[ Republication ] Ukraine : le dangereux carrousel d'armes européen
Ce sont les Etats membres de l'UE qui fourniront et paieront les armes à l'Ukraine. Entre zones grises juridiques et absence de contrôle, une belle grosse bombe à retardement. (article de mars 2022)
Le 12 mars 2024
Non, nous ne sommes pas visionnaires. Nous avons juste une maigre idée de ce dont nous parlons et nous connaissons un tantinet comment fonctionne le “complexe politico-intellectualo-militaro-industriel”.
Voir la très bonne vidéo ci-dessous de ATE Chuet, ancien pilote de rafale de l’aéronavale qui sait mieux que nous de ce dont il cause. A son oubli, l’Allemagne était assise sur des surplus énormes de la guerre froide (aussi) alors que la France elle n’a cessé d’être en Opex depuis le début des années 1980 et de détruire son industrie de défense au profit de... l’Allemagne - du moins l’industrie qui importe, celle qui alimente les arsenaux.
Il n’empêche que ce que nous disions il y a deux ans est devenu l’évidence aujourd’hui. Relisez notre article du 6 mars 2022. C’est drôle - et ce n’est pas payant.
Article publié le 6 mars 2022.
Il s’agit de remettre les choses dans leur contexte afin de bien comprendre la réalité, la portée et les conséquences de la livraison de 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine, présentée comme une livraison de l’Union européenne. Le contexte ukrainien est particulièrement complexe et ne se satisfait pas d’une analyse fondée sur la dichotomie gentils ukrainiens - méchant russes. D’où deux liminaires et un rappel des origines du conflit, afin de planter le décor. Ça va être un peu long mais c’est nécessaire. Ça va être un peu compliqué mais on ne peut pas y couper.
Premier liminaire, géostratégique
C’est la fable de la grenouille qui veut se faire plus gros que le bœuf. Ou plutôt celle du moustique qui veut piquer plus fort que l’ours griffe.
L’Europe depuis vingt-cinq ans n’est plus la région la plus importante du globe. Qui a observé avec attention la crise asiatique de 1997-1998 a constaté les prémices de cette évolution. Les pays de l’Est et du Sud-Est asiatique refusèrent à quelques exceptions près les bons offices du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres organisations multilatérales occidentales. L’Asie a résolu seule cette crise causée par les déséquilibres macroéconomiques induits par les afflux massifs de capitaux occidentaux dans les années 1980-1990. C’est également à cette occasion qu’on vit apparaître sur la scène internationale ce groupe de pays surnommé les “BRIC” - Brésil, Russie, Inde, Chine - par lequel se coordonna la contention de la propagation de la crise économique à la Russie et à l’Amérique latine.
La démonstration lumineuse du Professeur John J. Mearsheimer (Université de Chicago) est sans appel quant à la politique étrangère américaine. Elle ne varie pas selon que ce soit les démocrates ou les républicains, pour qui l’Europe n’est plus la région la plus critique. C’est parce que Donald Trump fut élu contre l’establishment démocrate - et républicain durant les primaires - qu’on vit des inflexions durant son mandat.
Il ne s’agit pas pour autant d’un déclin de l’Europe mais d’un déplacement du centre de gravité du monde aussi prévisible que logique. L’Europe est aujourd’hui périphérique. Face à cela, l’attitude adoptée par les dirigeants européens est celle d’enfants gâtés. Gros caprice, cristallisé dans la doxa qui veut que l’Union européenne soit la seule manière de tirer son épingle du jeu. Selon le principe imbécile que c’est la taille qui compte…
S’acharner à être le barycentre du système avec ses éléments tournant autour de nous est languir de la perspective du nourrisson dans son berceau regardant son mobile. Parce que dans le système complexe qu’est le monde, c’est la capacité à naviguer le système d’élément en élément pour maintenir ou modifier son équilibre qui est source de puissance, non pas la centralité. Et encore moins son contrôle.
