[ Flash ] La protection dysfonctionnelle d'Eric Piolle
Eric Piolle affirme qu'il n'a pas perdu le procès qu'il a intenté à Pascal Clérotte pour lequel... il a été condamné aux dépens. Et c'est la commune de Grenoble, donc les Grenoblois, qui va payer ?
Nicolas Pinel, conseiller municipal d’opposition, a interrogé lundi 30 janvier (voir la vidéo ci-dessous) Eric Piolle, maire de Grenoble, quant à l’issue du référé conservatoire qu’il a intenté contre Pascal Clérotte suite à la publication du podcast et de l’article ci-après.
Extrait du conseil municipal de la ville de Grenoble du 29 janvier 2022.
Eric Piolle ment.
Eric Piolle, maire de Grenoble, s’estimant diffamé par un article et un podcast publié dans L’Eclaireur - La lettre confidentielle des Alpes, où étaient analysées deux affaires – celle de la fête des Tuiles et celle du rachat du siège du Crédit agricole Sud Rhône-Alpes - exigeait du juge des référés de prononcer la suppression de certains passages de l’article et du podcast, la condamnation de son auteur Pascal Clérotte pour diffamation civile à une indemnité provisionnelle de 3 000 euros, aux entiers dépens et à une astreinte de 100 euros par jour ainsi qu’à 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus du remboursement des frais de constat d’huissier se montant à 450 euros.
Difficile de ne pas y voir une procédure bâillon synchronisée avec le calendrier de l’affaire pénale en première instance visant Eric Piolle. Un tir de barrage afin de faire supprimer une analyse qui, fondée sur des faits indéniables, n’a rien de diffamatoire, tout en croyant dissuader d’autres médias de s’y pencher. Une manœuvre qui n’a pas été couronnée de succès : Eric Piolle a été débouté de son recours en référé – dans un silence médiatique général – et le parquet général de Grenoble a fait appel du verdict de relaxe prononcé par le tribunal correctionnel de Valence.
A lire : La justice se re-saisit de l'affaire de la fête des Tuiles (première partie)
La procédure pénale pour la fête des Tuiles est donc repartie pour un tour de piste. Si Eric Piolle est condamné en appel - par exemple à une amende assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité (on se rappelle que les maires de Fontaine et Sassenage y ont été condamnés pour bien moins) – alors c’est terminé. Cette peine sera définitive, immédiatement applicable et ne sera pas suspendue le temps d’un éventuel pourvoi en cassation. Eric Piolle ne sera plus maire de Grenoble.
Bref, le référé conservatoire intenté par Eric Piolle est une excellente étude de cas de tout ce qu’il ne faut pas faire, que l’avocat d’Eric Piolle, Me Thomas Fourrey, devrait partager avec ses étudiants en master de journalisme à l’Université Lyon 2, à qui il enseigne le droit de la presse.
On notera en aparté que le conseil d’Eric Piolle a une conception assez étroite et orientée des affaires qu’il traite. Sur son site, à la rubrique Actualités, on trouve l’article du Dauphiné libéré relatant la relaxe générale. Mais rien concernant l’appel de cette décision qui a suivi. Oubli ? Nulle trace non plus du recours en référé, perdu , dont il est question dans cet article.
Eric Piolle a été débouté de l’ensemble de ses demandes par le juge des référés et a été condamné aux dépens, c’est à dire à payer l’ensemble des frais de procédure et de justice, y compris ceux de Pascal Clérotte. Celui qui est condamné aux dépens dans une procédure civile est toujours celui qui perd le procès. Eric Piolle ment quand il affirme que personne n’a perdu.
Autre point d’achoppement très problématique, puisqu’il s’agit de l’utilisation des deniers publics : Eric Piolle affirme que les dépens auxquels il a été condamné suite au référé qu’il a intenté sans succès seront pris en charge par la commune de Grenoble, tout comme ses frais d’avocat.
Il n’existe à notre connaissance aucune délibération du conseil municipal de la commune de Grenoble ni aucun rendu acte accordant à son maire, Eric Piolle, la protection fonctionnelle pour attaquer en référé Pascal Clérotte afin d’obtenir la suppression de la majeure partie d’un article et d’un podcast. Pas plus qu’il n’existe de délibération l’autorisant à ester contre Pascal Clérotte au nom de la commune de Grenoble.
L’article L2123-34 du code général des collectivités territoriales stipule que : “La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions.”
Le Conseil d’Etat a lui considéré dans ses décisions 391798 et 391800 qu’une commune ne peut accorder la protection fonctionnelle à son maire lorsque celui-ci a commis une faute personnelle détachable. Il explicite les trois types de faits qui constituent une telle faute : les faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, les faits qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques et les faits qui revêtent une particulière gravité.
Le référé suspension intenté par Eric Piolle, procédure civile, ne répond-elle pas à de strictes préoccupations d’ordre privé quand seul l’auteur de l’article était assigné en justice (et non la directrice de publication, responsable pénale et civile de premier rang et seule à même de procéder à la suppression des passages incriminés) ?
En tout état cause, la protection fonctionnelle doit faire l’objet d’un rendu acte au conseil municipal, procédure par procédure, bénéficiaire par bénéficiaire. Le référé lancé par Eric Piolle est une procédure distincte de sa défense devant les juridictions pénales des faits de favoritisme qui lui sont reprochés. La protection fonctionnelle qui lui a été accordée à cet effet ne saurait s’appliquer au référé qu’il a seul choisi d’intenter contre Pascal Clérotte.
Enfin, Eric Piolle ayant lancé cette procédure en février 2022, produire un rendu acte un an après afin de faire prendre en charges dépens et frais d’avocats ne pourra se justifier, juridiquement comme politiquement.
Par conséquent, il appartient à Eric Piolle de régler de sa propre poche les dépens auxquels il a été condamné ainsi que ses frais d’avocats - à moins de vouloir rajouter à un procès pénal pour favoritisme un second pour avoir un peu confondu fonds publics et défense de ses intérêts privés (et d’y embarquer au passage son avocat, Me Thomas Fourrey, pour recel)…
La note risque d’être salée pour le maire de Grenoble. 450 euros de constat de commissaire de justice (huissier), honoraires de l’avocat postulant (postulation et deux présences), ceux de l’avocat plaidant (rédaction de l’assignation, écritures en réponse, 3 demi-journées de présence au tribunal judiciaire de Grenoble). Au bas mot 5 000 euros.
Mais Eric Piolle peut remercier Pascal Clérotte, qui, conscient dès le début du caractère abusif et téméraire de la procédure, a fait le choix de ne pas prendre d’avocat, pas plus qu’il n’a demandé de dommages et intérêts. Ce qui allège la facture qui devra être réglée par le maire de Grenoble sur ses propres deniers…