[ Edito ] Reste du monde, jeu, set et match
La myopie et la corruption des dirigeants occidentaux nous ont mené au bord de l’abîme. La parole de l'Occident ne vaut plus rien. Comme le dollar américain.
Il suffit d’écouter – si on a la patience – la logorrhée d’Emmanuel Macron lors d’un énième forum international.
La vacuité, l’absurdité du discours du président de la République française est incommensurable. Lors d’un sommet en Slovaquie ce 31 mai, il vient une fois de plus donner des leçons aux “Européens de l’Est” qu’il s’est évertué à humilier depuis 2017. En proposant la “communauté politique européenne”, nouveau pet de sa “pensée complexe” glissant sur le mauvais nylon Made-in-China des drapeaux de l’UE et de l’Otan.
Une paix qui respecte le droit international ? C’est parfaitement abscons puisque s’il y a guerre c’est que le droit international, droit “mou” s’il en est, est inopérant et que seul le droit de la guerre vaut. Quant à déclarer que la paix doit se faire selon les conditions de l’agressé, c’est nier la nature de la guerre qui consiste à atteindre par l’usage de la force des objectifs politiques, qui seront matérialisés par un traité de paix. En d’autres termes, l’état du rapport de force à l’issue de la guerre génère le droit international, pas les élucubrations de crânes d’œufs et autres danseurs mondains de l’Onu, du quai d’Orsay, de l’Otan ou de l’UE.
Si “l’élite”, c’est cela, qu’on en change, vite !
Aparté: cette histoire de droit international et d’agressé s’avérera amusante si on l’applique à la Serbie (agressée illégalement par l’Otan en 1999) et à l’Irak (agressé illégalement par les Etats-Unis et ses alliés en 2003).
La défaite ukrainienne – l’effondrement – à Bakhmut est avant tout celle des Etats-Unis, de l’Otan et de l’Union européenne. Quinze mois après le début de ce conflit régional, le reste du monde s’en contrefiche toujours mais a compris qu’il constituait l’occasion de secouer cette férule occidentale qu’il ne tolère plus.
La Russie fait la guerre pour démilitariser l’Ukraine. Deux moyens de l’obtenir: la négociation (le seul moyen d’obtenir la paix), ou bien l’annihilation des capacités militaires ukrainiennes (seul moyen d’obtenir la sécurité). Plus de 300 000 soldats ukrainiens tués dont au moins 50 000 à Bakhmut, la démilitarisation est une affaire qui roule.
Bakhmut restera dans les annales de l’histoire militaire comme le plus efficace piège jamais tendu. Enfin, il faut être profondément idiot pour essayer de conserver, au prix de dizaines de milliers de vies et de dizaines de milliards de matériel, un territoire que l’ennemi n’a cure de conquérir puisqu’il n’est là que pour une seule raison : vous détruire. Quand en plus il a clairement déclaré qu’il voulait faire du verrou de la défense ukrainienne dans le Donbass un hachoir à viande, ce n’est plus de l’idiotie mais de la folie criminelle.
Si les grands stratèges de l’Otan, c’est cela, qu’on en change ! Vite !
Et pourtant, pas besoin d’être grand clerc pour comprendre comment l’affaire ukrainienne allait tourner. Nous qui ne sommes pas des initiés des cercles du pouvoir, qui ne bénéficions pas de “sources” de très haut niveau chez les belligérants, qui n’avons pas de rond de serviette à la cantine des services de renseignement, des états-majors et des cabinets ministériels, avons vu ce qui allait survenir. Aucune gloriole à tirer de l’exercice du bon sens, qui est, selon l’adage, la qualité la mieux distribuée au sein de l’Humanité. Mais visiblement pas au sein de l’élite. Qu’on en change, vite !
Nous republions notre édito du 4 mars 2022, rédigé trois semaines après le début de la guerre en Ukraine.
Ceux, experts de plateaux de télé, qui expliquent de manière aussi docte que péremptoire ce que va faire Vladimir Poutine sont des escrocs et des menteurs. Personne ne le sait. Le Kremlin, la toute puissante administration présidentielle, est une impénétrable boîte noire. On ne connait pas plus les plans de l’armée russe. Nous sommes cantonnés à observer passivement ses opérations à partir de photos satellites et de rapports de terrain.
L’Occident a répondu à l’agression russe de l’Ukraine par des sanctions économiques qui n’ont aucun effet. L’économie russe est dédollarisée et près de 70% de son commerce extérieur ne se fait pas avec l’Occident.
Nous n’avons pas évalué les conséquences de l’exclusion de Swift des banques russes parce que nous sommes dans l’incapacité de connaître le montant et la nature des produits dérivés qu’elles détiennent. C’est pourquoi cette exclusion ne concerne que trois banques russes dont l’Etat est actionnaire, et ne s’applique pas aux transactions afférentes au pétrole, au gaz et au charbon.
Nous payons le gaz et pétrole russe en roubles. Le boycott des hydrocarbures russes est une sinistre farce. Il nous parviennent par d’autres voies, principalement sous formes de produits raffinés en dehors de Russie à un prix bien plus élevé. Et cela ne va pas s’arranger puisqu’à partir de février, on va boycotter le diesel russe. Les génies qui nous gouvernent, non contents d’avoir indexé le prix de l’électricité sur le gaz, viennent de trouver le moyen de décorréler les prix des produits raffinés de celui du pétrole tout en faisant exploser ces prix…
La Russie est immune aux fluctuations des prix de l’énergie et des matières premières alors que le reste du monde la prend de plein fouet, en particulier celle des produits agricoles. Si cela se traduit en inflation donc en perte de pouvoir d’achat en Occident, des émeutes de la faim commencent à survenir dans des pays du Sud (Nigéria par exemple) et des situations de malnutrition préoccupantes, comme celle du Niger, s’aggravent lentement vers la catastrophe humanitaire.
Dans certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord où les populations sont particulièrement sensibles au prix du blé (Egypte, Soudan, Maghreb etc.) et ont été durement touchées par des mesures anti-covid inefficaces, l’ambiance est pré-insurrectionnelle.
Avoir étendu de manière indiscriminée le domaine de lutte à l’économie n’est pas une bonne idée. Avoir transformé une crise régionale en crise globale impactant l’ensemble de la planète et en premier chef les plus pauvres, est criminel. C’est ce qu’ont bien compris de nombreux pays émergents, Inde et Chine en tête, qui ont refusé de voter la résolution proposée par les USA à l’assemblée générale des Nations unies.
Tout cela pour une guerre dont l’issue a déjà été décidée il y a huit ans, en 2014, après que le coup d’État fomenté par les Etats-Unis eût débouché sur une guerre civile qui permit à la Russie d’annexer la Crimée. Tout cela parce que les garants des accords de Minsk au nombre desquels se trouvent la France et l’Allemagne, n’ont pas veillé à leur application. Tout cela parce que les Etats-Unis, l’UE et l’Otan n’ont pas compris que laisser la porte ouverte créé des courants d’air susceptibles de faire claquer la fenêtre si fort que la vitre vole en éclat.
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