[ Flash ] Tapinage artistique
L'exécutif tente d'étouffer la révolte paysanne en ressortant la tactique McKinsey du grand débat, façon téléréalité. Avec Karine Le Marchand au manche.
Gabriel Attal veut réunir préfets et agriculteurs pour "regarder norme après norme ce qu'on peut simplifier" (BFMTV).
Il faudrait qu’on nous explique en quoi les préfets ont quelque pouvoir d’édiction ou de simplification des normes agricoles.
Promettre sur le futur, ce qui n'engage à rien, sans s'engager à rien sur le présent. Gabriel Attal est soit un parfait crétin, soit un hypocrite présomptueux, soit les deux. On se demande bien qui le conseille.
Les préfets ne sont pas des fonctionnaires du ministère de l'agriculture, qui est le ministère qui édicte les règlements s’appliquant à l’agriculture. Ils sont en matière agricole parfaitement incompétents. Un préfet n'édicte rien, il ne fait que faire appliquer la règlementation, souvent très mal du fait d'interférences politiques.
La totalité des normes sont européennes, ont été adoptées avec l'approbation des gouvernements français successifs et transposées en droit français.
Ces normes aussi pointilleuses qu'absurdes sont appliquées culture par culture, production par production. C'est pour cela qu'il existe des offices interprofessionnels par filière (Onil, office interprofessionnel du lait et des produits laitiers; Cniv, Conseil national interprofessionnel des vins, etc.) qui sont les interlocuteurs idoines, tant en matière réglementaire et d’organisation de leurs filières.
Pourquoi donc Gabriel Attal veut-il à tout prix réunir les agriculteurs et les préfets ? Et pourquoi ne pas y faire venir les procureurs généraux tant qu’on y est?
Stratagème communicationnel façon McKinsey similaire au grand débat. Parler pour ne rien dire et surtout ne rien faire afin d'endormir les gens, mais paraître.
Diviser, fracturer, menacer, soudoyer. Surtout ne pas négocier avec les bons interlocuteurs au bon niveau. Jouer les acteurs les uns contre les autres au niveau le plus micro possible en faisant un chantage aux prébendes, afin de gagner du temps et d'étouffer le mouvement.
Gabriel Attal, pas plus qu'Emmanuel Macron, ne fera quoi que ce soit. Car remédier à la situation exigerait de se rendre à Bruxelles retourner la table, de rassembler dans la même pièce Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne ; Thierry Breton, commissaire au marché intérieur; Janusz Wojciechowski, commissaire à l'agriculture et Valdis Dombrovskis, commissaire au commerce extérieur et de le leur faire comprendre qu'ils ne sont que des fonctionnaires contractuels qui vont passer par la fenêtre s'ils ne font pas ce qu'on leur dit de faire. Même chose pour les parlementaires européens français, pour la plupart corrompus par les lobbies, oublieux qu’ils sont qu’ils représentent la France et de personne d’autre.
Agir nécessiterait de forcer en Europe le retour au régime de prix agricoles administrés et de quotas de production et d'importation, donc à une vraie politique agricole, qui depuis 1997 n'est que loi du marché. Un retour à une protectionnisme raisonné est nécessaire.
Franchement, vous voyez un Young Dealer – heu pardon, Young Leader – de Davos faire cela ?
Entretemps, un ministre de l’agriculture incapable de labourer droit demande qu’on lui dise ce qui est connu et établi depuis plus de vingt ans, et il fera des annonces… On attend le numéro vert et la “plateforme”.
Derrière cette révolte paysanne ne se cache t-il pas quelque chose de plus gros ? Emmanuel Macron ne chercherait-il pas à détruire le système coopératif agricole français qui a fait l’objet d’une mission d’information parlementaire en 2022 ? Un système ultrapuissant, au poids économique considérable qui, quoiqu’on en dise, contribue à préserver l’agriculture française parce que détenu majoritairement, de manière obligatoire, par les exploitants agricoles, ce qui le rend inaccessible à la grande finance et aux multinationales. Pour faire la peau de ce système coopératif, rien de plus simple que de couler les agriculteurs, offrant ainsi un pan absolument fondamental de l’économie et de la souveraineté française à BlackRock, Cargill et consorts sur le modèle de ce qui a été fait en Ukraine.
Henry Kissinger a dit : “Contrôlez l’énergie, vous contrôlerez les nations. Contrôlez la nourriture, vous contrôlerez les peuples”. D’où l’impératif que ces deux secteurs dépendent de l’Etat et non pas du marché.
Heureusement qu’un dangereux agent subversif trumpo-populiste a apporté les croissants aux agriculteurs en direct sur BFMTV.
Ah non, au temps pour nous. Mme Le Marchand est un agent subversif de la macronie qui d’après la géographe Sylvie Brunel dans Le Point le 23 novembre 2023, humilie les paysans. Mme Le Marchand, les promotions ne sont pas financées par les prix agricoles, mais par les distributeurs et les grossistes et surtout la possibilité d’avoir des importations en provenance de pays qui ne subissent pas le coût de nos normes.
C’est la concurrence déloyale organisée par l’Union européenne qui tire tous les prix vers le bas. On le voit par exemple avec le poulet ukrainien, d’exécrable qualité. Que les animateurs de télévision restent sur les plateaux et ne se mêlent pas de ce qu’ils ne comprennent pas.
Avoir recours à une animatrice de téléréalité pour essayer de déminer une crise revient, non pas à aborder le fond du problème (non, toujours pas) mais à prendre les agriculteurs pour des buses.