[Documents] La réalité de la gestion "progressiste" de San Francisco et de Seattle
L'exact même phénomène se produit en France. Même idéologie produisant les mêmes causes ayant les mêmes effets? Le "progressisme" est un échec abouti.
Avertissement: le visionnage des vidéos illustrant cet article est indispensable à la bonne compréhension de notre analyse. Elles sont malheureusement en anglais. Vous pouvez activer les sous-titres en cliquant sur l’icône “engrenage” en bas à droite des vidéos.
Nous n’avons pas idée en France de la magnitude de l’épidémie d’opioïdes - et plus généralement de la consommation de stupéfiants - aux USA. C’est un problème que nous ne connaissons pas dans ces proportions, même si la banalisation du crack est plus qu’inquiétante (il existe des substituts efficaces aux opioïdes, pas au crack).
L’overdose est la première cause de mortalité chez les moins de 50 ans. Plus de 100 000 décès en 2020. Plus de 900 000 morts de 1999 à 2021. Il y a deux fois plus de décès par overdose avec les opioïdes de synthèse qu’avec tous les autres stupéfiants cumulés. A titre de comparaison, 45 000 Américains sont morts dans un accident de la circulation l’année dernière.
La première épidémie d’opioïdes a commencé au début des années 1990 sous les deux mandats de Bill Clinton, causée par les opioïdes de synthèse sous ordonnance. La seconde (héroïne) et la troisième (Fentanyl illicite fabriqué par des cartels mexicains) ont débuté respectivement en 2010 et 2013, alors que Barrack Obama était président des États-Unis. Ces trois épidémies sont toujours en cours. L’épidémie de crack, elle, fut la marque des deux mandats de Ronald Reagan, pour des raisons peu avouables avancent certains, comme l’affaire des Contras et son trafic de drogue pour financer des opérations clandestines que le Congrès avait interdites.
Le départ de ces épidémies est concomitant non pas à des crises mais à des périodes de dérégulation effrénée. La raison de l’épidémie due à des produits pharmaceutiques est la plus nauséabonde qu’il soit : l’argent. L’industrie pharmaceutique, aidée par des cabinets de conseil comme McKinsey (oui, le même cabinet qui “gère” la “stratégie vaccinale” en France), a réussi à faire déréglementer l’usage d’antidouleurs puissants, d’ordinaire réservé à des malades en très grande souffrance ou en stade terminal.
L’un des labos impliqué directement, Purdue Pharma, a été liquidé le 21 septembre 2021. La famille Sackler a du payer 4,5 milliards de dollars de réparation aux Etats pour éviter les poursuites pénales. La valeur du patrimoine de cette famille se montait avant la liquidation de Purdue à 10,3 milliards.
Vous avez le dos cassé, les épaules et genoux en compote du fait de la pénibilité de votre travail ? Prenez du Percocet, du Fentanyl ou de l’Oxycontin. Vous pourrez continuer à vous éreinter sans douleur au salaire minimum dans vos deux boulots sans lesquels vous ne pouvez pas faire vivre votre famille. Sauf que tous les opioïdes “naturels” (morphine, héroïne) ou de synthèse provoquent une dépendance dont il est très difficile de se libérer. Et les doses nécessaires à l’atténuation de la douleur vont croissantes, accoutumance oblige. Ce qui accroît les risques d’overdose.
On a vu fleurir dans certains Etats des “cliniques de la douleur” dans lesquelles des médecins sans scrupules délivrent des ordonnances à la chaîne pour des opioïdes dont l’usage n’est pas médical et peut difficilement être qualifié de “récréatif” par des “patients” qui n’ont pour douleur que le manque. La toxicomanie, “just what the doctor ordered” (ndlr: le slogan du soda “Dr. Pepper”)
Prince, qui était loin d’être un camé, en est mort. Pour soulager des douleurs dorsales dues à des décennies de scène, il prenait du Fentanyl prescrit par son médecin. Il a surdosé le 26 avril 2016. La liste des célébrités ayant succombé de la même cause est longue.
Un tel niveau de toxicomanie lourde n’est que le symptôme d’un mal de société bien plus profond. Outre la relation particulière qu’ont toujours entretenu les Américains avec les stupéfiants qu’on pourrait presque qualifier de culturelle, c’est de la bien réelle sécession de ce qu’il est convenu d’appeler l’élite dont il s’agit, qu’elle soit financière, administrative, politique ou médiatique.
