Disclose et la carte d'immunité; L'hôpital façon start-up nation; Al Sissi et les pharaons; L'éco par Bruno Le Maire; La démocratie selon Matthieu Slama
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Affaire Disclose : les journalistes ne sont pas au dessus des lois
Une carte de presse n'est pas une cape d'immunité.
Ce n'est pas l'Etat qui a perquisitionné et placé en garde à vue la journaliste de Disclose Arianne Lavrilleux mais la justice, puisque la perquisition a été ordonnée par et effectuée en présence d'une juge d'instruction, qui a estimé de telles mesures coercitives nécessaires aux besoins de l'enquête. La présidente de Disclose, Magali Serre, va devoir rapprendre le métier. Quant au Média, le titre de sa vidéo est mensonger et son contenu farfelu (les articles d'Arianne Lavrilleux ne traitaient pas de ventes d'armes).
Nous sommes, il faut le constater, en face de journalistes qui ne savent pas travailler avec des informations sensibles et qui sont persuadés qu'une carte de presse constitue une cape d'immunité. Et qui font n'importe quoi, qui sont dangereux pour leurs sources et pour eux-mêmes. Si publier un PV d'audition devant un juge d'instruction est un délit très rarement réprimé, le secret de la défense nationale est une toute autre affaire.
Nous avons déjà dans un édito rappelé un certain nombre de choses. Nous allons être là encore plus précis.
C'est la transmission ou la possession sans habilitation de documents classés qui constitue le délit de violation du secret de la défense nationale. Si un journaliste écoute une source lui relater des informations classées, alors la source commet un délit, pas le journaliste.
Quand une source propose des documents estampillés secret ou très secret (anciennement confidentiel défense et secret défense), on ne les accepte pas, surtout si transmis sous forme électronique. On demande à la source de décrire oralement lors d'un rendez-vous leur contenu de manière suffisamment précise pour pouvoir (a) vérifier la véracité des faits auprès d'autres sources et (b) faire son enquête d'environnement pour déterminer si des fois on ne se serait pas par hasard victime d'une manipulation (de services étrangers, de groupes militants comme par ex. les frères musulmans, etc.).
Si l'on reçoit par la Poste de tels documents de manière anonyme sans les avoir sollicités, on les consulte, on prend des notes et on les détuit le plus rapidement possible. Si l'on reçoit de tels documents de manière anonyme par voie électronique, on les consulte, on les retourne le plus rapidement possible en précisant qu'il y erreur de destinataire et on prend ses dispositions pour, dans la mesure du possible, protéger l'indélicat envoyeur.
En revanche, quand on déraisonne assez pour publier non seulement des extraits de documents classifiés visiblement obtenus sous forme électronique mais également un long entretien avec la source, les risques de finir en garde à vue et d'être perquisitionné sont grands. Parce qu'alors vont planer sur le journaliste des soupçons de complicité suffisamment forts pour justifier de jure des mesures coercitives.
Remarquez que ce ne sont pas les locaux de Disclose qui ont fait l'objet de la perquisition mais le domicile d'Arianne Lavrieux. Veuillez noter que sa garde à vue est intervenue près de deux ans après la publication de son "enquête", ce qui signifie que l'Etat a commencé par déterminer l'origine des fuites de son côté et possède du biscuit. Et a apparamment bouché au moins un trou (a ramené au moins un petit chat à la maison, comme on dit dans les services) puisqu'un ancien militaire a été mis en examen pour détournement et divulgation du secret de la défense nationale.
Les déboires judiciaires de la journaliste de Disclose ont été causés par elle-même et par ses supérieurs, directeur de la publication et rédacteur en chef, qui ne lui ont pas donné les bonnes directions. Venir maintenant pleurer à la liberté de la presse et au secret des sources est puéril. Un journaliste ne peut commettre ou être complice de délits au nom de la liberté d'informer. On en viendrait presque à croire que Disclose recherche les gardes à vue pour récolter des dons.
