[ Edito ] Nordstream, TwitterFiles : ce que cela nous dit de l'état de notre démocratie
Scandales à répétition. Et silence des mass medias. Cela dit long sur la diversité des expressions et opinions en France. Et sur le rapport au réel qu'entretient la presse.
Les révélations de Seymour Hersh sur le sabotage de Nordstream nous montrent beaucoup. Sur l’affaire elle-même – dire qu’elle est explosive est un pléonasme – mais aussi sur l’état de notre démocratie et des institutions censées la servir.
Comme dans la presse anglo-saxonne, la démonstration que le sabotage des gazoducs Nordstream 1 & 2 a été réalisée par les Américains dans une opération préparée bien en amont de l’invasion russe de l’Ukraine, n’a en France guère fait les grands titres des mass médias. Même pas les petits titres. Défiance vis à vis de son auteur, pourtant le plus grand journaliste d’investigation au monde, immédiatement taxé de complotisme.
Impossible de vérifier ce qu’avance Syemour Hersh ? On rit de voir les mêmes s’offusquer de révélations basées sur une seule et unique source… Berstein et Woodward, durant leur enquête sur le Watergate, n’ont jamais bénéficié que d’une source principale, “Deep Throat” (gorge profonde), dont ils avaient promis de taire l’identité jusqu’à son décès. Décès qui survint en 2008. Deep Throat était Mark Felt, n°2 du FBI. Felt a dans les faits dirigé leur enquête en leur pointant où regarder.
On rit de voir les mêmes éviter soigneusement de mentionner le nom de Seymour Hersh et le ravaler au rang de “journaliste indépendant”, eux qui trois ans durant ont colporté de fausses informations sur l’efficacité des vaccins anti-covid, informations qui n’avaient qu’une seule source : les laboratoires pharmaceutiques.
Les faits révélés par Seymour Hersh sont si précis que sa source est forcément une personne occupant un très haut poste dans le renseignement ou au Pentagone. Voire à la Maison Blanche.
Comme si de telles informations, hypersensibles puisque mettant à jour une opération noire exécutée contre des pays alliés avec l’aide d’au moins deux pays membres de l’Otan sans avoir briefé les parlementaires idoines comme le prévoit la loi, pouvaient être transmises par plusieurs canaux. Comme si une poignée de sources, parfois tournant en boucle et se relayant les unes les autres (c’est une hypothèse à ne jamais écarter quand on “investigue” en journalisme) était plus crédibles qu’une seule, une des règles étant alors de s’assurer du sérieux de sa source et que les faits qu’elle avance sont avérés.
Impossible qu’un journaliste comme Seymour Hersh, dont la stature est équivalente à celle d’Albert Londres, n’ait pas pris ces précautions élémentaires. Et c’est la stature de cet immense journaliste qui est elle-même garante de la véracité de ce qu’il rapporte. Et puisque cette stature le rend inattaquable, alors on ne le nomme pas, on tait son nom. Pour amoindrir la portée et la diffusion de son travail. Hersh dispose vraisemblablement de plus de matériel, de plus de sources. La publication de son enquête ne fait que commencer.
Bref, personne n’en sait pas plus – pire, personne ne cherche à en savoir plus – alors qu’il s’agit du scoop du siècle, qui pourrait mener à l’explosion de l’Otan et de l’UE.
Il est en revanche de bon ton de critiquer l’auteur (en reprenant sa fiche Wikipédia revue et maintes fois corrigée dans un but de discrédit depuis le 8 février). En France, parmi les “gros” médias, seuls Marianne et La Tribune ont relayé, avec des pincettes et moult précautions, laissant la place et le champ libre à la presse “indépendante”.
Cette presse indépendante qui, parfois, compte plus de lecteurs, d’auditeurs ou de spectateurs que les mainstream, et qui verse dans le complotisme. C’est Olivier Véran qui l’a déclaré lors de la présentation des “Etats généraux du droit à l’information”. Alors que seule la liberté d’informer existe, qu’elle est à portée constitutionnelle et qu’elle peut être exercée par tout citoyen. Journaliste n’est pas une profession réglementée.
Cela nous en dit tellement sur la diversité d’expression et des opinions dans nos médias. Cela en dit tellement sur un pays qui laisse de moins en moins de place aux autres paroles, celles qui ne sont pas officielles. Dit autrement, on peut parler de censure préalable.
Cela illustre la décomposition/recomposition d’un paysage informationnel qui ne se limite plus aux seuls médias malgré tous les dispositifs mis en place (loi anti fake-news entre autres) pour tenter de bunkeriser la place, l’espace, la profession et surtout le marché.
L’occultation d’informations critiques au public est quasi-systématique quand c’est l’Etat qui l’exige. La couverture de la gestion de la crise sanitaire en a été un criant exemple. Mais ce n’est rien à côté des Twitter Files qui, sortis de quelques filets insipides en décembre dans la presse française, ne trouvent aucun écho dans l’Hexagone.
Aux Etats-Unis, on est en plein dedans. Et le moins que l’on puisse dire est que cela secoue. On est loin, très loin, des débats feutrés, voire à huis-clos menés en France – rappelez-vous l’enquête parlementaire sur les effets indésirables des vaccins confiée à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique. Ou des danses de salon parisien que sont les commissions d’enquêtes parlementaires.
Quatre anciens cadres dirigeants de Twitter risquent de très lourdes peines de prison pour avoir, à la demande du FBI et d’autre agences gouvernementales, censuré l’enquête du New York Post et suspendu le compte du plus vieux quotidien du pays (créé en 1801 par Alexander Hamilton, l’un des pères fondateurs du pays). Enquête portant sur le contenu de l’ordinateur portable d’Hunter Biden à un mois de l’élection présidentielle. Enquête qui montrait la petite entreprise de trafic d’influence opérée par la famille Biden depuis des décennies.