[ Analyse ] Overseas Telegram
Avec l'arrestation de Pavel Durov, le fondateur de Telegram, Emmanuel Macron et son gouvernement chercheraient-ils à emballer la censure de masse dans des prétextes fallacieux ?
“Le téléphone sera utilisé pour informer les gens qu'un télégramme a été envoyé.”
Alexander Graham-Bell, inventeur du téléphone
Pavel Durov, le fondateur de la messagerie Telegram et de VKontakte (le Facebook russe), a été interpellé le 24 août à sa descente d'avion à l'aéroport du Bourget. Sa garde à vue a été prolongée dimanche soir.
Rappelons que c’est Emmanuel Macron qui, le 25 mai 2021, a accordé la nationalité française à Pavel Durov (son nom a été francisé en Paul de Rove par décret en mai 2022). Lequel, selon ses propres dires, ne l’avait pas sollicitée. Devenir français est un privilège qui se mérite, pas une prébende accordée par munificence du prince. Quelles étaient les motivations d’Emmanuel Macron à l’époque ? Personne n’a mené d’enquête administrative avant cette naturalisation? Croire qu'être français apporte protection contre l’arbitraire est illusoire. Pavel Durov, également citoyen russe, s’est vu refuser par la justice française l’assistance consulaire de la Russie au motif qu’il est français...
Les détails de la procédure dont il fait l’objet sont inconnus, alors que ce genre d’éléments est sinon promptement fuité, la chancellerie et la place Beauvau ne ratant jamais une occasion de plastronner. Il s’agirait d’une information judiciaire ouverte par la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) et d’une enquête confiée à l’unité nationale cyber de la gendarmerie et à l’Office office national anti-fraude (Onaf) des douanes. L’inscription au fichier des personnes recherchées aurait été demandée par l'Office chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs (Ofmin).
Rappelons aux passeurs de plats du Monde (quand il y a Damien Leloup, c’est que c’est flou) que le secret de la correspondance est un droit fondamental garanti par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : “Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.” Enfreindre ce droit est un délit. Un petit conseil aux jésuito-journalistes parisiens: se rappeler avant de parler “d’Etat de droit” (qui s’écrit état de droit, sans E majuscule car il s’agit bien d’un état et non pas de l’Etat), que si la plume est serve, la parole est libre.
Pavel Durov est en garde à vue à l’Onaf et devrait être libéré à son terme, si pas présenté à un juge d’instruction et si un juge des libertés et de la détention n’accorde pas son placement en détention provisoire. La presse parle de pédopornographie, de trafic de stupéfiants, de terrorisme, d’escroquerie et de blanchiment d’argent - les emballages habituels de la censure façon moraline calviniste américaine. Ça sent le mauvais chantier comme celui du Comité invisible et de l’affaire de Tarnac. Et le même fiasco judiciaire en perspective.
“Le malheur n’est pas un télégramme, il n’arrive pas si vite.”
Proverbe yiddish
Seuls les trafiquants de drogues, les pédophiles, les escrocs et les terroristes pas vraiment malins utilisent Telegram pour préparer et/ou commettre leurs méfaits. Telegram n’est pas chiffré de bout à bout automatiquement et n’est pas une messagerie anonyme puisque reliée à un numéro de téléphone, nécessaire pour ouvrir un compte et télécharger l’application. Or c’est l’anonymat plus que le chiffrement qui protège des ennuis judiciaires. Il existe d’autres solutions plus avancées, garantissant un anonymat total et avec une sécurité et un chiffrement bien plus durs que Telegram. Solutions plus sûres, plus discrètes, très faciles à mettre en œuvre à un coût ridicule.
Et pendant ce temps-là, les faux experts pullulent sur les plateaux télé et racontent des fariboles.
On peut difficilement comprendre comment un “défaut de modération” pourrait justifier une interpellation et une garde à vue puisque nul ne peut être tenu responsable pénalement de faits commis par autrui. A ce compte-là, ne faudrait-il pas interdire les grosses cylindrées – Mercedes, BMW, Audi etc. – et embastiller les patrons qui dirigent les entreprises qui les construisent au motif que ces véhicules sont prisés des trafiquants de drogues qui s’en servent pour les go-fast?
Les services de renseignement intérieur français et de police judiciaire sont incapables d’élucider les sabotages à la SNCF au point que l’Etat en a été réduit à demander l’aide au FBI pour identifier les auteurs des emails de revendication.
Notez que près d’une vingtaine d’incendies criminels avec des revendications similaires ont été commis dans la région grenobloise depuis 2015. En 2017, c’est le QG du groupement de la gendarmerie de l’Isère qui a été incendié et un mois après la caserne de la brigade de gendarmerie de Meylan. Les auteurs n’ont toujours pas été identifiés et interpelés. A l’époque, le parquet de Grenoble avait essuyé un refus du parquet national antiterroriste de se saisir de ces affaires...
Le FBI est une institution corrompue en laquelle on ne peut placer aucune confiance, comme l’a démontré son inaction puis sa dissimulation de contenu de l’ordinateur de Hunter Biden, en sa possession depuis 2019, ou bien les “Twitter files” qui ont mis en évidence la censure aussi inacceptable qu’illégale à laquelle il a forcé les plateformes américaines à fins strictement politiques. Est-il bien raisonnable de lui demander assistance dans une affaire strictement française, alors que nous possédons l’expertise technique nécessaire (en particulier la gendarmerie; de la direction technique de la DGSE nous ne parlerons pas, hors concours) ?
Le chiffrement a toujours été un champ de bataille pour les services de renseignement.