Burqini à Grenoble : les contorsions d'Eric Piolle
Le futur règlement des piscines municipales à Grenoble, s'il est adopté, plonge dans une nouvelle perplexité. On y cause chiffon. Le burqini n'est lui pas clairement énoncé.
On se rappelle qu’en 2021, dans un courrier adressé à Jean Castex pour savoir si oui ou non le burqini avait sa place dans les piscines publiques, le maire de Grenoble avait parlé chiffon.
Non content d’enjoindre façon renvoi de responsabilités le premier ministre de « lister de manière exhaustive, puis de diffuser aux communes, l’ensemble des préconisations », Eric Piolle avait réclamé que lumière soit faite sur quelle tenue vestimentaire se devait d’être acceptée dans les bassins.
On, et le premier ministre d’abord, avait eu alors droit à un magistral exposé sur la longueur du bout de tissu toléré à faire trempette. « Il s’agit donc de fixer l’ensemble des critères d’interdiction en fonction de leur taille, de leur matière et de surface de contact avec la peau ou, à défaut, de déterminer les seuils de particules nocives que peuvent fixer ces tenues et qui ne seraient pas acceptables d’un point de vue sanitaire ». Du burqini dans les piscines réduit à un simple bout de tissu, cache-sexe d’un débat qui, on le veuille ou non, est autrement plus large, il fallait oser.
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Un an plus tard rebelote. Mais cette fois, le maire de Grenoble a franchi le pas. Le 16 mai, les élus grenoblois auront à se prononcer sur une délibération autorisant le burqini dans les piscines. Alors que ça bouillonne dans la cuvette, qu’à peu près tout le monde – jusqu’à Laurent Wauquiez qui menace de couper les subventions la Région – s’empare du sujet brandissant qui la caution hygiéniste, qui le droit à l’égalité, qui le sexisme, qui la laïcité, qui l’incursion flottante de l’islam politique, alors qu’au sein de la municipalité et même de la majorité grenobloise, on s’écharpe sur la question entre démissions et claquements de porte, la rédaction de la délibération — récupérée par l’association démocratie, écologie solidarité (Ades), soutien jusqu’à un certain point d’Eric Piolle – nous a plongé dans l’imminence d’un débat municipal qui s’annonce d’une profondeur inégalée (là, on est ironique).
Car pour pouvoir tenir dans le cadre de la loi, pas question de brandir d’autres motifs que ceux de l’hygiène et de la sécurité dans les piscines. Eric Piolle (ou celui qui a rédigé le futur nouveau règlement, lequel a néanmoins dû être visé par le maire) a alors dû faire montre de contorsions aquatico-sémantiques rafraichissantes.
« Les tenues de bain doivent être faites d’un tissu spécifiquement conçu pour la baignade, ajustées près du corps, et ne doivent pas avoir été portées avant l’accès à la piscine », commence en préambule le texte de la délibération. Bon. Bien. Jusque-là rien que de très normal.
« Les tenues non prévues pour un strict usage de baignade (short, bermuda, sous-vêtements, etc.(on remarquera que le mot burqini n’y apparait pas, note de la rédaction et fin de la parenthèse dans la parenthèse)), les tenues non près du corps plus longues que la mi-cuisse (robe ou tunique longue, large ou évasée et les maillots de bain-shorts sont interdits ). A ce stade, il convient de bien lire. Voire de mesurer, comme le maire de Grenoble l’enjoignait à Jean Castex, la longueur dudit maillot.
Faut-il comprendre qu’au-dessus de la mi-cuisse, l’accès aux bassins est grand ouvert aux tenues “non près du corps” ? Bref aux semi-burqini (si, si, ça existe). Alors même qu’au paragraphe précédent, le rédacteur soulignait que les tenues devaient être ajustées près du corps ?
Bref, ça patauge sec. L’Ades s’énerve. Et comble pour une association connue pour être un soutien du maire de Grenoble et avoir grandement contribué à son élection en 2014, réclame la suppression de la phrase (celle sur les tenues non près du corps).
« Sans la suppression de cette phrase, le règlement contenant une telle contradiction sera annulé par le juge administratif et plus grave, sera inapplicable par les agents municipaux », avertit l’association.