Dérives sectaires, dérives autoritaires
Au motif de lutte contre les dérives sectaires et de renforcement d'un arsenal juridique qui serait insuffisant (sic), le gouvernement entend tailler un peu plus dans les libertés fondamentales.
Il est intéressant de se pencher sur le projet de loi, présenté comme un texte luttant contre les dérives sectaires, qui est examiné à l’assemblée nationale ces 13 et 14 février.
Rappelons au préalable qu’un projet de loi est un texte déposé au nom du gouvernement par le chef du gouvernement. Que ce texte, sans que l’on comprenne pourquoi, est examiné en procédure accélérée. La procédure accélérée c’est depuis 2008 la nouvelle dénomination de la procédure en urgence. Une manière de normaliser un dispositif qui se voulait dérogatoire et dont l’urgence finalement consiste surtout à accélérer le temps législatif – et à raboter un peu plus ce qu’il reste d’équilibre des pouvoirs. Surtout s’il s’avérait que certains auraient des velléités à se mettre en travers de l’adoption du texte.
C’est ce qui s’est passé avec le projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires quand le Sénat s’en est mêlé, le vidant largement de son contenu en supprimant trois articles majeurs qui visaient à instaurer de nouveaux délits dans le code pénal : le délit lié au “placement ou au maintien dans un état de sujétion” des victimes et celui de provocation (définition ?) à l'abandon ou l'abstention de soins. Au motif, dixit sa rapporteuse, la députée macroniste Brigitte Liso – qui sûrement le fait du hasard, fut un temps déléguée médicale auprès du laboratoire pharmaceutique GSK – qu’“avec seulement 15 condamnations par an”, l’arsenal juridique serait insuffisant.
Et tant pis si, s’agissant de ce nouveau coup de rabot dans la liberté de prescription des médecins – rappelez-vous l’épisode Covid – le Conseil d’Etat, dans un avis plutôt cinglant sur lequel la presse mainstream a fait l’impasse, a estimé que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations n’étaient avérées.
Et surtout que cet arsenal juridique “insuffisant” était particulièrement foisonnant. Rappelons qu’en la matière, il existe le délit d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie pour les professionnels de santé – sans parler des sanctions ordinales – mais aussi les pratiques commerciales trompeuses, la non-assistance à personne en danger, la mise en danger de la vie d’autrui, le délaissement d'une personne hors d'état de se protéger ou l'entrave aux mesures d'assistance et de l'omission de porter secours.