La guerre en Ukraine a révélé brutalement l’absurdité de ce mode de pensée. Le jugement moral obère toute compréhension. Les leaders européens et occidentaux, voyant s’écrouler ce sur quoi ils ont fondé leurs discours depuis trente ans, persistent dans l’absurde en utilisant la crise régionale qu’est la guerre en Ukraine pour en faire une crise globale. Mode de pensée leur permettant, croient-ils naïvement, de mettre la Russie à genoux tout en restant le barycentre du système politique et économique international, quitte à générer une récession économique mondiale sur fond d’explosion des prix de l’énergie et des matières premières qui ne provient pas d’effets de marché mais de la destruction d’infrastructures bien réelles. Après nous, le déluge. Le reste du monde ne le pardonnera jamais.
Emmanuel Macron pas plus que ses homologues n’ont appréhendé la réalité des liens qui unissent la Russie et la Chine, plus profonds et peut-être plus symbiotiques que ceux qui sont sensés unir le fameux “couple franco-allemand” qui n’existe qu’en France. Vingt ans que l’on pousse la Russie et la Chine dans les bras l’une de l’autre. Et on s’étonne qu’elles n’ont pas demandé notre autorisation pour consommer leur union…
C’est bien la Chine qui assure aussi littéralement qu’activement les arrières de la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, trop heureuse de forcer les Américains à délaisser l’Est asiatique pour se recentrer sur la catastrophe qu’ils ont grandement contribué à engendrer en Europe.
Les Etats-Unis, eux, sont prêts à semer désolation et guerre sur notre continent afin que l’Union européenne ne trouve pas la voie d’une coopération plus rapprochée avec le bloc eurasien. Et les dirigeants européens leur fournissent complaisamment les armes et les munitions pour ce faire. La facture, ce sont les citoyens européens qui la règleront.
Deuxième liminaire, institutionnel
L’Union européenne s’organise autour de trois grandes institutions :
Le Conseil européen, composé des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres. C’est l’organe de décision de l’UE. Il est présidé par un président permanent et le chef d’État ou de gouvernement du pays titulaire de la présidence tournante de l’UE.
Le Parlement européen, dont le rôle principal est de voter le budget de l’UE et d’en contrôler l’exécution. Il dispose également d’un pouvoir de codécision en matière de législation européenne avec le Conseil dans 85 domaines spécifiques.
La Commission européenne est l’administration qui développe les politiques et la législation européenne. Elle veille également au respect des traités et de la législation européenne par les Etats membres. Elle ne dispose d’aucun pouvoir de décision.
La politique extérieure, de sécurité et de défense européenne dépend directement du Conseil. L’Union européenne n’est pas un État souverain mais une organisation intergouvernementale. Les fonctions régaliennes ne peuvent que relever des États membres.
En 2011, une gigantesque usine à gaz prévue au Traité de Lisbonne a été créée: le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), sorte de ministère des affaires extérieures de l’UE qui n’est pas un État souverain. Le SEAE fait passer la direction des relations extérieures et une partie du développement et de la coopération internationale de la Commission sous l’autorité du Conseil et y intègre les services du Conseil chargés auparavant de la politique de sécurité et de défense commune ainsi que le centre de situation et de renseignement (IntCent).
Autant dire que cette réforme a crée une entité qui, sur la scène internationale et européenne, génère beaucoup d’ombre à l’auparavant toute puissante Commission. Résultat : guerre des services, aggravée par des conflits d’égo au sommet de la pyramide.
L’attitude d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, pose problème depuis sa prise de fonction. Elle n’est pas chef d’Etat, se comporte comme tel, prend des libertés inacceptables avec les traités européens et provoque incident sur incident.
Dernier en date, déclarer dans les médias que la place de l’Ukraine est dans l’Union européenne, alors que la décision de lancer une procédure d’adhésion est la prérogative des Etats membres. Fureur de bien des capitales. Recadrage immédiat de Charles Michel, Président du Conseil sous forme d’un “il existe différentes opinions et sensibilités”, manière de fin de non-recevoir.
C’est donc aujourd’hui le désordre le plus total au sommet de l’UE où la présidente de la Commission passe son temps à se prendre pour le président du Conseil, ce que le Belge Charles Michel, président du Conseil goûte peu mais c’est un faible. Le tout avec une présidence tournante française en roue libre, sans substance et qui n’a été taillée que pour servir la réélection d’Emmanuel Macron.
