[ Edito ] Bernard Arnault, made in 1984
Un empire du luxe n'est qu'un empire de la futilité. Les marques, du vent.
Bernard Arnault a osé déclarer lors de l’assemblée générale de LVMH que mettre à contribution les multinationales françaises, reines de l’optimisation fiscale, revenait à mettre un impôt sur le “made in France”. Le boulanger et le petit entrepreneur, eux, n’ont pas les moyens d’entretenir des armées d’avocats d’affaires et de fiscalistes. Ils paient en France comparativement bien plus d’impôts que LVHM.
Le soucis est que nombre des futilités que vend LVMH ne sont pas fabriquées en France, à part les vins et spiritueux, des IGP qui par nature ne sont pas délocalisables, et le vrai artisanat d’art qui n’est pas non plus délocalisable parce que ces compétences ne s’acquièrent pas sous les sabots d’un cheval mais demandent des années d’apprentissage.
“Aux USA, les impôts vont descendre à 15 %” ?
Bernard Arnault ment. S’il a bien été invité à la prise de fonction de Donald Trump, rien pour le moment n’indique que les impôts sur les sociétés vont baisser de 15% aux Etats-Unis. Le taux effectif d’impôt sur les sociétés aux USA était en 2024 de 9%…
Au demeurant, il est bon de rappeler à M. Arnault que l’impôt mondial sur les société à 15% est un engagement international pris par le G7 et qu’il nous prend donc pour des perdreaux de l’année. Rien à voir avec Trump.
M. Arnault devrait plutôt s’inquiéter des droits de douanes promis par Donald Trump. Ils vont venir en premier chef frapper LVMH, qui, à notre connaissance ne fabrique rien aux USA à part une partie de ce qui est griffé Tiffany’s, entreprise rachetée en 2021 pour 15,8 milliards de dollars et en perte de vitesse. Vins, spiritueux, parfums, cosmétiques, les cibles habituelles, alors que l’idée de Donald Trump est de remplacer les impôts par des droits de douane.
Bernard Arnault est resté coincé dans les années 1980-90. Vous savez, les années fric. Célébrités, festival de Cannes, super modèles, Saint-Tropez, le Palace, les Bains-Douches, super yachts, fêtes qui n’ont pas de fin, coke en stock et tout le toutim.
“Les marques” sont indissociables de la publicité, donc des médias de masse, qui sont tous - c’est une excellente chose - en train de crever. En premier chef ceux de Bernard Arnault. Le Parisien ? Vingt quatre millions de pertes en 2024. Les Echos, 6 millions de pertes à notre connaissance et plan social en vue (départs volontaires). Paris Match qu’il vient de racheter à Arnaud Lagardère ? Un lectorat de plus de 65 ans et la risée de la France entière avec sa défense du couple Macron.
Avec l’avènement des réseaux sociaux et de la presse indépendante, difficile de faire croire au petit peuple qu’acheter un T-Shirt floqué Christian Dior garantit une place au carré VIP.
Helmut Fritz était un visionnaire...
On nous dit que LVMH est l’un des plus gros employeurs de France. C’est faux. LVMH, c’est 40 000 emplois, 10 fois moins que Carrefour, 3 fois moins que Vinci. L’activité distribution sélective, essentiellement Sephora, selon nos informations, ne va pas bien. Quant aux “marques”, s’afficher en Louis Vuitton fait de vous une racaille, en Kenzo un gros beauf et en Christian Dior Gabriel Attal ou Olivier Véran…
Bernard Arnault n’est pas un entrepreneur. Il n’est pas non plus un industriel contrairement, par exemple, à Vincent Bolloré ou Rodolphe Saadé (ce qui ne rend ces deux messieurs plus sympathiques). C’est un financier qui n’a pu bâtir son empire que grâce à la munificence de l’Etat (donc des contribuables français, merci Laurent Fabius) et des méthodes très tôt contestables. Lire à ce sujet notre article ci-dessous.
N’oublions pas non plus le délire woke de la cérémonie d’ouverture des JO, une énorme vitrine pour LVMH, qu’Emmanuel Macron avait appelé à la rescousse face à l’incapacité du comité d’organisation à trouver des sponsors. Le satyre bleu en string n’est pas du tout, mais alors pas du tout passé dans le reste du monde, provoquant hilarité ou dégoût. Pas bon pour les “marques”, ça. Si on rajoute les affaires Epstein et Puff Daddy, la jet set a du plomb dans l’aile.
