[ Ukraine ] Fin de l'accord sur les céréales : l'inflation est bien là pour rester
Dès mars 2022, nous avions pointé les incohérences des sanctions occidentales visant les céréales russes, qui mettent une partie du monde au bord de la famine.
La Russie vient de décider de sortir de l’accord sur les céréales ukrainiennes – qui a permis à l’Ukraine d’exporter via la mer Noire 33 millions de tonnes de grains en un an. Il faut dire que l’Occident n’a jamais tenu sa part du marché et que l’écrasante majorité des céréales concernées n’a pas pour destinataire les pays pauvres, en grande vulnérabilité alimentaire mais les marchés internationaux, complètement financiarisés.
Nous ne mentionnerons pas que le corridor dans la mer Noire, démilitarisé par l’accord, qui permettait aux cargaisons de blé ukrainien de passer, a été utilisé par les Ukrainiens, avec l’aide du Royaume-Uni et des USA, pour lancer des attaques sur Sébastopol.
La Turquie vient de rejeter la demande ukrainienne de protéger ses cargaisons de céréales. La Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie, états membre de l’UE, ont signé une déclaration prolongeant l'interdiction d'importation des céréales ukrainiennes tout en garantissant le transit par leur territoire. L’afflux de ces céréales a en effet provoqué l’une des plus graves crises agricoles de leur histoire.
Premier effet de la décision russe de sortir de l’accord : une nouvelle explosion du prix des céréales, qui sont des commodités dont le prix est déterminé en bourse – Chicago, New York, Londres. L’inflation va donc perdurer, sinon s’accroître. Faire transiter ces céréales par la terre puis les expédier à partir de ports européens les rendra non-compétitives.
Deuxième effet : l’Ukraine va perdre 500 millions d’euros par mois de revenus à l’export, mettant une pression quasi intolérable sur les Européens pour les compenser.
Troisième effet : la Russie va voir son influence s’accroître vis-à-vis des pays les plus pauvres, essentiellement africains. La Russie dispose des moyens de vendre par contrat en dehors de toute considération de cours. Comme pour le pétrole et le gaz.
Quatrième effet : la flambée des prix des céréales et une éventuelle déstabilisation du marché mondial aura pour effet d’enrichir la Russie et maintenir, si ce n’est accroitre, l’inflation dans la sphère occidentale.
Cinquième effet : la Russie et la Chine étant les deux plus gros producteurs mondiaux d’engrais, les usines de fabrication d’engrais européennes étant à l’arrêt à cause du prix du gaz, lui-même résultant des sanctions… la Russie et la Chine contrôlent de facto la capacité mondiale de production de céréales.
Comme quoi les “global leaders” occidentaux n’entendent rien à la globalisation, qui par nature n’est pas à sens unique.
Nous republions notre article du 23 mars 2022, dans lequel nous alertions déjà sur ce qui aujourd’hui s’est avéré inéluctable.
Sanctions occidentales : une grande partie du monde au bord de la famine
Zelensky, Biden, Macron, Scholtz, Von de Leyen & Co ont provoqué par l'adoption de sanctions aussi inefficaces que criminelles, la pire crise alimentaire depuis 1945.
Nous l’avons affirmé il y a une semaine : les USA, les pays membres de l’Otan et de l’UE ont transformé en crise globale la crise régionale qu’est la guerre en Ukraine par des sanctions économiques aussi inefficaces que criminelles.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, le prix du blé a augmenté de 21 %. Celui des engrais, nécessaires pour obtenir de bons rendements dans la culture des céréales, de 40 %.
La Russie et l’Ukraine fournissent 30 % de la production mondiale de blé, 17 % de la production de maïs, 32 % de la production d’orge et 75 % de la production de graines de tournesol, source d’huile critique dans bien des régions du monde. Rajoutez que la Russie est le premier producteur et exportateur de l’ensemble des engrais de base.