Les origines récentes du conflit
Le discours est sans fondement qui voudrait que Vladimir Poutine soit fou, ou bien la réincarnation d’Adolf Hitler, ou bien les deux, “dans le même temps”. Certes, c’est bien la Russie qui a agressé l’Ukraine. Oui, c’est illégal, c’est une infraction caractérisée à la charte des Nations Unies. Il n’en demeure pas moins qu’il faut toujours être deux pour danser le tango. Il n’en demeure pas moins que dans l’approche de tout conflit armé, c’est rechercher la cause de la cause qui importe plus que de déterminer qui a appuyé le premier sur gâchette - du moins si l’objectif est de mettre un terme au conflit ou de le mitiger.
Puisque la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autre moyens, résoudre la crise ukrainienne appelle à comprendre ce qui a provoqué l’usage de la force, décision politique trouvant sa motivation dans d’autres considérations politiques préétablies, découlant elles-mêmes de situations et d’enchaînements d’événements validant ces considérations qui justifient l’agression dans l’esprit de l’agresseur. Ca va, vous suivez? :D
[A lire également: Les USA et l'OTAN, échecs et mats depuis 2014]
Personne, dictateur ou démocratiquement élu, ne se réveille un matin en se disant “Tiens aujourd’hui, je vais envahir l’Ukraine”. Une invasion est une intention politique matérialisée par une opération militaire longuement planifiée et dont l’ensemble des risques - humains, diplomatiques, économiques - sont minutieusement évalués au regard des buts de guerre. Les néoconservateurs américains ont théorisé la guerre préventive. C’est cette théorie qui sur la base de renseignements fabriqués de toutes pièces permirent de justifier l’invasion illégale de l’Irak, qui fut plus brutale que celle de l’Ukraine se déroulant sous nos yeux.
L’analyse la plus cohérente et documentée des causes récentes qui ont mené à la guerre en Ukraine est celle d’Aaron Maté, qui travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années. Dans une série de deux articles (dont un à paraître), il décrit minutieusement le mécanisme qui a mené à cette guerre et met en évidence la très lourde responsabilité de l’Occident, Etats-Unis en tête. Sans exonérer la Russie de son agression.
L’article d’Aaron Maté étant en anglais, en voici un rapide résumé.
Il est aujourd’hui établi sans contestation possible que “Euromaidan” fut un coup d’Etat d’extrême droite orchestré par les USA. L’interception d’une conversation téléphonique (ce qui nous apprend beaucoup sur les capacités russes en la matière) datant du 4 février 2014 entre Victoria Nuland et l’ambassadeur des USA en Ukraine ne laisse planer aucun doute. Cette interception est à écouter dans son intégralité ici.
Un drôle de pistolet que cette Victoria Nuland, n°3 de la diplomatie américaine. Que l’on retrouve constamment à la manœuvre dans le dossier ukrainien depuis la révolution orange de 2004.
Néoconservatrice pur jus, mariée à l’idéologue-en-chef néoconservateur Robert Kagan, ancienne conseillère à la sécurité nationale de Dick Cheney de 2003 à 2005, elle fut représentante permanente des USA à l’Otan de 2005 à 2008 sous G.W. Bush (on lui doit donc la déclaration de Bucarest posant que l’Ukraine et la Géorgie deviendraient membres de l’Otan) .
Sous la présidence de Barack Obama, elle fut nommée porte-parole du département d’Etat (2011 à 2013). C’est elle qui a recommandé de nier la nature terroriste de l’attaque de l’ambassade US à Ben Ghazi, conseil suivi par Hillary Clinton. Le scandale qui s’en suivit coûta son poste à la sénatrice de New York. Mais Victoria Nuland fut promue au poste d’assistante secrétaire d’Etat adjointe pour l’Europe et l’Eurasie (2013-2017) où elle fut plus particulièrement chargée de l’Ukraine.