L'hôpital façon start-up nation
Pour aider les soignants, le ministre mise sur des robots.
Attention, révolution à venir dans le monde de la santé. Ce n'est pas nous qui le disons mais les services d'Aurélien Rousseau. L'hôpital s'apprête (enfin, pas avant 2025) à accueillir Miroka et Miroki, des robots humanoïdes, développés par la société EnchantedTools. L'hôpital façon start-up nation quoi.
"On ne va pas remplacer 'humain sur les tâches pour lesquelles l'humain a de la valeur ajoutée. Par contre aller récupérer le panier qu'on a oublié, les plateaux-repas, c'est ces tâches-là qu'on veut faire avec le robot", explique une ingénieur de la société dans un tweet. En gros, on va donc déléguer le boulot des ASH, les agents de service hospitalier, à une machine. Cela ne vous rappelle rien ? L'automatisation des caisses des supermarchés, non ?
Le robot serait donc la solution miracle. Que l'on enlève un peu plus d'humanité à l'hôpital est un détail. Que l'on supprime un peu plus d'emplois aussi. En 2019, un rapport de l'OCDE soulignait que la robotisation devrait faire disparaître plus de 16 % des emplois en France d’ici à vingt ans
Qu'à cela ne tienne, l'idée à en croire l'annonce sur X, est d'en équiper chaque hôpital. Et au moins 500. A 30 000 euros pièce, faites les comptes. Mais d'autres pays vont déjà plus loin. Au Japon, des robots se chargent des soins infirmiers ou d'assister les personnes âgées quand en Bavière, des chercheurs spécialisés en "gériatronique" misent sur un humanoïde pour diagnostiquer et soigner. Sûrement au nom de la pénurie (que l'on ne parvient pas à pallier à coups de mesurettes) et de la pénibilité.
Le maréchal Al Sisi impopulaire ?
Uniquement chez les frères musulmans. Et à Washington. Et à Berlin aussi. Donc à Bruxelles.
Les Américains – pardon Barack Obama, Hillary Clinton et les néoconservateurs – ont mis les frères musulmans au pouvoir après les Printemps arabes qu'ils ont organisés. Leur projet consistait d'ailleurs à mettre des frères musulmans au pouvoir dans tous les pays arabes à l'exception du Golfe. Manière de poser la première pierre d'une "standardisation" de la région sur la base d'une même idéologie permettant à terme une intégration sur le modèle de l'UE. Les Allemands, alliés traditonnels de la confrérie, furent ravis.
Imaginez donc combien les Saoudiens, les Emiratis, les Jordaniens (pays dont la cour suprême a interdit les frères musulmans) et l'Iran ont apprécié. C'est là la source de la recomposition qui survient depuis l'élection de Biden (et donc du retour au pouvoir des néocons) et dont le moteur est la volonté partagée par tous de mettre dehors les USA au point de voir l'Arabie Saoudite et l'Iran se réconcilier, de voir la guerre entre chiites et sunnites doucement s'évanouir. Avec l'aide de la Chine et de la Russie, qui n'ont ni visée impériale ni mission civilisatrice, contrairement à ce qu'on peut lire dans la grande presse occidentale.
L'armée et une partie de la population égytptienne ont chassé les frères musulmans. Leur leader, Mohammed Morsi, est décédé en prison.
La grande majorité des Egyptiens ont bien d'autres problèmes à régler – comme par exemple mettre du pain sur table – que de se préoccuper d'une élection effectivement sans enjeux. Sans compter que l'armée reste, comme dans de nombreux pays de la région, l'institution la plus forte du pays dont elle contrôle une part importante de l'économie. Elle est garante de la stabilité dans une Egypte ravagée économiquement par le contrecoup des sanctions occidentales contre la Russie.
-Papa, j'ai faim !
-Tiens mon enfant, reprend un peu de "démocratie".
