiène ? Par deux fois, en 2012 et 2019, l’Anses a confirmé que la longueur du tissu n’a pas d’impact sur la qualité de l’eau…

Bref il semble surtout urgent d’évacuer tout débat et positionnement un tant soit peu politique. A Grenoble mais aussi à Paris où les différentes autorités interpellées sur le sujet, se gardent bien de s’exprimer. Saisie par l’Alliance citoyenne, la Défenseur des Droits n’a ainsi toujours pas rendu son avis sur le sujet.

Quant à l’Etat, il se garde bien de fixer, une bonne fois pour toutes, et pour tout le monde, des règles harmonisées. Et pas que dans les bassins. Il y a ainsi peu de chances que l’amendement des sénateurs Les Républicains interdisant le port du voile lors des compétitions sportives – amendement voté le 18 janvier dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sur le sport – aille au bout de la navette parlementaire.

Image extraite de la vidéo “Hijabeuses FC : le foot pour toutes”

La ministre chargée des sports, Roxana Maracineanu, qui voit d’un plutôt mauvais œil une interdiction aussi verticale, ne s’est pas fait prier pour renvoyer sur… les associations.

De fait, depuis le 1er janvier, toute association qui espère empocher une subvention doit signer un contrat d’engagement républicain. Contrat qui l’engage « à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République » et « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ». Débrouillez-vous avec ça.

Une responsabilité disproportionnée

Bref, c’est aux associations à qui il incombe de décider, juger, voire faire la police ? Emoi dans le milieu associatif où on souligne la « responsabilité tout à fait disproportionnée et dont les conditions de mise en œuvre restent très incertaines » qui pèsera « sur les épaules de dirigeants bénévoles, au risque d’en décourager plus d’un ».

« Ces contrats poussent les fédérations et associations à mettre en place des actions de sensibilisation et d'information, mais ils ne créent pas de cadre juridique, regrette le sénateur LR de l’Isère et rapporteur de la loi sur le sport Michel Savin dans Marianne. S'il n'y a pas de cadre juridique, les personnes qui se retrouvent face à ces situations créées par idéologie ou provocation sont démunies ».

A la justice de trancher ? En décembre, le collectif des Hijabeuses a saisi le Conseil d’Etat pour obtenir de la fédération française de football l’autorisation du voile sur les stades.

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