Avec feu le sénateur républicain John McCain, John Kerry, alors secrétaire d’Etat et le secrétaire à la défense Ashton Carter, elle fut à la pointe des pressions exercées sur Barack Obama qui refusait catégoriquement d’armer l’Ukraine. Evincée par Donald Trump en 2017, elle est depuis mai 2021 de retour au poste de sous-secrétaire d’Etat aux affaires politiques, le deuxuème poste le plus puissant du Département d’Etat.
Dans cette conversation interceptée 18 jours avant le coup d’État, nous entendons Victoria Nuland et l’ambassadeur américain choisir Arseni Iatseniouk comme premier ministre de l’Ukraine. Ce qui se matérialisa après que le massacre de Maidan, opération" “false falg“ (sous faux drapeau), fut organisé pour évincer le président pro-russe démocratiquement élu Viktor Ianoukovitch. Et, comme le dit élégamment Victoria Nuland, “Fuck the EU”.
Au centre de ce coup d’État d’extrême droite, Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama personnellement chargé de l’Ukraine, son directeur de cabinet de l’époque Antony Blinken, aujourd’hui secrétaire d’Etat et son conseiller Jake Sullivan, aujourd’hui conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden président des Etats-Unis. Sans oublier John Kerry qui avait remplacé un an plus tôt Hillary Clinton au département d’Etat.
Et c’est la même fine équipe, en particulier Jake Sullivan, que l’on retrouve à l’origine du “Russiagate”, cette manipulation élaborée par la campagne de Hillary Clinton accusant Donald Trump de collusion avec le Kremlin, ce qui non seulement s’est avéré sans fondement mais fait aujourd’hui l’objet d’une enquête judiciaire dans laquelle les mises en examen tombent dru.
Victoria Nuland se retrouve aujourd’hui au centre d’un nouveau scandale, celui des laboratoires de recherche sur les armes chimiques en Ukraine. Tout le monde oublie que, outre des armes nucléaires, l’Ukraine abritait des laboratoires de Biopreparat. Les soviétiques étaient des années lumière en avance sur l’Occident en matière de guerre biologique…
Addendum du 12 mars 2024, notre article du 10 mars 2022: Ces labos de recherche "bactériologique" dont les USA ont nié l'existence pendant deux semaines
De quoi donner du grain à moudre pour des siècles à tout conspirationniste prenant au sérieux la culture de sa paranoïa.
Mise à jour du 9 mars 2022: l’article de Glenn Greenwald paru postérieurement au nôtre.
Qu’en fut il de l’Europe? Des sources indépendantes et concordantes confirment que l’Allemagne et la France étaient au courant de la planification du coup d’État et que leurs services de renseignements extérieurs y auraient prêté main forte.
En 2014 du côté allemand, Angela Merkel était chancelière, Frank-Walter Steinmeier aux affaires étrangères et Ursula von der Leyen (tenez donc !) à la défense. En France, François Hollande était président, Laurent Fabius aux affaires étrangères et Jean-Yves Le Drian à la défense. Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée, fut vraisemblablement mis dans la confidence, difficile d’imaginer le contraire. Veuillez également noter que les mêmes sont responsables de l’énorme fiasco syrien.
Il serait de bon aloi que François Hollande arrête de sermonner les Français et de les appeler à se passer de gaz russe, ce qui plongerait le pays dans une profonde et durable crise économique. Le prix de l’incurie de François Hollande, la France, l’Ukraine et l’Europe n’ont pas fini de le payer. On a vu les résultats calamiteux de sa politique de changement de régime en Syrie, et on sait ce que cela nous a coûté sur le territoire français.
Les dirigeants européens connaissaient les manœuvres américaines. Dans une autre interception d’une conversation (à écouter dans son intégralité ici) datant de début mars 2014 entre Catherine Ashton, haute représentante à la politique de sécurité et de défense commune et le ministre estonien des affaires étrangères Urmas Paet, ce dernier affirme que ce n’est pas le président Iaonoukovitch qui a fait ouvrir le feu sur la foule mais des leaders de mouvements d’extrême droite proches de Maidan.
Depuis ce coup d’État qui déboucha sur la guerre civile dans le Donbass et l’annexion de la Crimée, l’Ukraine est instrumentalisé pour provoquer la Russie, qui ne s’est jamais retenue de riposter. Ayant déversé des milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, les Américains, comme à leur habitude, ont été incapables de contenir ces provocations à un niveau sub-critique.
