Diffamation tous azimuts et procédures bâillon
Dans les Alpes, les enquêtes judiciaires s'enchaînent. Les procédures intentées envers les auteurs de L'Eclaireur pour diffamation aussi.
Un référé, procédure d’urgence, qui dure autant, c’est du jamais vu. Celui intenté par Eric Piolle contre Pascal Clérotte pour son podcast ci-dessous, est allé de renvoi en renvoi à la demande de son avocat neuf mois durant. Comme pour coller à l’autre agenda judiciaire d’Eric Piolle, pénal celui-là. Le procès en appel interjeté par le parquet général de Grenoble, sera intéressant.
Présent à toutes les audiences (au moins une demi-journée de travail “perdue” à chaque fois) depuis avril dernier, Pascal Clérotte n’a finalement pas été autorisé à se défendre lui-même alors que l’assignation ne spécifiait pas en toutes lettres que la représentation par avocat était obligatoire.
Dans un pays “normal”, l’assignation aurait très vraisemblablement été annulée et l’avocat d’Eric Piolle promptement renvoyé à ses écritures. Mais la France n’est pas un pays normal. A croire qu’un acte qui est à l’origine d’une procédure, qui est l’acte introductif d’instance, peut être rédigé en dépit du droit et de ce qu’il impose. Pas grave. Aucune conséquence. On continue quand même. Et on change les règles en cours de procès, ces règles qui ont été explicitées dans l’assignation !
Parce que la logique qui prévaut dans notre pays est la suivante : si une assignation dit que vous pouvez vous défendre seul alors que la loi, elle, dit que vous devez être représenté par un avocat, l’assignation est nulle, donc l’ensemble de la procédure est nulle.
Mais pour faire valoir la nullité de l’assignation et de la procédure qui vous dit que vous n’avez pas besoin d’un avocat il faut … un avocat ! Et si vous vous présentez avec un avocat au tribunal, on jugera que vous étiez au fait de l’obligation de représentation par avocat, et on poursuivra le procès... Et les avocats facturent… Et la justice congestionne… C’est la maison qui rend fou des Douze travaux d’Astérix.
Pascal Clérotte a choisi de ne pas se présenter au délibéré de ce jour. Il y a des limites à tout, même à la politesse et au civisme. Il verra une fois le jugement lui ayant été signifié s’il choisit de faire appel, d’encombrer encore plus la justice pour se défendre d’une procédure-bâillon.
Petit conseil à Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux : pour désengorger les tribunaux civils, donnez aux juges l’office de la forme. Cela permettra d’instaurer un tri. Seules les procédures correctement rédigées prospéreront. Simple, non ?
Patricia Cerinsek, la directrice de la publication de L’Eclaireur, a elle été convoquée le 17 novembre à la brigade de gendarmerie de Saint-Jean de Maurienne en Savoie. La raison ? Une plainte en diffamation pour un article qu’elle a rédigé sur la station d’Albiez, petite commune gérée d’une manière pour le moins exotique - sans doute un effet du réchauffement climatique. Tellement exotique qu’une enquête préliminaire été ouverte par le parquet d’Albertville.
Plus de trois heures d’audition surréaliste réalisée par deux gendarmes qui n’en pouvaient pas mais, mais qui avaient vraisemblablement reçu des ordres et qui se relayaient procédant également l’audition d’un “savoisien” hurlant “vive la Savoie libre” à tout bout de champ dans la pièce d’à côté. Ces gendarmes furent d’une courtoisie exemplaire et d’un professionnalisme parfait, il nous faut l’écrire.
Surprise, les gendarmes se sont attachés à “vérifier les faits”, c’est à dire poser des questions sur le fond, ce qui est contraire à la procédure puisque dans les affaires de diffamation, l’exception de vérité ne se présente qu’au juge, parce que l’enquête est le procès. Les gendarmes ne peuvent que s’attacher à la forme, c’est à dire demander confirmation que la personne convoquée est bien l’auteur des propos, et si elle n’a rien à ajouter.
Autre surprise, les demandes adressées à la journaliste auteur de l’article d’en dire plus sur ses sources (certaines confidentielles le sont donc restées), et de prouver a minima qu’elle a bien respecté le contradictoire. Et pire, des questions d’ordre personnel qui n’ont rien à voir avec la plainte, comme les sources de ses revenus.
Nous, à notre tour, nous nous posons des questions. La journaliste aurait-elle fait l’objet d’une opération de filet dérivant, par laquelle on aurait essayé d’obtenir des informations pour alimenter des enquêtes en cours ? Ou bien encore plus grossièrement d’une opération de renseignement et de fichage ? Pour un peu, on finirait “complotiste”…
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