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"C'est une tendance lourde depuis dix ans pour les marques de se regrouper, pour une raison simple. C'est un marché mondial, à atteindre à l'échelle mondiale, qui nécessite un investissement beaucoup plus important. Une marque seule rencontrera de grandes difficultés. Quand vous achetez du Dom Pérignon ou du parfum Dior, ou un sac Vuitton, vous ne savez pas qu'ils appartiennent au même groupe. C'est uniquement en coulisses que l'on trouve les économies d'échelle qui sont à la base de notre succès" a déclaré Bernard Arnault en 1999 au New York Magazine.
Les économies d’échelles ? Pour les “marques”, elles furent essentiellement à trouver dans le marketing, comprendre l’achat d’espace publicitaire dans les médias de masse à une échelle globale. Et ça, c’est fini. Pour le reste, elles n’ont pas été plus importantes que dans les autres secteurs d’activité.
La fin bien réelle de la mondialisation et le rejet accru de l’Occident dans le reste du monde font que, quoique montre la capitalisation boursière de LVMH, cette fois-ci son luxe risque de ne pas passer la crise. Tout simplement parce qu’il ne fait plus rêver grand monde, et que la multitude, celle qui s’offre un ou deux plaisirs par an avec son argent durement gagné, celle qui génère le gros du chiffre d’affaires de LVMH, commence à ne plus en avoir les moyens et est de moins en moins dupe. Quand on a quelques moyens, on consomme moins, mais on consomme mieux.
Le vrai luxe, c’est justement ne pas porter de marque, ne pas claquer des dizaines de milliers d’euros dans la boutique Louis Vuitton de Gstaad (un truc d’oligarque russe ou de super riche déconnecté de la réalité). C’est une tendance lourde. Pour les hommes, il consiste à faire faire ses costumes en grande mesure chez Cifonelli à Paris, chez Henry Poole ou Edward Sexton à Londres, chez Gaetano Aloisio à Rome, chez Pino Peluso à Naples. Ses chaussures chez Pierre Corthay, Stefano Bemer, Norman Vilalta ou Gazzianio & Girling.
Et si on n’a pas les moyens de la grande mesure (hors de prix), on peut commander un costume en mesure industrielle chez Lanieri, Pini Parma ou Julien Scavini. D’un bien meilleur effet et il vous en coutera moins que d’acheter un costume de “designer” en prêt-à-porter. Pour les femmes, l’auteur ne risquera pas à développer, il n’est pas compétent.
Si on se penche sur les actifs de LVMH, à part l’immobilier (en pleine déconfiture surtout aux USA), le fonciers (domaines viticoles et autres), ils sont principalement immatériels. Il y a également les manufactures, mais la valeur de ces actifs est faible du fait de la petite taille de leur outil industriel. Une marque ne vaut que par l’attention qu’on lui porte. Et c’est fugace, l’attention.
Elon Musk possède une constellation de satellites, des usines fabriquant des voitures électriques et des fusées, et le réseau social où se déroule le débat politique en Occident. Rodolphe Saadé possède des navires. Vincent Bolloré possède des catalogues d’éditions, livres, musique, cinéma, toutes des œuvres uniques. Xavier Niel possède des infrastructures de communication. La famille Dassault des usines aéronautiques et Dassault systèmes avec la propriété intellectuelle de CATIA. LVHM est l’épitomé de tout ce qui en va pas en France, où on monte en épingle le paraître plutôt que l’être et le faire.
Bernard Arnault est certes assis sur un énorme trésor de guerre et bénéficie du soutien des banques et des pouvoirs politiques. Mais son empire ne va-t-il summa summarum finir comme il a commencé, à la Boussac ? Parce qu’à la fin, c’est le consommateur qui décide.
A noter la réponse de Laurent Marcangeli, ministre de la fonction publique, à l’indignation fiscale de Bernard Arnault: U supplementu corporativu hè un male necessariu, petit.
Je trouve votre article très informatif mais je peux vous assurer que les boutiques de luxe à Gstaad ne fonctionnent plus depuis un bail grâce aux oligarques russes. Humour, je suppose. 👀