En 2019, on a mis à la tête de l’Etat ukrainien Volodomyr Zelensky qui, à peine “élu” sur un programme de paix, s’est empressé d’intensifier les opérations ukrainiennes dans le Donbass, histoire de justifier et de pérenniser l’aide militaire anglo-saxonne. Histoire également de forcer par le chantage au grand méchant ours russe la porte d’une Otan et d’une UE qui ne veulent pas de l’Ukraine. Ce chantage a été activement encouragé par l’administration Biden et les néoconservateurs qui ambitionnent de réaliser en Europe ce qu’ils ont échoué à faire au Moyen-Orient, à savoir remodeler le continent à leur guise.
Volodomyr Zelensky, tout aussi responsable de ce qui arrive à l’Ukraine et aux Ukrainiens que Vladimir Poutine, appelle ouvertement à la troisième guerre mondiale. Michael Tracey le montre implacablement.
Parle à mon Colt, ma tête est malade
Nul besoin d’être grand clerc pour deviner l’inéluctable dénouement : l’Ukraine sera neutralisée.
Depuis quinze ans, la Russie répète inlassablement que la sur-militarisation de l’Ukraine et son entrée dans l’Otan constituent pour elle une menace existentielle, de celle pour laquelle l’on rentre en guerre.
Le Kremlin vient d’ailleurs d’annoncer qu’il est prêt à ordonner un cessez-le-feu si l‘Ukraine reconnaît la souveraineté russe sur la Crimée, l’indépendance du Donbass et adopte un statut neutre dans sa Constitution.
Tous ces savants analystes qui ont péroré sur les plateaux de télévision de reconstitution de l’Union soviétique, d’impérialisme russe et de changement de régime n’ont rien compris aux buts de guerre de Vladimir Poutine, forcément limités puisqu’on ne conquiert ni ne contrôle un pays de 600 000 km² avec 120 000 hommes. A titre de comparaison, l’effectif total de l’armée française en Algérie hors gendarmerie en 1962 était de 938 000 hommes.
La Russie a déjà gagné cette guerre car l’Ukraine ne constitue ni pour les USA ni pour l’Union européenne un enjeu existentiel, de celui pour lequel on est prêt à se battre et à mourir. L’Occident a déjà perdu cette guerre en 2014 par son refus de garantir les frontières de l’Ukraine en laissant la Russie annexer la Crimée. Et Zelensky a dû officiellement en convenir.
[A lire également: Guerre à l'envers, défaite totale de l'Occident]
Ainsi donc, et c’est un drame, l’Ukraine sera neutralisé par les bombes.
Pourquoi s’engager à livrer 450 millions d’euros d’armes pour nourrir une guerre déjà perdue, alors que l’on sait que cela ne va qu’accentuer l’intensité du conflit et donc le nombre de victimes ?
Parce que les dirigeants occidentaux, Emmanuel Macron en tête ne possèdent aucune vision stratégique et prennent des décisions sur la base d’une perception virtuelle de la réalité. Comme avec la Covid durant laquelle ils ont suivi aveuglément les recommandations de l’industrie pharmaceutique et de McKinsey, ils suivent le prêt-à-penser américain dans l’affaire ukrainienne. Sans réfléchir aux conséquences de leurs décisions, qui ne sont qu’expédients et poses. Mettez cela en perspective avec le premier liminaire et vous saisirez l’abyssale incompétence dont il est question.
Les absurdes et contre-productives sanctions économiques en réponse à un problème politique sont du même acabit. Les conséquences de la transformation d’une crise régionale en crise globale par le biais de l’économie ont achevé de dynamiter le peu de confiance que le reste du monde plaçait en l’Occident. Quel banquier central sera assez fou pour constituer des réserves en dollar et en euro qui a tout instant pourront lui être confisquées ?
