[ Edito ] Ne pas jeter le monde avec le traité de Maastricht
La situation française reste grandement déconnectée du conflit israélo-palestinien, conflit dont les ressorts sont plus complexes que ceux décrits par Michel Onfray.
Cette interview de Michel Onfray est surprenante. Sonia Mabrouk, qui en a vu d’autres, a du mal à cacher sa stupeur.
On ne peut pas tout mettre sur le dos de Maastricht. Certainement pas l’absence d’une politique étrangère de la France claire et crédible. Jacques Chirac avait refusé de participer à l’invasion illégale de l’Irak en 2003. Pourtant le traité de Maastricht était voté depuis onze ans et l’euro avait remplacé le franc depuis deux ans. Si le traité de Lisbonne (dont l’adoption par voie parlementaire alors que les français s’étaient prononcés contre par référendum fut une forfaiture) est passé par là, il n’éteint pas la possibilité d’une politique étrangère souveraine. Même chose pour le traité d’Aix-la-Chapelle, que nous devons à Emmanuel Macron.
L’absence de politique étrangère de la France n’est le fait que d’un et d’un seul phénomène : la médiocrité de ceux qui nous gouvernent, qui ne connaissent pas le monde, ne font aucun effort pour apprendre à le connaître et se contrefichent de son sort puisque pour eux tout n’est globalement qu’argent (pas d’odeur, pas de frontières, pas de peuples).
Que Michel Onfray ressorte le “choc des civilisations” de Samuel Huttington est amusant. Serait-il en train de virer néoconservateur et de rejoindre BHL, Kouchner et consorts?
Soyons un peu sérieux. Le monde musulman dans son ensemble ne soutient pas le Hamas. L’écrasante majorité des pays arabes et l’Iran ne soutiennent pas le Hamas. Ils soutiennent les Palestiniens, ce qui n’est pas la même chose. Ils considèrent Israël comme le client des Etats-Unis et de l’Occident. C’est en partie vrai. Ce nonobstant, ils ont déjà démontré pour la plupart leur capacité à transiger avec l’Etat hébreux.
Israël, après avoir subi une défaite stratégique majeure le 7 octobre, s’est empressée de se mettre dans une impasse stratégique en bombardant Gaza City et en exigeant le départ de plus d’un million de civils. Israël s’est aliénée une bonne partie de ses voisins et du reste du monde. C’est la première fois de son histoire que lors d’un conflit ses lignes de communication diplomatique sont rompues. Existe-il plus profond aveu de défaite que le discours messianique de Netanyahu et l’attitude du représentant d'Israël auprès de l’ONU, qui passe son temps à glapir et à injurier tout le monde ? Le ton inhabituellement très direct et ferme qu’a employé l’Ambassadeur chinois pour répondre à l’une de ses sorties, alors que la Chine et Israël ont entretenu jusqu’à maintenant d’excellentes relations, devrait faire réfléchir.
L’extermination industrielle d’européens au motif qu’ils étaient juifs n’a pas été perpétrée par les arabes. Malgré la compromission de l’autorité religieuse sunnite avec l’Allemagne nazie (Allemagne qui continue de frayer avec les frères musulmans aux côtés des américains), les arabes ne furent pas complices de la Shoa, contrairement aux pouvoirs en place dans l’Europe occupée. Cela en revanche ne présume en rien de l’antisémitisme viscéral trop répandu chez certains musulmans.
Seuls deux pays soutiennent activement le Hamas, une branche des frères musulmans. Le Qatar qui en est le repaire et le financeur, et la Turquie d’Erdogan, lui-même frère musulman. Le seul pays de la région (Proche et Moyen Orient + Asie Occidentale) qui aujourd’hui mène une politique expansionniste agressive, quasi-impériale et déstabilisatrice est la Turquie. Cette expansion est financée en grande partie par le Qatar. La Turquie, rappelons-le, est membre de l’Otan. Les USA stockent des armes nucléaires sur son sol. La plus importante base militaire américaine au Proche-Orient se situe au Qatar, où les turcs en disposent également d’une.
Les frères musulmans sont considérés comme une menace majeure par les pouvoirs saoudiens, égyptiens, jordaniens, émirati etc. La rue arabe est bien moins favorable à la confrérie qu’on le dit. C’est des frères musulmans que sont issues sans exception toutes les organisations djihadistes sunnites.
