Santé mentale des enfants : la bombe à retardement
Moins de la moitié des enfants souffrant de troubles psychiques sont pris en charge. Avec les moyens du bord, qui restent et resteront limités. Et la réorganisation n'augure rien de révolutionnaire.
Sur France Info le 16 mars, Olivier Véran a loué le tout nouveau dispositif MonPsy. MonPsy, c’est à compter de ce 5 avril, l’accès pour certaines personnes, souffrant de troubles dépressifs légers à modérés, à huit séances gratuites chez un psychologue.
« C’est la première fois dans l’histoire de notre pays », s’est vanté le ministre des Solidarités et de la Santé. Mieux, « une avancée considérable pour l’accès aux soins psychologiques et psychiques ».
Evidemment, dans la vraie vie, c’est un tantinet moins glorieux. Outre le fait que le dispositif poussé par le gouvernement tente de venir pallier ce que le même gouvernement a consciencieusement détruit, huit séances chez un psy n’est pas la panacée. Même si c’est toujours mieux que rien objecteront facilement certains.
Le dispositif prévoit aussi un passage obligatoire par la case médecin, que les psychologues goûtent peu. Moyennant aussi une prise en charge au rabais, la consultation étant facturée et remboursée 30 euros… quand une séance de psychothérapie ordinaire tourne autour de 60 euros.
Dans une tribune publiée le 29 mars dans Le Monde, un collectif de plus de 2 000 professionnels dit tout le mal qu’il pense de ce bidouillage façon rustine pré-électorale. Et appellent au boycott d’un protocole, qu’ils jugent “inacceptable et dangereux ”.
« Le libre accès aux soins psychiques prodigués par des psychologues existe dans son principe noble, inconditionnel et gratuit depuis une soixantaine d’années au sein de structures hospitalières et médico-sociales publiques. Or ces établissements ne sont plus en capacité d’effectuer leur missions parce que les gouvernements successifs les ont laissé progressivement dépérir en limitant leurs moyens et en transformant leur esprit ».
« Jamais en France, le service public de la santé psychique n’a été à ce point malmené et déconsidéré », assènent-ils.
Une rustine qui, chez les psychiatres et encore plus les pédopsychiatres, peine à faire illusion. « Ce dispositif a été pensé comme une mesure d’urgence et pas du tout comme une mesure intégrée dans une réflexion globale », juge Christophe Libert, le président de l’association des psychiatres de secteur infante-juvénile (API). « Ça a un effet médiatique et politique mais en termes de services rendus à la population, la portée est très maigre ».
Car la souffrance psychique, non contente d’être mal prise en charge faute de moyens essentiellement, va grandissant. Et il n’y a pas que les pédopsychiatres et les psychologues pour tirer publiquement la sonnette d’alarme. La Défenseure des Droits s’en était ému en novembre dernier. Dans son bulletin du 17 mars, Santé Publique France s’inquiétait à son tour de l’évolution de la situation au vu des crises successives, Covid et maintenant Ukraine.
« Après deux ans de pandémie de Covid-19, la santé mentale de toute la population dont celle des enfants et des adolescents reste un sujet de préoccupation. Les dernières données issues du point épidémiologique mensuel dédié à la santé mentale le confirment : les indicateurs de souffrance psychique chez les 11-17 ans restaient à des niveaux élevés, comparables voire supérieurs à ceux observés début 2021 ».
Solution(s) ? Campagnes d’information, de détection, plans de prévention se multiplient tels des couches successives de pansement là où les professionnels appellent, comme dans le secteur de la santé conventionnelle, à un plan Marshall mais aussi une véritable restructuration de la filière au travers de l’adoption d’une loi-cadre. Depuis 1992 et la circulaire Kouchner, aucune loi n’a été pensée pour réorienter la santé mentale en France.
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