[A écouter également: On n'a jamais résolu un problème politique avec des sanctions économiques]
Aucune évaluation sérieuse de l’impact des sanctions n’a été effectuée. Personne ne s’est par exemple posé la question des conséquences de l’exclusion des banques russes de Swift sur le marché des produits dérivés de grès à grès (options, swaps, futures) qui régissent la majeur partie du commerce mondial de matières premières. Personne ne sait aujourd’hui quel est le montant et la nature des produits dérivés détenu par les banques russes. On ne sait donc pas prévoir l’effet que cela va avoir sur les règlements garantis par les banques émettrices de ces produits, qui de ce fait sont incapables de prévoir la couverture nécessaire pour faire face à d’éventuels défaut de paiement que nous avons organisés. Le risque systémique du système bancaire occidental a été multiplié de manière exponentielle…
Venons en aux armes (enfin !)
Armer des civils comme le fait le gouvernement ukrainien est toujours une très mauvaise idée puisqu’ils deviennent des combattants irréguliers sans aucune valeur combative, dans les faits des boucliers humains, des cadavres instantanés en puissance.
La décision de livrer ces 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine a été prise dans l’urgence sous la pression des Américains et d’un Emmanuel Macron soucieux de démontrer “quoi qu’il en coûte” que sa poudre de perlimpinpin qu’est la souveraineté européenne existe bel et bien.
A moins que…
Hillary Clinton ambitionne t-elle de rejouer l’Afghanistan de la guerre froide en plein cœur du continent européen? En oubliant que la même insurrection bien moins nombreuse, bien moins équipée et bien moins financée a tenu en échec pendant vingt ans l’armée américaine et l’Otan. Leur défaite est encore plus cuisante puisqu’elle s’est terminée par un retrait qui avait tout d’une débandade. A un coût de 200 millions de dollars par jour pendant vingt ans, ça fait cher la débandade. Le contribuable américain appréciera.
Quatre cent cinquante millions d’euros, c’est une aubaine à la fois pour les armées européennes qui vont pouvoir se débarrasser de leur surplus d’armes légères à bon prix et pour les industries de défense qui vont pouvoir renouveler les stocks avec du matériel dernier cri.
La fabrication et le commerce d’équipement et de matériel de guerre relèvent du principe général de la prohibition au sein de l’UE. Tout personne morale ou physique opérant dans ce secteur doit être détenteur d’une autorisation délivrée par l’Etat.
Les exportations d’armes sont soumises à un régime très strict encadré par le Traité sur le commerce des armes de 2016 auxquels tous les Etats membres de l’UE sont parties. Les exportateurs doivent disposer de licences et l’importateur doit produire un certificat d’utilisateur final et de non réexportation.
A Bruxelles, sous la présidente française de l’UE, on n’a rien trouvé de mieux que de faire financer les armes à destination de l’Ukraine par la Facilité européenne pour la paix (FEP). Vous apprécierez l’ironie.
La Facilité pour la paix est en jargon eurocratique un instrument hors budget de l’UE. C’est un fond auquel abondent les Etats membres au prorata de leur PIB, qui n’est pas inscrit au budget de l’UE et qui a pour vocation de financer tout ce qui a trait à l’assistance militaire et de défense. Hors budget car cela ne fait pas partie des compétences de l’UE. Preuve s’il en est que la défense européenne est un aussi doux mirage que la souveraineté européenne.
Ce n’est donc pas l’UE qui va financer les 450 millions d’armes, mais les Etats membres. Ce n’est pas l’UE qui va acheter et livrer les armes, mais les Etats membres. La communication officielle est mensongère.
Nous avons interrogé le Service européen pour l’action extérieure qui nous a confirmé la chose par écrit en ces termes:
“L’Union finance la livraison d’armes à l’Ukraine par les États membres de l’UE.”
Quant à la manière dont cela est organisé, le SEAE poursuit toujours par écrit :
“La Facilité européenne pour la paix remboursera le matériel de guerre éligible acheté et livré par les Etats membres.
Le comité de la FEP , composé de tous les Etats membres, déterminera la liste des matériels éligibles au titre de cette assistance. Une cellule de compensation a été établie au sein de l’Etat major militaire de l’UE pour suivre les demandes et besoins ukrainiens ainsi que nos offres. Cette cellule de compensation assistera le comité de la FEP dans l’évaluation des demandes de remboursement.”
