[ Données personnelles ] Un député demande à Ursula von der Leyen de revoir l'accord avec les Etats-Unis
Philippe Latombe réclame que soit revu le "Data Privacy Framework" alors que les Etats-Unis ont renforcé les pouvoirs des agences de renseignement, permettant une surveillance quasi-généralisée.
L’Union européenne s’apprête-t-elle à livrer aux services de renseignement américains les données personnelles des Européens sur un plateau ? Après de longues négociations, l’accord transatlantique, le Data Privacy Framework, qui fixe le cadre réglementaire et juridique du transfert des données des Européens vers les Etats-Unis, avait été validé par la Commission européenne. C’était en juillet dernier.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, considérait que les États-Unis garantissaient “un niveau de protection adéquat – comparable à celui de l'Union européenne”.
Aujourd’hui, rien n’est moins sûr. Le 19 avril, les Etats-Unis ont en effet prolongé de deux ans et surtout renforcé le Foreign Intelligence Service Act (la loi Fisa), et sa section 702. Laquelle permet désormais une surveillance quasi généralisée des entreprises de par le monde par les services de renseignement américain. Qu’on se rappelle l’affaire Snowden, celles des écoutes d’Angela Merkel ou François Hollande…
Pour le député Philippe Latombe (MoDem), spécialiste des questions numériques, membre de la Cnil et de la commission des lois, le peu de niveau de protection potentiellement garanti par la Commission européenne a volé en éclat. Le parlementaire n’était déjà pas foncièrement convaincu quant au caractère réciproque du Data Privacy Framework avant que la loi Fisa ne soit renforcée.
Il avait en septembre dernier saisi le tribunal de l’Union européenne 1 (premier instance de la Cour de justice de l’Union européenne) pour, à l’instar des deux précédents accords, le Safe Harbor puis le Privacy Shield (invalidés respectivement en 2015 et 2020, ce sont les arrêts Schrems) faire échec à l’entente entre l’UE et les Etats-Unis, se disant réservé quant à la conformité de cet accord avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Mais pas seulement. Car la décision de la Commission européenne avait été prise en quasi huis-clos, souligne le député. Sans prendre en compte les critiques du parlement européen et sans véritable débat sur le sujet, dans l’UE comme en France où la question, éminemment stratégique – L’Eclaireur y reviendra dans un entretien à suivre avec Philippe Latombe – ne semble pas beaucoup interpeller la classe politique.
Avec le renforcement de la loi Fisa, les Etats-Unis plantent-ils le dernier clou dans le cercueil de la protection des données des Européens, ouvrant la voie à un pillage approuvé qui plus est par l’UE ? Le 19 avril, Joe Biden, qui a aussitôt promulgué la loi votée par le Congrès, a en tout cas étendu le nombre d’entreprises qui doivent désormais coopérer avec le renseignement américain.
“Seront désormais concernés les centres de données et les entreprises qui ont simplement accès à des équipements de communication dans leur espace physique, ce qui constitue un objet on ne peut plus large et de ce fait particulièrement préoccupant”, souligne le député dans un courrier adressé à Ursula von de Leyen et au terme duquel il demande que soit réévalué, voire dénoncé, le Data Privacy Framework 2.
“De nombreux Américains se sont émus de cette atteinte à leurs droits fondamentaux, notamment à travers la possibilité pour les agences américaines de procéder à l’écoute de leurs communications, dès l’instant qu’ils sont en relation avec des non-Américains eux-mêmes mis sur écoute. Les Européens et ceux qui les gouvernent feraient bien d’être en proie aux mêmes inquiétudes”.
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Le tribunal a rejeté le recours en référé, estimant qu’il n’y avait pas urgence à statuer sur le fond. La justice doit désormais se prononcer au fond.
Réexamen potentiellement renvoyé après le 9 juin, avec la prochaine Commission qui décidera quelles actions proposées au Conseil et au Parlement européen, nous ont fait savoir les services de la Commission européenne (article mis à jour le 25 avril 2024).