Une ZFE pour les voitures à Grenoble, inefficace et injuste
Le collectif Grenoble à cœur réagit à l'imposition d'une zone à faible émission pour les voitures.
“Quand une mesure est mise en place sans prendre en compte la différence entre les gens qui habitent en banlieue et ceux en cœur de ville, bien sûr qu'elle est injuste. Et en plus la qualité de l'air est un sujet en France mais c'est pas qu'un sujet de voiture“. Ces mots, qui sont ceux de Marine Tondelier, la nouvelle patronne de EELV, pourraient être ceux de Grenoble à Cœur.
Tout le monde ou presque le reconnaît : la ZFE pour les voitures est une mesure injuste. C’est aussi non écologique. Mais en plus, c’est inefficace à Grenoble !
Une mesure injuste
C’est une première évidence. Quelques titres de presse suffisent à l’illustrer : « ZFE : les villes interdites aux pauvres » (l’Humanité), « ZFE : Comment désamorcer la bombe sociale ? » (la gazette des communes), « Le Vice-Président de la Seine Maritime dénonce une mesure injuste » (BFMTV), « On met les ruraux dehors de la ville » (La Dépêche), etc.
Relevons une autre injustice : celle d’interdire l’accès aux ruraux utilisateurs de véhicules anciens, tout en laissant libres les urbains de polluer largement plus en se chauffant au bois !
Une mesure négative pour l’écologie
C’est une deuxième évidence. Accélérer l’envoi à la casse de véhicules, qui existent et ne coûtent pas de fortes émissions de CO2 pour être fabriqués et remplacés, c’est l’inverse de l’écologie.
Une mesure inefficace à Grenoble
Injuste et non écologique, la ZFE voitures est aussi une mesure inefficace en ce qui concerne l’agglomération grenobloise. Il faut, pour l’expliquer, commencer par rappeler la justification donnée par l’ex ministre de l’environnement : la santé, en tout premier lieu les « décès prématurés » causés par les particules fines PM2,5.
À savoir :
Selon l’Agence européenne pour l’environnement, « les décès prématurés sont ceux qui se produisent avant l’atteinte d’un âge attendu, typiquement celui de l’espérance de vie du pays selon le sexe et l’âge ».
Cette perte d’espérance de vie du fait des PM2,5 est estimée à 4 ou à 7,6 mois par Santé Publique France. Tous leurs chiffres (dont le fameux 40 000 « décès prématurés » par an) fluctuent selon les hypothèses théoriques de leurs calculs car ils sont les produits d’abstractions mathématiques, et non d’observations réelles. Il est en effet impossible de médicalement constater les « décès prématurés » car « personne n'est capable de savoir de façon systématique si un individu est mort de la pollution ou pas », selon le directeur du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales des décès.
Que représentent ces 7,6 mois de « décès différés », pour reprendre la terminologie antérieure de Santé Publique France ? C’est ce que gagnent en théorie les personnes qui vivent dans les « 5% des communes rurales les moins polluées, qui sont principalement localisées dans les massifs montagneux », petit supplément en fin de vie qui leur évite d’être dans les 40 000 « décès prématurés » annuels causés par les PM2,5.
11% des particules fines PM 2,5 viennent des voitures à Grenoble
Une ZFE est déjà en place pour les camions et camionnettes, véhicules qui émettent le tiers des PM2,5 du trafic de l’agglomération grenobloise. Le total de ces émissions étant de 16%, la part des voitures n’est donc que de 11%.
Étonnant ? Non, puisque depuis douze ans les filtres à particules sont obligatoires sur toutes les voitures diesel. Ainsi, avec le temps, le nombre des voitures Crit’Air 5 et 4 encore en circulation dans la métropole est tombé à seulement 5% du parc automobile. La ZFE voitures, qui aurait pu se justifier en 2010, est donc quasiment inutile aujourd’hui car ce n’est pas grignoter un bout des 11% des PM2,5 des automobiles qui améliorera la santé des Grenoblois. D’autant plus que …
… 61% des PM 2,5 viennent du chauffage au bois !
Des chercheurs grenoblois ont publié que le nombre de « décès prématurés » causés à Grenoble par les PM 2,5 serait réduit des deux tiers si ce polluant baissait de 42% dans l’air. Leurs données montrent qu’une telle amélioration de santé serait obtenue en réduisant les émissions du chauffage au bois des deux tiers, c’est-à-dire exactement du même pourcentage. Et même ainsi diminué, le chauffage au bois continuerait d’émettre presque deux fois plus que les voitures actuellement !
Le vrai problème est le chauffage au bois
D’après ces chercheurs, tout convertir aux granulés ne suffirait pas, bien que ce soit la forme de chauffage au bois qui émet le moins de particules fines. Il faudrait donc, en plus, qu’une partie de ces chauffages soit remplacée par de l’électrique ou du gaz ; sinon c’est l’utilisation de la voiture qu’il faudrait faire tomber de -36% (et c’est bien sûr ce que répètent nombre de politiques grenoblois).