Les États membres de l’UE ont créé une bourse aux armes, une bourse au surplus militaire. Une sorte de pétrole contre nourriture, usine à gaz onusienne imposée à l’Irak après la seconde guerre du Golfe, mais appliqué aux armes et au sang des Ukrainiens et des Russes.
Avec des possibilités de fraude et de magouille innombrables, comme par exemple vendre des armes de surplus à une entreprise commerciale puis les lui racheter plus cher pour livraison à l’Ukraine, en se faisant rembourser par la FEP. Tout ce qui affère à la défense n’étant pas soumis aux règles de la commande publique et souvent couvert par le secret, la marge ainsi dégagée, c’est 100% de velours…
On nous taxera d’avoir l’esprit mal tourné mais nous ne pouvons nous empêcher de voir dans ce système absurde la patte de la présidence française, prête à tout dans un contexte électoral national pour pouvoir arguer que la souveraineté et la défense européenne sont une réalité que l’on doit à la vision et à la détermination d’Emmanuel Macron. Raté.
Il aurait été bien plus simple et plus efficace de créer hors institutions européennes une cellule rassemblant tous les services de renseignement et d’organiser des livraisons d’armes clandestines. D’autant que pour les 27 pays de l’EU, 450 millions d’euros, c’est de la petite monnaie.
Autre problème de taille, rien n’est à notre connaissance prévu quant au contrôle des armes livrées en Ukraine. Le SEAE n’a pas répondu à nos questions, pourtant précises, sur ce point critique. Le ministère des armées non plus.
L’Ukraine est un pays miné par la corruption d’où opèrent des groupes criminels transnationaux aussi puissants que violents. Ils ont infiltré depuis belle lurette l’économie licite et disposent de gros moyens logistiques et de la capacité de noircir comme blanchir de l’argent par le truchement de banques locales, détenues par des oligarques de leurs amis.
Les guerres de l’ex-Yougoslavie sont encore aujourd’hui la source de la prolifération d’armes de guerre dans les milieux criminels européens. Imaginez donc dans un ou deux ans des équipes de braqueurs cognant des transports de fond avec des Panzerfaust 3 tout droit sortis des arsenaux de la Bundeswehr, l’armée allemande…
Imaginez ce flot d’armes redirigé à grand profit vers d’autres zone de conflits, Soudan du Sud, bande sahélienne etc.
Imaginez des jihadistes mettant la main sur des MANPAD, des missiles anti-aériens portables, des FIM-92 Stinger comme les 1500 qu’affirment avoir livrés l’Allemagne et les Pays-Bas. Ce n’est pas du tout un scénario fantaisiste, l’Ukraine étant une base de repli de nombreux jihadistes, du Caucase et d’ailleurs. Le thread - pardon, le déroulé - de Mohamed Louizi ci-dessous fait froid dans le dos.
Venons-en maintenant au clou du spectacle : la livraison d’avions de combat à l’Ukraine. Les pilotes ukrainiens ne savent pas piloter les appareils occidentaux ni opérer leurs systèmes d’armes. Faire la transformation vers un nouvel appareil et de nouveaux systèmes demande au bas mot une année d’entrainement à plein temps. Il se trouve que les armées de l’air européennes sont très mal pourvues en appareil de conception soviétique. La Pologne, la Bulgarie et la Slovaquie disposent de Mig-29 et de Sukhoi 25 de plus de 40 ans, qui sont en cours de remplacement.
Les Américains, à qui on doit cette brillante idée, leur proposent des rabais sur les F35, F18 hornets et autres F16 en sus du prix de vente des vieux tagazous facturés à la Facilité européenne pour la paix.
Après la bourse aux armes, la brocante aux avions de chasse ! Reste à savoir si les appareils concernés feront le poids face à des appareils russes de conception et d’armement bien plus récents. Face à la défense anti-aérienne russe, ils n’ont aucune chance.
Et l’armée de l’air ukrainienne annonce avec fierté que ces appareils lui seront livrés et mèneront leurs missions de combat avec des pilotes ukrainiens … à partir de bases situées en Pologne. Ce qui serait un acte de guerre de l’Otan contre la Russie.
