Pédopsychiatrie : la grande régression
C'est le principe des dominos. En Rhône-Alpes, la fermeture de lits d'hospitalisation se reporte sur des services ambulatoires déjà submergés. Les signaux d'alerte chez les jeunes eux se multiplient.
Les alertes s’enchainent, les rapports s’empilent mais rien ne bouge. Ou à peine. « La crise de la psychiatrie qui est annoncée depuis plus de dix ans est maintenant un état de fait », pointe la conférence des présidents et vice-présidents de commissions médicales d’établissement d’Auvergne Rhône-Alpes dans une motion adressée le 15 novembre à Olivier Veran et plus largement aux tutelles sanitaires et administratives.
Dix ans que dans ce secteur, parent pauvre de la psychiatrie, elle-même parent pauvre de la médecine, les professionnels tirent la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, accentué et révélé par la gestion erratique de la crise sanitaire, le constat est accablant. Il vient surtout s’ajouter à la longue liste des secteurs, médecine, médico-social, plus qu’à bout de souffle.
La France s’est pourtant, et à plusieurs reprises, fait taper sur les doigts. En 2016, le Comité des droits de l’enfant, organisation liée à l’ONU, recommandait à Paris de « revoir à la hausse les ressources humaines et financières mises à la disposition des services de santé mentale spécialisés, afin de réduire les inégalités d’accès aux soins pédopsychiatries à l’échelle nationale, ainsi que de renforcer la formation du personnel médical aux questions relatives à la pédopsychiatrie et de veiller à ce que les enfants soient traités par des professionnels qualifiés et dans des établissements conçus pour les enfants ».
Quatre ans et une crise sanitaire plus tard, la pédopsychiatrie s’est enfoncée. Ses jeunes patients avec. « Avec le confinement, on n’a pas pu accueillir tous les enfants, ce qui a encore augmenté les listes d’attente », souligne Martine Bourlier, pédopsychiatre dans le Val d’Oise et secrétaire de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP).
« Et actuellement, on est en face d’une épidémie avec des enfants très exposés aux écrans, qui ont du mal à revenir à l’école, des adolescents qui manifestent des troubles et notamment des jeunes filles avec des troubles du comportement alimentaire. C’était déjà le cas il y a quelques années, ça s’est accentué ».
Avec des conséquences parfois bien plus dramatiques. Au centre hospitalier Alpes Isère (CHAI) qui, de Saint-Égrève, rayonne sur la quasi-totalité du département, un adolescent qui poignarde un membre de sa famille, cela arrive un fois par an, voire une fois tous les deux ans. « En un an pendant la Covid, on en a eu cinq », souligne Michel Soulié, infirmier en secteur psychiatrique et secrétaire adjoint de la CGT au CHAI. L’établissement, lui, compte 10 lits d’hospitalisation pour adolescents. Une misère.
Une étude publiée le 7 octobre et menée à l'hôpital Robert Debré à Paris, l'un des plus grands centres pédiatriques d'Europe, montre une détérioration de la santé mentale des enfants depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020.
Si les jeunes ont bien supporté le premier confinement, le nombre de tentatives de suicide est par la suite monté en flèche, jusqu’à enregistrer une hausse de 300 % fin 2020. « Cette dynamique aberrante des tentatives de suicide était indépendante de sa saisonnalité annuelle et de sa tendance sur la période de dix ans », soulignent les auteurs de l’étude.
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à L'Eclaireur - La Lettre des Alpes pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.