Aux USA, contrairement à chez nous, ces quatre élites ne sont pas les mêmes. Elles partagent de très nombreux intérêts. Elles ont pour la plupart été formées dans les grandes universités, la “Ivy league”. Elles se côtoient dans les country clubs, dans les restos et bars à la mode, dans les manifestations de bienfaisance, dans les think-tanks, à la sortie des “pre-school” et écoles privées à 30 000 dollars l’année où sont scolarisés leurs enfants. Mais elles ne sont pas aussi consanguines qu’en France. Si la reproduction sociale existe au pays de l’oncle Sam, elle est moins prégnante qu’en France. Au sens où il y reste plus facile de s’extraire de sa condition de naissance.
Il faut reconnaître que c’est la réussite individuelle qui ouvre la porte des élites, bien plus que l’héritage. Le passage de l’une à l’autre est difficile parce que la loi le limite. Et aussi parce que le consensus veut qu’en restant chacun à sa place, les intérêts de classe sont mieux protégés.
Vous avez peut-être vu ces vidéos tournées dans le quartier de Kensington Avenue à Philadelphie, le plus grand marché de stup’ à ciel ouvert de la côte Est. Celle-ci date du 14 novembre 2021.
Philadelphie, c’est la “rust belt” (la ceinture de rouille). La capitale de la Pennsylvanie, première capitale des USA, où se trouve la “Liberty Bell” (cloche de la liberté) qui aurait retenti juste après la signature de la Déclaration d'indépendance des États-Unis le 4 juillet 1776, a pris de plein fouet l’effondrement des industries sidérurgiques et textiles. Cœur industriel aussi solide que prospère des États-Unis avant la mondialisation, cœur transplanté dans des pays où le coût de la main d’œuvre est plus bas. Depuis cinquante ans.
Mais il y a une réalité que les médias corporatifs français ne nous montreront pas. La faute au snob tropisme anglo-saxon de journalistes majoritairement issus de la classe moyenne supérieure. San Francisco, Seattle, c’est la start-up nation. C’est Byzance. C’est le futur de l’humanité. C’est l’opulence pour tous au pays ensoleillé des Gafam, où le vélo électrique et la Tesla ont remplacé la voiture.
La baie de San Francisco, c’est la Silicon Valley. C’est Intel, HP, Apple, Google, Facebook, Twitter, Oracle etc. Seattle, c’est Microsoft et Starbucks. C’est cette religion qui pose que l’entreprise et la technologie sont par nature bénéfiques, qu’elles résolvent tôt ou tard tous les problèmes. Mieux que les Etats, mieux que des institutions démocratiques dirigées par des élus du peuple. D’où la prétention de vouloir traiter une épidémie par la vaccination alors qu’on sait que dans l’histoire de la médecine, cela n’a jamais réussi. Au prétexte que l’ARNm, c’est l’innovation, une “révolution”, donc forcément bon et son pendant moral, bien. Il ne faut pas confondre progrès et fuite en avant.
C’est la ruée vers l’or 2.0 où des fortunes colossales sont faites aussi rapidement que celle du prospecteur d’or ou d’argent du XIXe siècle tombant sur le bon filon. Mais attention, de manière écolo-socio-genro-racialo-responsable, en sauvant le monde une verrine quinoa-betterave-jalapiños à la fois. Ou, si on est Bill Gates, en vaccinant la terre entière par philanthropie bien ordonnée, cette charité intéressée qui vient booster votre “net worth” (valeur du patrimoine) en générant de nouveaux marchés servis par des entreprises dans lesquelles vous détenez des participations.
C’est, veut-on nous faire croire, le rêve américain.
Le rêve américain pour les dizaines de millions d’immigrés d’abord européens, puis asiatiques, puis latino ne fut jamais tel. Les noirs eux ont du attendre la fin de la guerre de sécession voire de la ségrégation pour posséder le droit de commencer à rêver. Les amérindiens d’abord génocidés, ne peuvent eux le faire que depuis les réserves où on les a relégués.
Le rêve américain est plus simple, plus prosaïque: vivre libre, décemment et pouvoir offrir à ses enfants une vie meilleure en recommençant à zéro. L’immigration, c’est également se créer une page blanche. Si les Français n’ont jamais émigré en masse aux USA aux XIXe et XXe siècles, c’est parce qu’alors en France on vivait libre et qu’on savait que l’avenir était assuré, même si les conditions de vie étaient alors dures. Pas le cas des Irlandais qui ne mangeaient pas à leur faim sous la férule britannique. Pas le cas des juifs d’Europe de l’Est, persécutés par les pogroms. Pas le cas des Italiens, des Polonais, des Grecs etc.