Interdisez à la Russie d’exporter sa production de céréales et d’engrais. Elle a de toute manière décidé de n’exporter qu’à destination de pays “non-hostiles”.
Assurez-vous que l’Ukraine ne puisse pas non plus écouler sa production en faisant tout pour provoquer la Russie à rentrer en guerre.
Les exploitations en Ukraine ne pourront pas semer donc moissonner. Les 3 à 4 millions d’Ukrainiens ayant fui dans l’UE, vague migratoire sciemment organisée, sont autant de bras en moins.
Finissez en beauté avec une couche de sanctions contre la Biélorussie, producteur important d’engrais potassés. Biélorussie où l’on a tenté sans succès de forcer un changement de régime en 2020. Pure coïncidence.
Vous obtiendrez l’ensemble du marché agricole mondial de 1 100 milliards de dollars (hors échanges intra-européens) portant essentiellement sur les végétaux, se contractant en volume mais explosant en valeur.
On parle de choc énergétique. La récession économique qu’il va provoquer sera brutale. Le choc alimentaire sera lui meurtrier.
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Dans les pays développés, cela ne va se traduire qu’en baisse du pouvoir d’achat et en augmentation exponentielle des bénéficiaires d’aides alimentaires. Ailleurs, cela va résulter en des morts. Par centaines de milliers. Peut-être par millions. De faim. Un famine durable, longue, car ce n’est pas que l’approvisionnement en céréales qui est touché. Les rendements agricoles le sont aussi.
Les fabricants d’engrais en Europe ont fortement diminué leur production à cause des prix de l’énergie et de la matière première fondamentale qu’est le gaz naturel, le méthane, en chimie organique . Les paysans réduisent les épandages du fait du prix des engrais, obérant les rendements et les récoltes futures.
La Chine, confrontée à sa pire récolte de blé depuis des décennies à cause d’importantes inondations, va acheter une part plus importante de la production mondiale. Quant à l’Inde, d’ordinaire exportatrice net, elle a déjà vu ses importations de céréales tripler.
La Tunisie, qui peinait déjà à financer ses importations alimentaires avant la guerre, est au bord de l’abîme. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient où les populations sont très sensibles au prix du blé, les manifestations et les émeutes vont vraisemblablement se multiplier.
Le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM), David M. Beasley, cité par Devex, sonne l’alarme. La malnutrition a déjà augmenté de 18% du fait des absurdes et inefficaces – donc criminelles – restrictions durant les deux ans d’épidémie de Covid, qui ont mis à mal les chaînes d’approvisionnement.
“Nous prenons de la nourriture à ceux qui ont faim pour la donner à ceux qui meurent de faim”. L’augmentation actuelle des prix équivaut pour le PAM à cesser de nourrir 3,8 millions d’êtres humains. “Nous sommes confrontés à la pire crise alimentaires depuis 1945”, conclut-il.
Pourtant, il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre les conséquences dramatiques des sanctions économiques. Déjà l’année dernière, la Chine avait interdit temporairement l’exportation d’engrais phosphatés, ce qui avait eu pour effet une première augmentation des prix agricoles mondiaux.
Qui croyez-vous que le reste du monde blâmera, à raison, pour cette récession économique et cette crise alimentaire? Ceux qui dans les faits les ont causé en n’ayant pas recherché une solution diplomatique à une crise qu’ils ont créée de toutes pièces depuis quinze ans. Ceux dont ils ne supportent plus l’arrogance.
Ceux qui ont fomenté un coup d’État en 2014 en Ukraine. Les Etats-Unis. Et l’Occident en général. Ceux qui ont laissé cette guerre survenir alors que son issue est déjà connue depuis huit ans : neutralisation de l’Ukraine, autonomie ou indépendance du Donbass et reconnaissance de la souveraineté russe sur la Crimée.
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Tant de souffrances pour rien en Ukraine, qui du fait des esprits malades de certains à Washington et de la couardise d’autres à Bruxelles, vont s’agréger en une catastrophe à l’échelle de la planète.
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