Le maréchal Al Sisi n'est pas un grand démocrate. Il est néanmoins pas pire que les Ikhwani, a un bien meilleur bilan et se situe dans la pleine lignée de Nasser, Saddat et Moubarak. Laissons donc les Egyptiens décider en Egypte, sans interférer. Arrêtons d'essayer d'imposer à coups d'injonctions et de sanctions nos principes qui n'ont pas cours dans cette société.
(Curieux écho à l'affaire Discole, vous ne trouvez pas ? )
RER métropolitains : chronique d'un déraillement annoncé
Le deux pas en avant-trois pas en arrière d'Emmanuel Macron laisse les projets de RER sur une voie de garage.
On ne sait ce qui doit le plus choquer : l'annonce par Emmanuel Macron à l'issue du Conseil de planification écologique de 700 millions d'euros alloués par l'Etat pour financer 13 RER métropolitains. Ou la surprise matinée de naïveté des élus qui ont cru à leur RER ou feint d'y croire.
L'Eclaireur vous en parlait longuement en décembre dernier. L'article est à lire ici. De ces RER aussi hypothétiques que politiques dont on voyait à peine le début d'un commencement, si ce n'est quelques annonces sans aucun engagement financier, chacun attendant de l'autre, et notamment de l'Etat, qu'il dise combien il va mettre à la poche.
Avec 700 millions d'euros, Emmanuel Macron vient clairement de faire comprendre qu'il se moquait éperdument, après le fret, des RER. Bref du ferroviaire. En juillet dernier, le conseil d'orientation des infrastructures (COI) estimait, pour 14 projets de RER, le montant des investissements entre 15 et 20 milliards d'euros. Léger ? A Lyon, le RER est estimé à 7 milliards d'euros. Celui de Grenoble à 1 milliard. Chiffres de 2019 qu'il faudra revoir vraisemblablement à la hausse.
A Grenoble, les élus qui voient dans cette annonce une "plaisanterie de mauvais goût", ont fait leurs calculs. Sept cent millions d'euros, cela porte la contribution de l'Etat à 53 millions d'euros en moyenne par projet. Le coût des études en gros.
"A titre de comparaison, 700 millions d'euros, c’est le montant évalué pour doubler les voies entre Moirans et Grenoble et ainsi stopper les nombreux retards auxquels font face les usagers des liaisons ferroviaires entre Grenoble, Lyon, Paris, les Alpes du Nord et du Sud, Valence et le sud de la France", soulignent dans un communiqué commun la Métropole de Grenoble, le syndicat des mobilités et les intercommunalités concernées, Grésivaudan et Voironnais. "Vingt pour cent environ des trains qui y circulent sont en retard. Ces dernières années, on comptabilise plus de 10 trains supprimés chaque semaine sur cette section".
En décembre dernier, L'Eclaireur mettait sa main à couper que les RER métropolitains, éléphants blancs en devenir, allaient finir sur une voie de garage. Prêts à venir rejoindre sur la liste des projets avortés, comme celui de tram-train au nord de Grenoble qui visait déjà (ou encore) à désengorger l’agglomération. On y est. La planification (sic) écologique (re-sic) d'Emmanuel Macron.
Prends ça Poutine !
Baisser les taxes sur l'essence en France enrichirait le président russe.
Bruno Le Maire nous explique pourquoi faire baisser les taxes sur l'essence afin de compenser la hausse des prix du pétrole est une mauvaise chose, pourquoi c'est une triple aberration.
C'est une aberration écologique car c'est financer le fossile. Même si c'est vrai, c'est pas gentil pour Gérard Larcher. Et si ce n'était que lutter contre l'inflation et améliorer le pouvoir d'achat de tous les Français en réduisant le coût d'une dépense contrainte et d'une énergie dont les transports en premier chef de marchandises ne peuvent se passer ? Le prix de l'électricité payé par les ménages et les entreprises françaises est au bas mot 300% supérieur à ce qu'il devrait être parce qu'il est indexé sur le prix du gaz, une énergie fossile. Le consommateur paie cher, le contribuable paiera encore plus cher les inepties de M. Le Maire.