Les conséquences catastrophiques du “progressisme” à Seattle et à San Francisco (rajoutez également Portland et Denver) ne sont pas le revers du rêve américain. Ils sont la conséquence de la confiscation de tous les moyens de l’action publique et des institutions qui en disposent par un “establishment” minoritaire et leurs enfants “woke”, qui se fichent des conséquences qu’ont sur le reste de la société leur égoïste liberté de pouvoir fumer un joint dans la rue et d’acheter de la beuh librement. Fumer du cannabis est l’apanage de la classe moyenne supérieure, des universités. Dans la classe ouvrière ou la classe moyenne, on commence directement à la méthamphétamine, à l’héroïne ou au crack.
Dans le documentaire sur Seattle ci-dessous réalisé en 2019, avant la Covid, on peut voir la scène suivante, épitomé de la déconnexion de la classe dirigeante avec la réalité de la multitude.
Les habitants de Ballard, un quartier de classe moyenne, excédés par les centaines de sans-abris toxicomanes campant sur les trottoirs et dans les parcs, les monceaux de déchets entassés partout, les seringues dans les bacs à sable, les excréments à chaque recoin et l’inévitable délinquance occasionnée par ces pauvres hères pour entretenir leur addiction (à Seattle en 2019, on dénombrait plus de 5 000 cambriolages pour 100 000 habitants), exigent simplement que le règlement municipal soit appliqué. Que l’interdiction de camper dans l’espace public soit imposée. Sans colère ni haine vis à vis des toxicos. Juste parce que leur vie dans leur quartier est devenue un enfer quotidien.
La réponse d’un élu? “En cas de cambriolage ou d’agression, appelez le 911”…
A San Francisco, l’un des villes les plus riche d’Amérique, la situation est peut-être encore pire. La misère n’est pas plus douce au soleil de la Californie.
Ce sont les classes populaires et moyennes qui subissent cela de plein fouet. Elles n’ont pas les moyens de compter sur autre chose que la force publique pour les protéger. A moins de se faire justice elles-mêmes, d’où la multiplication des groupes d’autodéfense, voire des milices armées dans certaines circonstances, comme on a pu le voir lors des pillages au prétexte de manifestations de Black Lives Matter dans plus d’une centaine de villes. La tragédie de Kenosha où un adolescent de 17 ans a tué en état de légitime défense deux manifestants et blessé un grièvement nous le rappelle.
Le choix du vocabulaire n’est jamais neutre. On parle de “homelessness”, de sans-abris. On se garde de bien de nommer ce qui a mené ces gens à la rue. Leur toxicomanie. Ou leur maladie mentale. Souvent les deux. Il ne s’agit pas de personnes traversant une simple mauvaise passe.
San Francisco, Seattle, Denver, Portland: dans toutes ces villes, la vente et la consommation de cannabis est légale et la possession de stupéfiants dépénalisée. On ne s’est pas contenté d’autoriser la vente libre d’herbe et de chichon aux majeurs, on a aussi considéré, à juste raison, que l’usage de drogues dures ne fait pas le délinquant. Mais on ne s’est pas arrêté là. On a considéré par voie de conséquence que les toxicomanes commettant des infractions pénales du fait de leur addiction n’étaient souvent pas responsables de leurs actes. Leur imposer toute forme de contrainte serait violer leurs droits constitutionnels. Raisonnement circulaire.
A Seattle, la police a l’ordre de ne pas interpeller les personnes en possession de moins de 3 grammes d’héroïne. Or, 3 grammes d’héroïne, c’est 30 doses. Les dealers ont vite compris. Le cercle infernal des toxicomanes pouvant assouvir leur addiction sans entrave en étant fournis par des dealers amassant eux aussi sans entrave des sommes considérables, a été enclenché.
Ce pour qu’une petite minorité puisse avoir la liberté de se mettre sur le toit “récréativement”. En niant la nature fondamentalement mafieuse et internationale du trafic de stups qui pose des problèmes d’un autre ordre et d’une autre nature. Faux hédonisme mais vrai égoïsme.
Contemplez un instant l’impact qu’aurait au Mexique, par exemple, la diminution de moitié de la consommation de drogues aux USA, où plus de 20 000 personnes par an connaissent des morts violentes dans les guerres de cartels.