La subvention du chauffage au bois
La « Prime Air Bois » de la ville et de la métropole de Grenoble n’aide pas à abandonner le chauffage au bois, c’est donc une subvention. Des affiches dans Grenoble montrent un poêle et des bûches, tout en annonçant « jusqu’à 30 fois moins de particules fines dans l’air ». C’est de la publicité mensongère, car ce chiffre est celui des chaudières à granulés et que le poêle à bûches est en réalité cinq fois plus polluant, bien loin de ce que les chercheurs grenoblois ont préconisé pour améliorer la santé !
La toxicité des PM 2,5 issues du chauffage au bois
« On sait que brûler du bois est beaucoup plus toxique que les autres types de particules, et les résultats pointent clairement le feu de bois comme la cause principale de risque cancérigène sur le long terme » dit le Pr A. Nenes du « Laboratoire des processus atmosphériques et leurs impacts » de l’EPFL, l’une des meilleures universités mondiales.
L. Crilley, chercheur en chimie atmosphérique à l’Université de Birmingham, confirme en ces termes : « la fumée de bois contient plus d’éléments cancérigènes que les échappements du diesel ou de l’essence ».
Le dioxyde d’azote (NO2)
La ZFE existe déjà depuis trois ans sur toutes les communes de la métropole grenobloise. Elle concerne les camions et les camionnettes. Alors qu’ils produisent une énorme part (la moitié !) du NO2 du trafic routier de l’agglomération, personne n’a observé que ça a diminué les décès à Grenoble.
Ce qui n’est pas étonnant car ce sont les particules fines PM2,5 qui sont « le polluant de l’air qui cause le plus de problèmes de santé et de mortalité prématurée », selon l’Agence européenne pour l’environnement. En effet, le NO2 est 27 fois moins nocif pour la santé que les PM2,5 d’après les chiffres de Santé Publique France, dont les modélisations mathématiques jaugent l’impact à 7000 personnes en France1 avec 1,6 mois de perte d’espérance de vie (elle est actuellement de 82 ans et 3,6 mois …). De plus, d’après le Conseil d’État, Grenoble ne dépasse plus le seuil défini par l’Europe pour le NO2.
Où sont les alternatives pour se déplacer ?
Qu’est-il offert en termes d’alternatives à ceux qui ne pourront plus utiliser leur voiture ? Au vu de l’état sinistré des finances de la ville de Grenoble et du SMTC (ancien nom du Smmag) rien d’étonnant d’apprendre du maire d’Echirolles que « le report modal vers les transports en commun va être difficile, on a peu de moyens en ce moment pour investir sur de nouvelles lignes. ».
Nulle surprise non plus, vu ce contexte, que le président du département dise du fameux « RER grenoblois » : « si on y arrive dans quinze ans on sera bien contents ».
Le vélo ? Il couvre les mêmes distances urbaines que les transports en commun, qu’il remplace en réalité plus que la voiture. Ce phénomène bien connu se constate aussi à Grenoble, où il a été confirmé par l’enquête sur les déplacements.
Plus de ZFE ou traiter des problèmes rééls ?
La ZFE existe déjà pour le transport de marchandises. Pendant que l’extension de la ZFE aux voitures et l’extrémisme du maire de Grenoble occupent les esprits et les énergies, les problèmes réels sont occultés et laissés sans solutions. Où est l’intérêt commun, non partisan, chez « Grenoble en commun » ?
Tous les jours, des voitures brûlent en émettant des nuages de fumées particulièrement toxiques. Les écoles les plus polluées de Grenoble sont toutes situées au centre-ville, à cause du plan de circulation de 2017 qui a fortement concentré le trafic automobile à proximité d’elles mais que la mairie refuse d’ajuster.
Ce même plan a pour autre conséquence que l’accès au commerce du « Cœur de Ville Cœur de Métropole » reste beaucoup trop restreint, ce qui lui laisse très peu de chances de tenir face aux nouvelles zones commerciales de Neyrpic et de Grand’ Place agrandi.
Les investissements pour l’attractivité de la ville sont à l’arrêt complet, tandis que « Grenoble capitale verte » a coûté 13,4 millions d’euros en com’ et en réunions, et qu’éponger l’excès de dépenses de fonctionnement nécessite 17% d’augmentation d’impôt (ou la mise sous tutelle) !
Plues de ZFE ou réellement améliorer la santé ?
Pour certaines villes, généraliser la ZFE aux véhicules particuliers a possiblement un effet visible sur la santé, au prix d’injustices doublées d’un impact négatif sur l’écologie.
Pour Grenoble, les données qui caractérisent la ville montrent qu’étendre cette mesure aux voitures est inefficace, inutile, l’effet sur la santé ne pouvant être qu’anecdotique.
Dans les faits, réellement améliorer la santé des Grenoblois demande de réduire des deux tiers les émissions de particules fines du chauffage au bois, ce qui ferait baisser d’autant le nombre de « décès prématurés ». Pourtant, même avec une telle diminution, le chauffage au bois continuerait d’émettre presque deux fois plus de particules fines PM2,5 que les voitures actuellement !
Mieux que toutes les démonstrations, il y a ce que l’expérience réelle du confinement a montré : alors que le trafic routier avait cessé, les émissions de PM2,5 avaient augmenté à Grenoble !
Une bonne nouvelle pour terminer : Grenoble est classée quatrième ville de France où l’on vit en bonne santé.