La Pologne et la Bulgarie ont sagement et fermement refusé.
La journaliste de BFMTV qui fut la risée de la France entière pour avoir demandé comment ces avions allaient être livrés et se vit répondre “un avion, ça vole”, ne posait pas une question idiote. Dès que ces avions pénétreront l’espace aérien ukrainien, ils seront traqués par les radars russes et abattus dès qu’à portée.
La livraison des armes au sol sera également très compliquée, même si les frontières polonaises et roumaines avec l’Ukraine restent ouvertes. La Hongrie pour sa part a refusé que des armes transitent par son territoire.
La Russie dispose de moyens satellite et de services de renseignement redoutables (qui ont infiltré l’équipe de négociation ukrainienne). Les frontières et les mouvements sur les bases militaires de l’Otan sont surveillées comme le lait sur le feu. Dès qu’un chargement partira, il sera suivi et détruit, ou encore mieux, intercepté à fin d’opération de communication.
D’après des sources indépendantes et concordantes, les armes “livrées” à l’Ukraine le sont sur des bases de l’Otan en Pologne, les Ukrainiens devant se débrouiller (avec l’aide de certains services occidentaux) pour les acheminer jusqu’aux zones de combats. Pour le moment, les armes “livrées” s’empileraient à l’abri des regards dans des hangars et ne parviendraient à l’armée ukrainienne qu’au compte-goutte.
La guerre, la vraie, n’est pas une affaire de communication et de propagande. Ou de joli plan élaboré par des technocrates dans les bureaux feutrés du rond-point Schumann à Bruxelles.
L’hystérie est la règle en Occident en matière de gestion de crise. Les dirigeants européens se sont avérés incapables de garder la tête froide et de résister aux pressions des Etats-Unis qui n’agissent que dans leurs intérêts. C’est la gestion de la Covid mais avec des morts plus violentes.
La décision de livrer pour 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine expose que le château de cartes qu’est l’Union européenne s’est effondré sous le souffle de ceux-là mêmes qui ambitionnent d’y rajouter des étages. L' Europe puissance d’Emmanuel Macron est un fantasme d’adolescent prépubère jouant à faire un discours au Forum de Davos devant la glace de sa salle de bain piquetée du pus des boutons qu’il vient de percer.
Usant de subterfuges communicationnels pour se donner un rôle que ne le lui confèrent pas les traités, l’Union européenne compte créer des précédents et des situations de fait tels que l’on n’aura d’autre choix que de les consigner en droit européen. Comportement aussi déloyal que schizophrénique d’institutions hors de contrôle faisant fi des peuples.
Jeu extrêmement dangereux au vu de la crise économique que vont provoquer les sanctions que nous seuls Européens paieront. Outre un choc énergétique plus violent que le choc pétrolier de 1973, cette crise pourra aller jusqu’à l’explosion de la zone euro du fait de l’explosion des taux d’intérêts et la désintermédiation causée entre autres par l’exclusion des banques russes de Swift. Nous risquons fort de nous retrouver face à une situation du même type que celle de 2007-2008. Non pas parce que les banques russes n’ont pas les moyens de faire face à leurs engagements (comme ce fut le cas avec Lehman Brothers et AIG) mais parce qu’on leur a retiré le moyen de le faire.
L’Union européenne vient d’amorcer la bombe thermonucléaire sur laquelle elle est assise alors qu’elle ne dispose pas des codes de désactivation.
Sur l'ancienne base d'études bactériologiques, au lieu de l'utiliser pour renvoyer les adversaires dos-à-dos, l'auteur aurait dû signaler par honnêteté intellectuelle que :
- les USA ont construit plus d'une dizaines de bases d'études, de manipulations et gains de fonction, en Ukraine;
" Biopreparat a été dissous après la chute du régime communiste.
La Defense Threat Reduction Agency (« agence de réduction des menaces ») du département de la Défense des États-Unis, a mené une expédition au printemps-été 2002 pour neutraliser ce qui restait de stocks et autres secrets de Biopreparat.
Pour le reste, très bon résumé des tenants et aboutissants, qui montre qu'il y a un ennemi permanent de la Russie, comme de l'UE : les USA