[ Edito - Israël ] Œil pour œil. Dent pour dent. Idiot pour idiot
La poussière et le brouillard de guerre sont un peu retombés sur ce qui se passe en Israël et à Gaza. Malgré les horreurs et les milliers de morts, place à la raison.
Une presse occidentale unanime souligne une faillite des services de renseignement israéliens. Foutaises et billevesées. L’opération militaire du Hamas à visée terroriste puisque son objectif a consisté à massacrer des civils et à prendre des otages, n’a pas pu passer sous les radars des quatre services de renseignement qui surveillent Gaza (deux unités de renseignement militaire, la police des frontières, le Mossad et le Shin Bet). D’autant que des rumeurs couraient depuis un mois et que les Egyptiens auraient prévenu leurs homologues israéliens. Il y deux semaines, le calamiteux conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jack Sullivan, affirmait que tout était très calme au Moyen Orient. Le calme avant la tempête ?
Quid est ? Qu’en est-il ? Ce n’est pas en écoutant ce que racontent des médias en roue libre qui rajoutent à l’horreur en propageant des informations non vérifiées qu’on y verra plus clair.
De deux choses l’une :
Soit les services israéliens ont bien prévenu le gouvernement israélien qui ne les a pas écouté, de la même manière qu’Emmanuel Macron et le gouvernement français n’ont pas écouté la DGSE qui les avait alertés des risques de coup d’Etat au Niger. Les dirigeants occidentaux ont la sale manie de rejeter tout ce qui ne va pas dans leur sens. Le renseignement leur sert à justifier des décisions déjà prises, non pas à éclairer leur prise de décision.
Soit le gouvernement israélien a écouté ses services de renseignement mais a fait le choix délibéré de laisser le Hamas attaquer afin de dégager un prétexte pour laminer Gaza, commettant ainsi l’erreur fatale de grandement sous-évaluer l’ampleur d’une menace qu’il croyait contrôler et l’échelle de l’opération menée par au moins deux organisations terroristes palestiniennes (ne pas oublier le Jihad Islamique).
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une défaite stratégique pour l’Etat hébreu. Raser Gaza en renonçant à l’application du droit de la guerre et à la proverbiale “pureté des armes” de Tsahal n’y changera rien. Défaite stratégique qui survient alors que la défaite stratégique de l’Occident en Ukraine est aussi totale que patente.
Cui bono? A qui profite le crime ? Une chose est sûre, ni au peuple israélien, ni au peuple palestinien. Il ne faut jamais sous-estimer les liens entre politique intérieure et politique extérieure, surtout au Moyen-Orient.
Benjamin Netanyahu - dont la corruption est flagrante - et son gouvernement perclus de fascistes ont réussi l’exploit de fracturer leur pays en imposant une réforme de la justice défiant tous les principes démocratiques. La franchise nous impose de reconnaître que l’opposition israélienne ne vaut guère mieux. Se pose en Israël la même question qu’en Occident, celle de la compétence des dirigeants et de la probité de la classe politique.
N’oublions pas que Benjamin Netanyahu a depuis des décennies utilisé le Hamas pour affaiblir l’autorité palestinienne dirigé par le Fatah de Mahmoud Abbas, comme le souligne Seymour Hersh. Tout ça pour la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et rendre caducs les accords d’Oslo ? Quand on soupe avec le diable, il faut le faire avec une longue, une très longue cuillère. Visiblement, celle de Bibi ne l’était pas assez. Il appartient au peuple israélien - à lui seul - de le tenir comptable de ce qu’il a fait en son nom.
Les USA gagneraient-ils quelque chose dans cette affaire? A long terme certainement pas, car cela ne contrarie pas les ambitions chinoises dans la région mais les renforce. Les Américains ont d’ailleurs repris langue avec l’Iran dans le dossier nucléaire où des progrès aussi importants que rapides ont été faits. L’administration Biden et le parti démocrate en revanche oui. Pour des raisons bassement électorales, puisque la guerre Hamas-Israël permet de dissimuler la défaite stratégique totale qu’ils ont subi dans le conflit qu’ils ont provoqué avec la Russie en Ukraine.
L’Europe ? L’Europe, dans cette affaire, n’est même pas sur le banc de touche. Elle n’a pas quitté les vestiaires… Sait on si elle a déjà rejoint le stade ?
Qui tire les ficelles ? Les médias occidentaux clouent l’Iran au pilori, qui aurait grandement participé à la planification de l’attaque du Hamas. L’Iran soutient le Hezbollah libanais, qui pour le moment ne s’est pas mêlé de la présente guerre. L’Iran soutient le Hamas de manière négligeable, marginale, dans le seul but de maintenir une pression politique sur Israël.
Quel intérêt aurait l’Iran d’aider le Hamas à massacrer des civils innocents en Israël ? Aucun puisque la République islamique bénéficie grandement, certes de manière indirecte - tout l’est au Moyen Orient - des accords d’Abraham menant vers la reconnaissance de l’Etat d’Israël par l'Arabie Saoudite. C’est ce mouvement de détente régionale amorcé en 2017 qui a permis le rapprochement de l’Iran et de l’Arabie Saoudite facilité par la Chine, mettant un terme à la guerre séculaire qui oppose chiites et sunnites.
Enfin, la guerre avec certains sunnites. Car le premier et principal financeur du Hamas est le Qatar, QG mondial des frères musulmans. Qatar qui finance également l’expansion militaire turque au Moyen Orient et en Afrique, Turquie gouvernée par une alliance entre les frères musulmans et l’extrême droite radicale pantouraniste issue des réseaux “Stay Behind” de l’Otan, donc des actions durant la guerre froide de la CIA et, pour le coup, des services allemands. Le Qatar finance également toutes les organisations djihadistes à l’échelle du continent africain, le régime libyen et bon nombre des milices qu’on y trouve etc.
Avec la Turquie qui ambitionne de devenir la première puissance sunnite et le Qatar qui joue un jeu à la fois idéologique et d’influence par le carnet de chèque, nous avons deux pays fréristes résolus à faire échouer les accords d’Abraham, qui verrait alors un bloc perso-arabe auquel Israël ne serait pas hostile se solidifier. Mission accomplie ? L’Arabie Saoudite a t-elle déclaré soutenir le Hamas pour faire payer à Netanyahu le prix de son instrumentalisation du Hamas pendant deux décennies, frères musulmans qui sont les ennemis jurés du Royaume wahhabite et d’à peu près tous les pays de la région ?
Vers l’Orient compliqué je volais avec des idées simples, a fameusement écrit le général de Gaulle…