[ Flash ] Pierre & Vacances : Gérard Brémond amortit la chute
La dégringolade vertigineuse du cours du titre de Pierre & Vacances est passée quasi inaperçue. Elle est aussi une sacrée aubaine pour son ex-président et fondateur Gérard Brémond.
Les médias ont beaucoup parlé de la restructuration de Pierre & Vacances. De comment aussi l’autoproclamé numéro 1 des résidences touristiques en Europe du temps de sa gloire entend redevenir ainsi un champion du tourisme… mais français, soyons désormais modestes. De comment le groupe, qui a bouclé sa recapitalisation dont nous nous étions fait l’écho en décembre dernier, voit ses résultats d’améliorer. Forcément. C’est un peu le but de l’exercice.
Mais beaucoup moins parlé, voire même pas du tout (exception faite de la presse financière et encore sans s’appesantir) de la dégringolade du cours de l’action de Pierre & Vacances sur les marchés boursiers.
La bourse est manifestement restée insensible à “Réinvention”, cette opération qui a notamment vu un trio d’investisseurs-repreneurs de dettes – le français Atream et les anglais Fidera et Alcentra – voler au secours du groupe fondé dans les années 60 à Avoriaz par Gérard Brémond, en injectant 200 millions d’euros via des augmentations de capital et en transformant 550 millions d’euros de créances en capital.
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Car le titre de P&V n’en finit pas de chuter depuis dix ans. Le 19 septembre, le cours passait sous les 1 euro. Depuis, il y est resté, naviguant entre 0,7 et 0,8 euros. Pour rappel, à son plus haut niveau, le 31 mai 2007, le titre s’affichait à 118 euros. Bref, la dégringolade est sévère.
Et ce n’est pas la présentation, sous forme de courbe exponentielle de Zonebourse, qui fait illusion comme nous l’a fait remarquer un de nos lecteurs. « Malgré ce subterfuge grossier, la courbe reste dévastatrice mais il faut bien relever leur effort pour tenter de rendre présentable cette catastrophe financière ».
Vu comme ça, pour les marchés, le titre ne vaut plus rien. S’il ne décolle pas, est-ce seulement sous l’effet de l’offre et de la demande ?
Ne nous y trompons pas, l’action a encore quelque valeur, pour certains tout du moins. Si les petits investisseurs et les propriétaires de résidences et cottages, dont 80 % ont accepté d’abandonner cinq mois de loyers non perçus pendant la crise, y ont laissé des plumes, tout le monde n’est pas perdant dans l’affaire.
Où on reparle de… Gérard Brémond. On dit de lui qu’il n’a pas réussi à négocier le tournant de son groupe après avoir activé, en “orfèvre du lobbying” comme le décrit Christian Mantei, président d’Atout France dans Le Monde, toutes les ficelles pour se développer à moindre coût.
Ses relais s’appellent François Hollande, Jérôme Cahuzac et Dominique Bussereau dans les circonscriptions desquelles ont été construites des résidences Pierre & Vacances. Jean-Pierre Raffarin aussi qui, non content d’accueilli sur ses terres un Center parcs, s’est assis à la table du conseil d’administration du groupe. Sans parler des lois de défiscalisation successives, dites aussi “loi Brémond”, dont la dernière en date, la loi Censi-Bouvard, a pris fin le 31 décembre 2021.
Sorti par la grande porte, Gérard Brémond garde un pied dans le groupe. Et pour cause. Désormais salarié, missionné pour accompagner pendant trois ans le nouveau Pierre & Vacances moyennant 1 million d’euros, l’ex-président va ainsi bénéficier d’un plan de distribution de 20,5 millions d’actions gratuites, dites « de préférence », spécialement conçu pour lui. Un dispositif validé lors de la dernière assemblée générale du groupe, le 30 septembre, et autrement plus intéressant, et surtout lucratif, que celui ouvert en juillet dernier pour les cadres dirigeants.
Ce plan, c’est la promesse d’un beau pactole à la clé. Car ces actions pourront être reconverties en actions “classiques” au bout de deux ans. A charge pour Gérard Brémond de les revendre, ou pas. Il est fort à parier que le cours du titre, qui a atteint un plancher historique, aura remonté d’ici là. La culbute s’annonce généreuse.
Comme l’a calculé Médiapart, « avec cette dernière option où le cours monterait à 2,25 euros – niveau que l’action Pierre et Vacances atteignait encore en novembre dernier –, le montant du jackpot pour Gérard Brémond serait de… 46 millions d’euros avant impôts ».
Second jackpot, les plus-values réalisées sur les actions gratuites n’étant pas considérées comme des salaires mais comme des revenus du capital, elles sont plus faiblement imposées, autour de 30 % soit environ deux fois moins, que les retraites chapeau, à laquelle l’ex-président aurait pu prétendre.
Le prélèvement forfaitaire unique, flat tax dans les pays anglo-saxons dont il s’inspire, était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. L’idée avancée était de simplifier mais aussi de se rapprocher de la fiscalité européenne. Résultat ? Le mécanisme a surtout profité à une minorité, souvent les plus fortunés. Et loin du ruissellement espéré, il s’est traduit par une forte hausse des dividendes versés aux actionnaires comme le souligne France Stratégie dans un avis rendu en octobre 2021. Et dont Pierre & Vacances aurait eu tort de ne pas profiter…