[ Edito ] Ménager le chouchen et le mezzé
Le psychodrame du JDD ayant fini, comme prévu, en pet dans l'eau du bain, les grandes manœuvres médiatiques pour la présidentielle de 2027 ont commencé.
Marc Endeweld fait éhontément la promotion du travail d’une consœur. Marc Endeweld est sans aucun doute le meilleur gastro-antéro de “la place de Paris”, qui ausculte les ballonnements du ventre de la capitale depuis plus d’une quinzaine d’années. Il n’a plus besoin de stéthoscope pour savoir si ça va péter, où ça va péter et quand ça va péter. Ecoutons-le et lisons le papier de Nathalie Segaunes dans Le Monde. Cela contribuera à planter le décor.
Médias et politique sont indissociables. Truisme nous direz-vous. Surtout en France où historiquement une carrière politique ne s’est jamais conçue sans journal. Voyez Jean Jaurès et L’Humanité. Ou bien de manière moins reluisante, Pierre Laval avec Radio Lyon, Le Lyon républicain, La Sarthe, l'Écho républicain de l'Ouest, Le Régional de l'Ouest, Le Petit Var et Le Petit Niçois.
Il n’y a jamais eu en France de presse comme contre-pouvoir per se1. La “collusion” entre les médias et les politiciens chez nous n’a jamais existé et n’existe toujours pas, puisque c’est la même chose. Contrairement à ce qui a cours dans les pays anglo-saxons, même si les USA semblent ces vingt dernières années, oublieux de Tocqueville, s’être inspirés des mauvaises manières de l’Hexagone.
Les grandes manœuvres médiatiques pour 2027 et la succession de “Zupiter” ont commencé. Pour essayer d’y voir un peu clair et afin de détecter les flatulences parisiennes qui finiront par emboucaner l’atmosphère, posons deux axiomes :
“La liberté de la presse est bien réelle. Il suffit d’avoir les milliards pour” comme l’a dit si malicieusement Alfred Sauvy, et;
“Le centrisme, c’est le vichyisme de temps paix” - aphorisme que nous devons à ce vieux et très malin brigand d’Alexandre Sanguinetti.
Il faut être borgne des deux yeux pour ne pas voir que le “en même temps” et le phagocytage qui en a résulté de la gauche et de la droite dites “de gouvernement” - comme si elles seules étaient destinées à gouverner en dépit du verdict des urnes qui ne saurait que porter qu’elles au pouvoir quand elles ne sont pas les supplétives de l’extrême-centre - laissent une équation simple, qui d’un crissement de craie s’inscrit aisément ainsi au tableau noir. Sortez vos cahiers, et notez :
[En même temps]*[Absence totale de résultat] + [Situation insurrectionnelle]*[Crise économique carabinée] + [Recul inacceptable des libertés]*[Perversion totale des institutions] + [Peuple français constamment injurié et méprisé]* [Jet ski et Brigitte en bikini] = trou noir.
Equation qui peut se simplifier en : Macron + Kohler = la tête la Toto.
Emmanuel Macron est plus que vacuité. C’est un trou noir - Henri Hermand n’est plus là pour nous en parler. Ce n’est pas une force qui agglomère mais qui désintègre. Il n’est ni centripète ni centrifuge. Il n’enrichit rien - juste quelques uns. Il est le néant qui n’appelle que le néant, stérile.
La nature ayant horreur du vide et n’étant, elle, pas stérile, on voit l’électorat irriguer les platebandes politiques à l’extrême-gauche et à l’extrême-droite, quand il ne fait pas le choix de l’abstention. Attention, l’adjectif extrême ne décrit que la position sur le spectre politique. Important d’arrêter de déraisonner en qualifiant d’extrême idéologiquement LFI ou le RN. Tout comme il est crucial de cesser de parler “d’arc républicain”, qui se décrit tout le long de l’hémicycle, à l’exclusion d’aucun.
Nous ne parlerons pas des écologistes qui vont lancer un nouveau mouvement, “Les écologistes” (c’est original), lors de leur prochain congrès. Brice Lalonde doit se retourner dans sa tombe. Comment ça, il n’est pas mort?
Si les écologistes sont également ni de droite ni de gauche, il faut leur reconnaître plus de substance que Macron. Les écologistes sont des bourgeois calvinistes 2.0 - et on sait comment cela s’est fini la première fois. Outre poser des équations sur un tableau, la craie peut avoir d’autres usages, plus sinistres...
Le problème des pouvoirs en place - certains parleront d’Etat profond - est le vide abyssal qu’a créé Emmanuel Macron, qu’ils doivent impérativement combler. Or, pour combler le vide, rien de plus simple et peu cher que le vent. L’air est gratuit. D’où les médias.
Il va s’agir comme en 2017 et en 2022 de voler le premier tour de la présidentielle aux Français afin de s’assurer que le candidat des pouvoirs en place se retrouve en face d’un adversaire qualifié d’extrême - gauche ou droite, peu importe - tout en optimisant l’abstention parce qu’elle pose a posteriori l’insoluble problème de la légitimité, qui fait défaut à Emmanuel Macron et au parlement depuis 2017. Tout le monde a compris que l’option de modifier la Constitution pour permettre au locataire de l’Elysée de briguer un troisième mandat signifierait, si ce n’est la Révolution, de graves troubles civils.