Gardez à l’esprit que, selon Antonio Maria Costa, alors directeur du Bureau des Nations Unies sur la drogue et le crime, ce sont les centaines de milliards de l’argent de la drogue qui ont permis au système bancaire de rester à flot lors de la crise de 2007-2008. Cet argent sale a constitué les seules liquidités disponibles pour certaines banques de détail au bord de la faillite. L’affaire Wachovia, qui a blanchi plus de 350 milliards de dollars pour les cartels mexicains durant la crise, est là pour nous le rappeler. La sanction infligée à cette banque depuis rachetée par Wells Fargo? Une amende 160 millions de dollars et aucune poursuite pénale.
Au surplus, les recettes fiscales générées par les taxes levées sur la vente de cannabis sont une manne pour les collectivités et les Etats, dont les finances ont été saignées à blanc par les transferts massifs du secteur public vers le secteur privé organisés depuis quarante ans .
La situation est inextricable. A moins de renverser la table.
Des êtres humains dont l’ensemble de la vie ne consiste qu’à la recherche la prochaine dose sont-ils encore des hommes libres? Non pas au sens juridique mais au sens philosophique du terme? Jusqu’où la toxicomanie reste t-elle un choix?
L’équation que pose l’idéologie progressiste est sinistre : pour que certains puissent avoir la liberté d’user de stupéfiants à des fins récréatives, on accepte l’énorme coût humain, social et financier que d’autres en usent en ayant perdu la liberté de choisir d’en user.
Centre-villes et quartiers littéralement dévastés. Insécurité généralisée. Fermeture des commerces. Entreprises qui partent. Déménagement des résidents remplacés par de plus pauvres. On connait la spirale.
La légalisation est bien le marqueur emblématique de la sécession de la classe moyenne supérieure.
Mais il faut bien avoir bonne conscience. Il faut dormir du sommeil du juste. Les toxicomanes sans-abris se voient. Ils s’entendent. Ils se sentent. Ils vous touchent. Même pour ceux qui ne résident pas dans les centres villes ou les quartiers où ils sont concentrés.
Il faut alors leur construire des “ tiny houses” mais surtout pas tenter de leur rendre la liberté et la dignité qu’ils ont perdues, parce que cela se fera dans la plupart des cas par la contrainte, puisqu’ils ne sont plus maîtres d’eux-mêmes mais esclaves de leur dépendance. Et puisque par principe on est contre la contrainte parce qu’on refuse qu’elle nous soit également (dans les deux sens du terme) appliquée par quelque autorité que soit…on construit des tiny houses.
Et puis construire des tiny houses, c’est bien, c’est charitable, ça fait monter les endorphines, ça permet de montrer sur les réseaux sociaux combien on est généreux lors de galas et concerts de bienfaisance, combien on met la main dans le cambouis lors d’une demi-journée à planter quelques clous avec un accoutrement de charpentier flambant neuf, combien on s’engage pour la “communauté” en agitant des pancartes et en organisant des marches.
Et si on pouvait faire tout cela sans payer d’impôts, en choisissant combien et ce à quoi on veut contribuer pour la société, ce serait encore mieux. Si vous vous demandez d’où sortent des absurdités du genre “définancer et désarmer la police”, ne cherchez plus.
Il n’est pas non plus question d’emprisonner les toxicomanes ayant commis des délits en récidive afin de les sortir de la rue et de tarir le marché, tout en leur proposant des programmes médico-sociaux de substitution se poursuivant une fois sortis de prison. Ça coûte de l’argent et ce n’est pas “progressiste”. On sanctionne et on enferme.
Le plus petit Etat des USA, Rhode Island, a lancé un tel programme. Produits de substitution et suivi médico-social. En prison, succès garanti, à moins de vouloir faire face au manque. Le suivi médico-social se poursuit après la libération et les produits de substitution sont délivrés gratuitement à vie, car la méthadone pour un héroïnomane est l’équivalent de l’insuline pour un diabétique. En cinq ans d’existence, 93% des anciens détenus devenu des patients participent toujours au programme et donc n’ont pas récidivé. La baisse de la mortalité par overdose dans cette population est de 65%.
A Seattle, la prison de l’île Mc Neil est vide, alors qu’elle pourrait être réaménagée et utilisée à cet effet. Mais ce ne serait pas “progressiste”.
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à L'Eclaireur - La Lettre des Alpes pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.