Le Qatar, petit pays très riche tétanisé par les trois ans et demi de blocus que lui ont imposé les autres monarchies du Golfe et un bonne partie des pays arabes, a trouvé en la Turquie un “protecteur” régional qu’il considère plus fiable que les Etats-Unis.
Comme nous l’avons exposé dans un précédent édito, le pire cauchemar des Turcs, qui ne sont pas des arabes, est de voir se solidifier une alliance arabo-perse à laquelle Israël ne serait pas hostile. Cela mettrait un coup d’arrêt définitif aux rêves de grandeur d’Erdogan, qui a un peu trop tendance à croire que Mossoul et Alep lui appartiennent de droit. Or la dynamique régionale engagée par les accords d’Abraham allait dans le sens d’une coopération arabo-perse, qui est celui de l’histoire.
L’attaque du Hamas, un acteur quasi étatique terroriste dont l’émergence a grandement été facilitée par Netanyahu et l’Etat israélien dès 1996 avec une forte accélération à partir 2006, visait à tuer cette dynamique dans l’œuf en provoquant la réaction brutale d’Israël. La rhétorique d’Erdogan qui considère les combattants du Hamas comme des Moudjahidines - des résistants dont la mission est divine - l’illustre. Mais, comme toujours, il faut écouter plus loin que la rhétorique et entendre Erdogan quand il dit “on retire le doigt de la gâchette, on cesse le feu et on laisse rentrer l’aide humanitaire”. Lui aussi est au bord de la panique. Qu’avons nous besoin, nous occidentaux, de venir en rajouter une couche ? C’est dangereux.
S’il y a un “choc des civilisations”, c’est celui, millénaire, de l’empire turco-mongol et des empires arabes et perses. L’un des cris de guerre des sinistres Loups gris turcs n’est-il pas “mort aux arméniens, aux grecs, aux juifs et aux arabes” ? Le MHP, parti fasciste, mafieux et pantouraniste dont sont issus les Loup gris, est l’allié d’Erdogan. C’est grâce au MHP qu’il a accédé au pouvoir. C’est grâce au MHP qu’il le conserve.
Il est trop facile d’évacuer notre propre incurie au prétexte d’un conflit extérieur. Nous laissons importer en France tant par les pro palestiniens que par les pro israéliens une guerre qui n’est pas la nôtre. Nous sommes incapables de contrôler nos frontières. Nous n’avons pas la volonté politique d’expulser ceux qui représentent un danger avéré pour notre société. On ne s’attache pas à appliquer la loi, sans cesse pervertie par des considérations politiciennes bien éloignées de la justice. Nous n’avons pas le courage de remettre à leur place Ursula von der Leyen, les institutions européennes, la CEDH, les “ONG”, les Américains, les Allemands etc.
Le phénomène salafiste en France n’existe que parce qu’on le laisse exister, par inconscience, par ignorance, par faiblesse et surtout par corruption. Nos concitoyens musulmans en souffrent les premiers. L’Islam n’est pas unitaire, pas plus que la Chrétienté ou le Judaïsme. Le salafisme, qu’il soit wahhabite ou frériste, est littéralement sectaire. Le salafisme n’est pas une madhhab1.
Rien dans les traités européens ne nous interdit de reprendre le contrôle de nos frontières - les allemands l’ont bien fait il y a un mois. Sortir de Schengen n’est pas un pas vers le frexit (certains le regretteront). Rien ne nous empêche d’arrêter de financer avec les deniers publics des “ONG” qui travaillent à imposer aux français ce dont ils ne veulent plus. Rien ne nous empêche de rappeler fermement à notre magistrature ses obligations statutaires. Rien ne nous empêche de mettre en place avec nos amis Italiens, Grecs, Espagnols, Chypriotes et Maltais un dispositif efficace de contrôle en Méditerranée en coopération avec les pays de l’autre rive, en envoyant par la même occasion promener Bruxelles et l’Europe du Nord sur ce sujet. Le Club Med, c’est nous !
Bref, cher Michel Onfray, il ne faut pas jeter le monde avec le traité de Maastricht.
Le mot madhhab ou mazhab (arabe : مذهب [maḏhab], pluriel : مذاهب [maḏâhib]), fait référence à une école juridique musulmane. Il signifie dans le sunnisme comme dans le chiisme, une des voies officielles suivies dans l'interprétation des sources traditionnelles (Coran et Sunna). Chaque Madhhab à son propre "Fiqh", sa propre jurisprudence islamique. La très grande majorité des musulmans en France, originaires du Maghreb, sont des Malekites, l’une des 4 madhhahib de l’Islam sunnite.