[ EDITO ] Tant va à Veaux l'eau que Nuñez se casse
Les déclarations du directeur de la police nationale, soutenu par le préfet de police de Paris, sont des infractions pénales. Ils ne contrôlent plus leurs troupes, en pleine rébellion.
Un fonctionnaire de police, suspecté d’avoir passé à tabac un suspect, est placé en détention provisoire. Un mandat de dépôt est une décision de justice qui peut faire l’objet d’un recours en urgence, sous quinzaine, devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Il est plus que probable que le JLD aurait remis en liberté sous contrôle judiciaire (avec bracelet électronique ou autre) le fonctionnaire de police mis en cause. Si la question de la détention provisoire se pose en France depuis toujours (ce n’est somme toute que la version “démocratique” de la lettre de cachet), personne n’a d’autre choix que d’agir selon la loi en vigueur.
Le directeur de la police nationale, Frédéric Veaux, se permet de critiquer dans les colonnes du Parisien une décision de justice. Il est sans vergogne soutenu par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui se trouve avoir été directeur de la DGSI et le secrétaire d’Etat qui a organisé la répression des gilets jaunes, avant de prendre le poste de coordinateur du renseignement à l’Elysée.
Ces deux hauts fonctionnaires ont commis une infraction pénale, qui dans un pays normal leur vaudrait une mise en examen et une suspension immédiate - et si condamnés, la révocation de la fonction publique, c’est à dire le licenciement pour faute lourde assorti de la suppression des droits à la retraite. Frédéric Veaux a atteint l’âge limite de 67 ans et à 60 ans, Laurent Nuñez s’en rapproche… Et si on faisait des économies ?
Une décision de justice se conteste en justice. Un fonctionnaire de police dans l’exercice de ses fonctions est un justiciable comme un autre. Sa qualité constitue une circonstance aggravante, car il est une personne dépositaire de l’autorité publique. Les deux principaux problèmes de la police nationale sont (a) sa haute hiérarchie et (b) ses syndicats, qu’il faut à nouveau interdire.
“Il existe ainsi des voies "légales" de la contestation, dont tout individu peut normalement user dans les conditions fixées légalement ; mais cela ne recouvre naturellement pas toutes les hypothèses de contestation. Bien sûr, cela peut passer par la voie de la désobéissance. Mais plus largement, la contestation passe par l'expression, éventuellement publique, d'une désapprobation. Stricto sensu, cette forme de contestation "critique" n'est pas organisée par l'Etat de droit, mais s'appuie sur les principes de la liberté d'opinion et d'expression que l'Etat garantit. Mais le système légal français actuel semble instaurer une différence de nature entre la critique dont pourrait faire l'objet des autorités publiques en général, y compris le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire. L'Etat français fait partie du groupe de ceux qui posent des limites au droit de critique, des décisions de justice, des magistrats et du système judiciaire.” rappelle Lauréline Fontaine professeur de droit public à université Paris III.
L’article 434-25 du code pénal, stipule que:
Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision.
Lorsque l'infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
L'action publique se prescrit par trois mois révolus, à compter du jour où l'infraction définie au présent article a été commise, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.
Que la justice fasse son travail pour MM. Veaux et Nuñez : mise en examen. Et que leur administration, le ministère de l’Intérieur, fasse le sien : suspension puis révocation si condamnés.
Ce point de droit fait, ce qui est très intéressant dans cette affaire est de se pencher sur le caractère de ces deux hauts fonctionnaires, tant cela nous apprend sur la corruption du ministère de l’Intérieur et du sommet de l’Etat, où trop sont au service du pouvoir plutôt que celui des citoyens. Tout comme cela illustre une dérive de nos institutions sur le modèle américain.
Frédéric Veaux, directeur de la police nationale depuis 2020, fait partie de ces commissaires de police pour qui l’école de Saint Cyr au Mont d’Or fut un substitut à l’ENA pour devenir préfet. Il fut le numéro deux de Bernard Squarcini durant l’affaire des fadettes. L’ancien patron sarkozyste de la DRCI (devenue DGSI sous François Hollande) a été mis en examen en 2011 pour avoir demandé et obtenu des factures détaillées ("fadettes") de téléphone d'un reporter du Monde qui avait publié à l'été 2010 un article mettant en cause le ministre UMP de l'époque Eric Woerth dans l'affaire concernant l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt. Frédéric Veaux avait été placé sous statut de témoin assisté par la juge d’instruction.
Dans un pays normal, cela aurait signifié la fin de la carrière de nos deux pieds nickelés. Bernard Squarcini n’a écopé que d’une amende de 8 000 euros pour “collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite", passible d'une peine maximale de cinq ans de prison et 300.000 euros d'amende. Le procureur de la République n’avait requis que 5 000 euros d’amende afin de “tenir compte des services rendus par M. Squarcini à la République”, oublieux que le fait d’user des moyens de l’Etat, en l’espèce de moyens d’enquête spéciaux, constitue une forfaiture. Crime que l’on a allègrement sorti du nouveau code pénal en le remplaçant par la circonstance aggravante de “commis par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions”…
Frédéric Veaux, écarté de la DGSI dès l’élection de François Hollande, a été nommé préfet en 2016. Il est également le compagnon de Véronique Malbec, magistrate, ancienne secrétaire générale du ministère de la Justice, ancienne directrice de cabinet d’Eric Dupond-Moretti. Elle a été nommée au conseil constitutionnel sur proposition de Richard Ferrand, alors président de l’Assemblée nationale. D’aucuns affirment que c’est un retour d’ascenseur pour avoir fait classer sans suite l’affaire de prise illégale d’intérêt qui pendait aux basques de Richard Ferrand, alors que Mme Malbec était procureur général près la cour d’appel de Rennes.
Quant à Laurent Nuñez, c’est un inspecteur des impôts, qui, deuxième concours de l’ENA réussi, a intégré le ministère de l’Intérieur comme administrateur civil, puis le corps préfectoral. Son évolution de carrière est cent pour cent politique et liée au PS, qu’il quitta pour rejoindre la macronie en 2017 pour prendre la tête de la DGSI.
Assistons-nous à la même dérive qu’aux Etats-Unis, où “l’Etat de sécurité nationale” prévaut, où l’ensemble des institutions, à commencer par la judiciaire, la policière et le renseignement est politisé non pas au service d’un parti politique – ce qui serait tout aussi inacceptable – mais d’une caste à qui il ne reste que la main-mise sur les organes répressifs pour se maintenir au pouvoir ?
Relire le dossier de Jacob Seigel traduit pas nos soins, pour référence.
L’interview d’Emmanuel Macron aujourd’hui au journal de 13 heures laisse penser que la réponse est oui. Un pouvoir profondément corrompu, incapable de gouverner, incapable même de gérer, ne fait que communiquer et user des moyens de l’Etat non pas dans l’intérêt général, mais pour se maintenir au pouvoir afin de continuer d’organiser des transferts massif de fonds et de bien publics vers les intérêts étroits qui l’ont mis en place…
Difficile de ne pas faire le même constat que Maxime Tandonnet.
Mais quoi après ?
Bravo, article courageux et lucide..On est dans un coup d'Etat fasciste en émergence. Pour nous faire entrer en guerre officielle, le petit arrogant a besoin des pleins pouvoirs....