C'est une aberration budgétaire car cela creuserait la dette de l'Etat. Bruno Le Maire l'a plombé de 600 milliards d'euros avant la flambée des prix du pétrole due aux sanctions contre la Russie ! Depuis le début de l'année 2023, rajoutez 200 milliards. Le prix des carburants est constitué de plus de 60% de taxes. C'est pourtant simple : c'est l'Etat qui doit maigrir, lui qui dépense un pognon de dingue en cabinets de conseils inutiles, en dépenses somptuaires telles les JO, dans un absurdistan bureaucratique qui n'a pas son pareil au monde.
C'est une abérration géopolitique car l'argent tombe directement dans les poches de Vladimir Poutine. Les achats français de pétrole russe sont donc réglés sur le compte en banque personnel du président russe. Mais dites, le pétrole russe n'est pas sous embargo dans l'Union européenne et les banques russes exclues de Swift ? Par quelle opération du Saint-Esprit l'argent pourrait tomber dans les poches de Poutine? A moins bien sûr de lui faire livrer des palettes d'euros par A380 cargo, bien sûr. Ah flûte, ça non plus, pas possible: les appareils européens n'ont pas le droit d'utiliser l'espace aérien russe. Par porte-container via la mer Noire, impossible aussi ? Bon, par téléportation alors. Comment ? C'est Elon musk qui a le brevet ?
La démocratie est un problème démocratique
C'est ce qu'écrit Matthieu Slama.
Matthieu Slama, chroniqueur, écrivain et enseignant en communication au Celsa, fils d'Alain-Gérard Slama, historien et journaliste au Figaro (et président de la Fondation de l'École normale supérieure, vice-président du groupe des personnalités qualifiées au Conseil économique, social et environnemental, membre du Conseil d'analyse de la société auprès du Premier ministre, membre du Comité consultatif national d'éthique, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, membre du conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique, membre du jury du prix Alexis-de-Tocqueville. Il a aussi été membre du RPR et du conseil d'orientation de l'Institut Montaigne) et de Catherine Royer, éditrice, affirme que les deux principes fondamentaux de la démocratie depuis la Grèce antique – un citoyen une voix; la majorité gouverne et la minorité s'oppose – est un problème démocratique, parce que des électeurs âgés ne votent pas comme lui le souhaite.
La citoyenneté serait dégressive avec l'âge. Moins on est jeune, moins notre bulletin de vote aurait de poids. Tous ces vieux inutiles, qui touchent des retraites depuis l'âge de 62 ans. Mais attention, la retraite à 64 ans ne passera pas !
Il nous faut reconnaître que les prises de position de Matthieu Slama sur les libertés individuelles durant la Covid étaient aussi justes que courageuses. Etre de gauche signifie-t-il avoir en permanence aux lèvres des injonctions contradictoires ?
Ce que Matthieu Slama oublie de dire est que le premier parti chez les jeunes actifs n'est pas la France insoumise mais le Rassemblement national. On comptera les bouses après la foire des élections européennes l'année prochaine. Plus de jeunes, vraiment ? Plus de jeunes ça veut aussi dire plus d'enfants par femme. C'est sexiste. C'est mauvais pour le climat. C'est mal.
Matthieu Slama est un spécialiste de l'inversion accusatoire, lui qui en 2016 fut l'auteur d'un livre intitulé La Guerre des mondes, réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident (Fallois). Nous ne voudrions pas être déplaisants mais nous avons aujourd'hui moult preuves – et elles continuent à s'ammonceler, l'acclamation du Waffen SS ukrainien au parlement canadien étant la dernière en date – que depuis le début du millénnaire, c'est l'Occident qui est parti en croisade idéologique contre la Russie et Vladimir Poutine.