La macronie et la multiplication des cabinets conseil
Dernier en date à monter sa société de lobbying, pardon de conseil en communication : Olivier Véran. L'ex-ministre de la santé propose ses services en matière de gestion de crises.
Le nom d’Olivier Véran vient se rajouter à la longue liste des ministres et secrétaires d’Etat d’Emmanuel Macron à avoir monté sa boite de conseil 1. Appelez-les comme vous voulez, relations publiques, influence stratégique, communication… La finalité est la même : monnayer son expérience, sa connaissance des arcanes du pouvoir et, surtout, son carnet d’adresses. Bref, ni plus ni moins que du lobbying à la limite du trafic d’influence.
Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il s’est notoirement amplifié sous la macronie. Pour s’en faire une petite idée, il suffit d’aller jeter un œil aux avis rendus par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), laquelle, en bonne gardienne de l’éthique et la probité en politique, doit donner son feu vert (ou pas) à toute demande de reconversion d’un ministre dans le privé. Où s’il s’avère que les recalés se comptent sur les doigts d’une main – ce fut le cas de Jean-Baptiste Djebbari pour CMA-CGM ou de Roselyne Bachelot pour Radio France par exemple – jamais la HATVP n’a mis son veto à la création d’une société de conseils. Tout juste a t-elle émis quelques réserves.
Ainsi, les cabinets de conseil ont-ils fleuri. Une vingtaine de ministres et de secrétaires d’Etats d’Emmanuel Macron ont créé le leur sitôt quitté le gouvernement. Sans doute se sont-ils trouvés des affinités avec la communication d’entreprise et les relations publiques, autant de domaines qui avaient notoirement échappé à leur cursus de formation…
On y trouve pêle-mêle Christophe Castaner (juriste de formation), Richard Ferrand (droit), Jean-Yves le Drian (historien), Nicolas Hulot (moniteur de voile puis photo-reporter), Laura Flessel (sportive de haut niveau), Florence Parly (Sciences Po-ENA), François de Rugy (Sciences Po), Roxane Maracineanu (sportive de haut niveau), Benjamin Griveaux (Sciences Po-HEC), Roselyne Bachelot (pharmacienne), Cédric O (HEC), Jean-Baptiste Djebarri (aviation civile), Julien Denormandie (AgroParisTech) ou Sophie Cluzel (Sup de Co). Mais aussi Françoise Nyssen, Elisabeth Moreno, Muriel Pénicaud, Adrien Taquet, Mounira Mahjoubi ou Laurent Pietrasweski.
A noter que certains comme Nicolas Hulot ou Roselyne Bachelot avaient créé leur société de conseil avant de rentrer au gouvernement. Comme du reste Michel Barnier…
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Des cabinets conseil bien pratiques pour pouvoir échapper un minimum au gendarme de la transparence. Car les moyens de contrôle de la HATVP sont relativement limités, même si l’autorité dit s’efforcer de s’améliorer avec les moyens du bord – qui n’augmentent pas, contrairement aux reconversions tous azimuts de ministres issus notamment de “la société civile”, venant et/ou repartant dans le privé. Ainsi, la prise illégale d’intérêts se mesure-t-elle aux échanges que le concerné a eus pendant ses fonctions gouvernementales les trois années précédent sa prise de fonction (cinq ans dans le cas de risque d’influence étrangère).
Pour ce qui est de savoir quels réels contrôles la HATVP exercent passé l’avis préalable rendu, c’est une autre histoire…
Et c’est là que ces cabinets conseil sont '“intéressants”. D’abord parce que ces petites sociétés peuvent rester discrètes quant à leur niveau d’activité, grâce la mise en place en 2013 du dispositif du secret comptable par Emmanuel Macron alors ministre de l’Economie de François Hollande. Une opacité renforcée cinq années plus tard sous le gouvernement d'Edouard Philippe avec la loi Essoc qui permet aux petites sociétés de s’abstenir de publier un rapport de gestion.
Dernier étage en date de la fusée : depuis juillet 2024, le registre des bénéficiaires effectifs des sociétés (RBE) n’est plus public. C’est ce registre qui avait permis qu’éclatent les scandales financiers Luxleaks ou Panama-papers. Ce qui permet de relativiser l’exigence de transparence ostensiblement affichée au travers de la HATVP, mise en place après le scandale Cahuzac. Et pour les cabinets conseils de jouer le rôle de “boite noire”, tout un chacun ne pouvant aller contrôler comme bon lui semble l’activité de la société.
En attendant, il semble bien que ces cabinets conseil soient aussi l’occasion de se recaser à bon compte. Pour revenir à Olivier Véran, rappelons que l’ex-socialiste passé macroniste avait, sitôt quitté le gouvernement, envisagé une carrière de médecin esthétique à la clinique des Champs-Elysées. Avant de finalement tenter un retour malheureux – claque qui n’a surpris que lui – en politique lors des législatives sur sa circonscription de l’Isère. L’espoir est vite retombé, comme celui de se recaser consultant “bénévole” (sic) au CHU de Grenoble où il avait officié en tant que neurologue et où l’ex-ministre de la santé est loin de s’être fait des amis.
En attendant de savoir si l’ex-député de l’Isère entend se présenter aux municipales à Grenoble en 2027, la HATVP a le 3 septembre validé la création de sa société conseils : Innov réalisera des prestations dans les domaines de l’innovation (sic), de la communication et … de la gestion de crise.
“Ni médecin esthétique, ni neurologue, Olivier Véran se reconvertit dans… le conseil et le lobbying”, dans Marianne reprenant une information de La Lettre A.