La justice se re-saisit de l'affaire de la fête des Tuiles (première partie)
Le procureur général de Grenoble qui a fait des atteintes à la probité une priorité a interjeté appel de la relaxe. Sous fond d'une justice financière de plus en plus contrôlée.
Le dossier de la Fête des tuiles, cette affaire dans laquelle le maire de Grenoble est soupçonné d’avoir favorisé une association qui a fait campagne pour lui en 2014, en lui attribuant en 2015 et 2016 deux marchés publics sans mise en concurrence, n’est donc pas finie.
De la relaxe générale des sept prévenus dans ce dossier, prononcée le 25 octobre par le tribunal judiciaire de Valence, nous ne nous sommes pas fait l’écho. Non que la décision nous embarrasse 1. Peu importe l’issue de ce dossier, tant qu’il est traité équitablement et correctement. Ce dont nous doutions à l’issue des deux jours d’audience.
« Le procureur de Caigny assure et assume la continuité du travail du parquet de Valence, y compris quand il est aussi lacunaire que bâclé. Nul ne saurait le lui reprocher », écrivions-nous le 28 septembre. « Il faut même au contraire nous en (et le) féliciter. Nous ne sommes pas dans une série télé judiciaire américaine. Le rôle du procureur la République est, plus que d’obtenir condamnation, d’abord de bien poursuivre. Quand les éléments issus de l’enquête dont il dispose lui semblent insuffisants pour obtenir condamnation, la sagesse lui commande de ne pas requérir de peine ».
La volonté de boucler l’affaire, dans un tribunal qui il est vrai croule au propre comme au figuré sous les dossiers, avait visiblement également commandé au nouveau procureur de ne pas demander de complément d’information.
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La relaxe coulait donc presque de source. Prononcée (oralement, lors du délibéré), elle a été amplement relayée dans les médias. Mais peu voire personne n’a pris la peine de préciser que la décision pouvait être frappée d’appel. Peu se sont étonnés que le tribunal rende sa décision sans l’avoir motivée.
Ces motivations, on a dû attendre quinze jours pour que, transmises aux parties, on puisse en disposer. Et donc en parler. Justice en manque de moyens ? Vraisemblablement aussi que la décision du procureur général de Grenoble – le supérieur hiérarchique du procureur de Valence – de faire appel de la relaxe, a dû s’immiscer dans cette faille spatio-temporelle.
Car le jugement que nous nous sommes procurés ne fait pas mystère des lacunes, pour ne pas dire des trous béants dans la raquette qui jalonnent l’enquête et des dérapages manifestes balayés sous le tapis.
Ainsi, le premier marché de conception de la fête des Tuiles, en 2014, qui fait pourtant figure de rampe de lancement pour l’association organisatrice Fusées, a-t-il été écarté. Malgré les remarques de la chambre régionale des comptes (CRC), initiatrice du signalement au parquet et derrière, du déclenchement de la procédure judiciaire. Dans leur rapport, les magistrats financiers soulignaient que “l’association avait été rémunérée pour concevoir la journée des Tuiles qu’elle avait elle-même ensuite mis en œuvre, ce qui était contraire aux règles des marchés publics”.
Ecartée également la question du recrutement par la mairie de Grenoble de quatre personnes de Fusées pour la mise en place de la fête des Tuiles, dont la compagne du directeur de l’association, prévenu à l’audience. La CRC elle, y voyait un “transfert à la mairie de la charge des salaires qui aurait dû normalement peser sur l’association”. Ecartée également la question du recrutement d’une cinquième personne “par un jury dont l’association Fusées faisait partie”.
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Sans parler de la cohorte d’absents. Gilles Rousselot, “pourtant directement impliqué dans le projet de la fête des Tuiles et signataire du document préparatoire et ayant déposé un projet concurrent”, n’a ainsi pas été entendu, souligne le tribunal dans sa décision. Pas entendue et encore moins poursuivie l’association Afrik’impact, alors que récipiendaire de marchés octroyés et dans les mêmes conditions que ceux dont a bénéficié Fusées.
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