[ Flash ] De la séparation des pouvoirs vue de la Maurienne
La justice annule plusieurs gros projets de construction en montagne en Maurienne ? Les élus en appellent au préfet et menacent de rendre leur écharpe.
En Maurienne, la justice a annulé le schéma de cohérence territoriale (Scot). Le Scot du pays de Maurienne, c’est ce document cadre qui avait pour objet de prévoir la création de plusieurs gros projets d’aménagement – dont la liaison téléportée entre la station de ski d’Albiez et celle des Karellis dont L’Eclaireur a déjà parlé – et de 22 800 lits nouveaux à l'horizon 2030 ainsi qu'une extension des domaines skiables sur des sites vierges. Un document sans lequel les communes ne peuvent construire comme bon leur semble.
Absence de solution de substitution raisonnable ou de justification des choix faits, insuffisance de l’évaluation environnementale “de nature à exercer une influence sur la décision contestée”, souligne le tribunal dans son jugement.
“Le document d'orientation et d'objectifs fixe à 11 567 la réhabilitation des lits touristiques, sans accompagner cette réhabilitation de quelconque mesure, planification ou incitation et de création de 22 800 nouveaux lits touristiques sans entourer ces créations d’aucune garantie de préservation des espaces non urbanisés ou de maintien de ces lits en lits chauds”, enfonce le juge administratif.
Pour le tribunal, les irrégularités sont nombreuses. Sur les dix unités touristiques nouvelles (UTN, procédure pour la réalisation des plus importants projets touristiques en montagne) prévues dans le Scot, six ont été jugées tout simplement illégales. Sans parler des tensions sur la ressource en eau, qui avait d’ailleurs résulté en le commissaire enquêteur conditionnant son avis favorable au Scot à la suppression de la liaison Albiez/Karellis.
Un de nos lecteurs a fait le calcul de tout ce qui retomberait (ou pas) dans une vallée entièrement tournée vers le ski. En partant de 22 800 lits, sur la base de 10 m2 par lit et de 7 000 euros le m2, on arrive à un marché de bétonnage estimé à 1,6 milliard d’euros.
Bref, en Maurienne, le Scot retoqué par la justice après le recours d’associations 1 doit être entièrement repris. Tollé du côté de ses concepteurs. On s’attendait donc à ce que le syndicat du Pays de Maurienne interjette appel de la décision.
Et bien non. Pas pour l’instant tout du moins. Les maires et élus en rogne ont décidé, le 30 juin, d’aller manifester sous les fenêtres du sous-préfet de Saint-Jean-de-Maurienne en menaçant de rendre leur écharpe.
Sans rentrer dans le détail de savoir s’il fallait retoquer le Scot dans sa totalité ou seulement son volet touristique, on voit tranquillement s’insinuer dans les esprits l’idée que l’on puisse s’essuyer les pieds le plus tranquillement du monde et sans la moindre gêne désormais sur des décisions de justice et sur la séparation des pouvoirs, principe fondamental à valeur constitutionnelle. Une broutille.
France Nature Environnement (FNE) Auvergne-Rhône-Alpes, FNE Savoie, Mountain Wilderness et Valloire Avenir et Nature.