En Isère, un préfet coffré dans le béton
Le préfet a eu recours à un dispositif dérogeant au risque de submersion marine pour tenter de faire passer un projet d'aménagement. Pour mieux assoir le projet de téléphérique urbain de Grenoble.

Parfois il n’y a pas assez d’eau. Alors on a droit au scandale que l’on voit, à la crise qu’on nous dit que l’on vit. Pas les méga-bassines (sujet qui mériterait d’être un minimum creusé tant il divise les hydrologues) mais ce qui gravite autour : les violences sur fonds de méga-désinformation comme très bien analysé dans un article du Point , suivies d’un énième coup de menton de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur.
Parfois, il y a trop d’eau. Pour mettre la poussière sous le tapis, ce n’est l’idéal. Pour tenter de limiter les débordements et ses conséquences sur les populations, la France a depuis la tempête Xynthia notoirement durci ses règles de construction et d’urbanisation. Puisqu’en France, les règles sont faites pour être contournées et en premier chef par ceux qui les font et sont sensés les appliquer, ça n’a pas trainé.
Ont ainsi essaimé des dérogations à l’inconstructibilité de zones inondables. Avec parfois quelques curiosités et forts pittoresques arrangements avec la réglementation en vigueur. Les Zis, les zones d’intérêt stratégique, dites aussi zones d’exception ou zones spécifiques (le champ de la dénomination est semble-t-il, aussi ouvert que large) permettent de déroger aux interdictions de construire en zone inondable.
Il existe très peu de Zis en France. On en a trouvé à Saint-Malo, mais aussi plus curieusement dans le Bas-Rhin et en Isère. Pourquoi curieusement ? Parce que les Zis sont fondées sur une circulaire du 27 juillet 2011 relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les PPR… littoraux. Alors, à moins que l’Etat n’anticipe une massive remontée des eaux jusque dans l’intérieur des terres et que la Méditerranée rejoigne l’océan atlantique à la confluence de l’Isère et du Drac, on ne voit guère comment une de ces Zis a pu s’échouer à Grenoble 1.
En 2018, le préfet de l’Isère Lionel Beffre a autorisé à la demande de la Métropole de Grenoble une Zis sur la commune de Sassenage, aux portes de Grenoble. En toile de fond, la perspective pour la Métro de pouvoir construire plus de logements et ainsi/aussi pouvoir fournir au futur téléphérique urbain de Grenoble un certain quota de voyageurs. Logique. Comme nous le résumait Sylvain Laval, le président du syndicat des mobilités en mai 2022, “quand on construit un câble, évidemment qu’il y a un interêt à ce qu’il ne soit pas construit au milieu du désert”.
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La zone est classée en aléa fort au risque d’inondation ? Grâce au subterfuge de la Zis, une certaine mansuétude et une remarquable souplesse des services de l’Etat, et moyennant quelques aménagements, la digue est levée. Et tant pis si comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, le procédé était plus que douteux. Tant pis si Gabriel Ullmann, le commissaire enquêteur qui avait donné un avis défavorable au projet de Zac Portes du Vercors, avait pointé l’artifice alors bien peu réglementaire 2 de cette Zis. Détail : ce commissaire enquêteur s’était vu radié par le même préfet, radiation annulée par la justice depuis…