Problème de taille : le vide laissé par Emmanuel Macron et le rejet de l’extrême-centre par l’électorat a pris de telles proportions qu’il va falloir occuper les platebandes quatre ans durant, dans une situation explosive du fait du dégoût des Français pour leur classe politico-médiatique, de la gestion calamiteuse de Macron, du ressentiment causé par le traitement de la Covid, de la réforme des retraites, des mensonges et du “pognon de dingue” de la guerre en Ukraine et de la crise économique carabinée dont sont responsables les leaders européens.
Le galop d’essai, celui qui permettra de compter les troupes dans chaque camp ? Les élections sénatoriales et européennes de 2024. La calamiteuse inversion du calendrier électoral voulu par feu MM. Chirac et Jospin - comment ça, Lionel Jospin n’est pas mort ? - le veut ainsi, et fut conçue pour.
La fébrilité au sein des états-majors de gauche et de la Macronie laisserait-elle présager une large victoire de la droite, surtout du Rassemblement National, une dynamique qui touche l’ensemble des pays européens ? Un parlement européen majoritairement souverainiste voire anti-européen, ça risque d’être amusant. N’oubliez pas que les élections européennes se font à la proportionnelle. Leurs résultats donnent une image fidèle de la composition de l’électorat s’étant rendu aux urnes.
Du côté de la presse d’Arnault, de Dassaut, de Niel, de Drahi, de Kretinski, de Pigasse et al. rien de nouveau. C’est le “mainstream”. Ils sont lus, écoutés et regardés par habitude par une portion de plus en plus congrue des Français. Leur fonction est de poser le fond de l’air et le décor. Ils ont perdu beaucoup de crédibilité après l’épisode délétère de la Covid et leur traitement de la guerre en Ukraine. On ne peut mentir impunément au public dans la durée.
Pas étonnant qu’après la reprise en main du JDD - hebdomadaire qui était la Pravda de la macronie donc en état de mort cérébrale - par Vincent Bolloré, nous voyons un autre oligarque, Rodolphe Saadé, très proche de Macron, lancer un canard concurrent sur la base certes très saine de La Tribune, un bon journal. En revanche, Bruno Jeudy pour diriger La Tribune Dimanche est un choix qui ne laisse aucun doute : pensée unique, parisianisme, bien-pensance. Autant dire que le coût astronomique de la création d’un nouvel hebdomadaire national est tel que cette aventure ne répond pas à des objectifs économiques et financiers. Il faut rajouter que les amis libanais d’Emmanuel Macron commencent à en agacer plus d’un, à juste raison.
En tout état de cause, le JDD et la Tribune Dimanche sont les deux outils qui vont permettre de faire battre ces fameuses plate-bandes en donnant l’impression d’une concurrence et l’illusion du pluralisme. Les pouvoirs en place vont être dans l’obligation de ménager le Breton et l’Oriental, le chouchen et le mezzé.
Ils n'ont pas encore choisi leur candidat mais, ayant écarté les petites frappes comme Gabriel Attal, ils nous montrent aujourd’hui Bouvard et Pécuchet, Edouard Philippe et Gérald Darmanin. Ce dernier vient d’être adoubé par Nicolas Sarkozy, dans ce qu’on nous présente soit comme le dernier clou dans le cercueil des Républicains, soit comme une attaque en règle contre Macron, alors que d’autres continuent à brailler à l’extrémisme.
On va amuser la galerie quatre ans durant en redéfinissant quotidiennement “extrémisme” pour que ce mot colle bien aux autres candidats putatifs - au hasard Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon - qui auraient une chance de perturber l’affiche du second tour en éliminant le candidat des pouvoirs en place au premier. Préparez-vous à quatre ans de faux débats qui vont osciller entre immigration dont la politique est décidée à Bruxelles, réformes “impératives” nocives pour le pays décidées à Bruxelles, et insécurité/criminalité contre lesquelles rien ne sera fait mais qui seront montées en épingle - le tout avec “‘souveraineté” à toutes les sauces. Bref, du vent. Des théories d’exhortations sur ce que les Français doivent faire afin que rien ne change à Paris et à Bruxelles.
Il n’est cependant pas dit que la manipulation fonctionne, tant l’exaspération de l’écrasante majorité des Français est grande, et tant la stratégie de la tension utilisée depuis 2017 par la Macronie ne génère plus la peur nécessaire pour maîtriser les tensions ainsi créées. Les gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites et les émeutes les plus violentes que le pays a connu depuis la Libération ne sont peut-être que des prodromes.
Mise à jour le 26/08/2022
Cela ne regarde en rien l’inepte, non élue Commission européenne. Qu’elle aille donc se pencher sur Spinger ou Bertelsman, qu’on rigole!
Les journalistes du JDD ont refusé de travailler avec le directeur de la rédaction nommé par la présidente de la SASU propriétaire du JDD. Ces journalistes, des employés comme les autres puisque la loi française stipule qu’un journaliste, qu’il soit permanent ou pigiste ne peut être qu’un employé, n’avaient d’autre choix que de partir. Par ailleurs, il n’est pas établi que ces journalistes ont été licenciés. Ils bénéficient de la clause de conscience qui leur permet de démissionner tout en touchant indémnités et chômage. Et s’il s’agir de ruptures conventionnelles, pas de licenciement.
Encore un coup de la Macronie et de Thierry Breton, encore une basse manoeuvre politique sous couvert de droit de la concurrence, qui montre la sainte terreur des eurocrates et “des élites”, qui commencent à comprendre que c’est terminé pour eux.
En soi, dans l’absolu.