[ Flash ] L'Ukraine, chasse-gardée d'Emmanuel Macron ?
Nicolas Dupont-Aignan et Alain Houpert mais aussi les anciens ministres Jean-Pierre Chevènement et Hubert Védrine appellent le parlement à se saisir de la guerre en Ukraine. Silence de mort.
Tout le monde a entendu parler de l’accord bilatéral signé avec force tambours et trompettes entre la France et l’Ukraine et dans lequel figurent des dispositions comme la fourniture d'une assistance pour le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays, la dissuasion “active” face à toute agression russe ou le soutien à l’intégration de l’Ukraine au sein des institutions européennes et atlantistes. Paris (ou plutôt Emmanuel Macron) s’est engagé à donner 3 milliards d’euros supplémentaires à Kiev en 2024.
En 2022, cette aide s’est montée à 1,7 milliard d’euros. En 2023, ce fut 2,1 milliards d’euros. Sans compter la facilité pour la paix européenne (pas des fonds européens mais issus des budgets nationaux, hors budget de l’UE) le mécanisme de financement géré par le Conseil européen et destiné à assurer les livraisons d’armes à l’Ukraine, et dont le plafond a été régulièrement relevé pour atteindre 12 milliards d’euros en juin 2023.
Lire également notre analyse du 8 mars 2022 (déjà): [ Analyse ] Ukraine : le dangereux carrousel d'armes européen
Passons outre le fait qu’à la lecture du document, l’aspect bilatéral de l’accord, son caractère réciproque, et encore plus contraignant, échappe quelque peu. Si la France s’active tous azimuts, l’Ukraine devra, est-il écrit, s’efforcer simplement de “poursuivre son ambitieux programme de réformes, en particulier dans le cadre de son processus d'adhésion à l'Union européenne”. Ce qui finalement l’intéresse au premier chef, la France bien moins.
Cet accord bilatéral, et la promesse des 3 milliards d’euros donc, tout le monde en a entendu parler. Et peu importe qu’à ce jour, rien n’a été dit sur son financement alors que “dans le même temps” Bruno Le Maire a annoncé 10 milliards d’euros de coupes budgétaires. Ce dont on a en revanche moins entendu parler, ce sont des rares voix qui s’élèvent pour contester non pas tant le fond de l’accord mais la méthode.
Le 21 février, le sénateur Alain Houpert (Les Républicains) et le député Nicolas Dupont-Aignant (Debout la France) ont annoncé saisir le Conseil d’Etat en référé (en urgence) pour réclamer que la ratification de l’accord soit soumis au parlement, ce en vertu de l’article 53 de la Constitution.
“Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi”, stipule cet article.
Ce dont dispose le parlement, c’est donc du pouvoir d'autoriser ou de refuser la ratification et de décider seul de la dépense publique. Mais reste à savoir, au vu de l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat notamment, si l’accord bilatéral signé avec l’Ukraine “engage” les finances de l’Etat… Difficile de croire qu’il ne s’agit pas là d’une “obligation financière effective, précise, nouvelle et certaine”, distincte des dépenses de fonctionnement des ministères concernés et donc pas prévue au budget, imposant qu’elle soit soumise au vote du parlement…
Bref, cela ressemble d’autant plus fort à un court-circuitage en règle de la représentation nationale – que l’on n’entend guère, tous en vacances ? – qu’entre la crise Covid, la réforme des retraites, le vote du budget, la loi sur les dérives sectaires, à coups de 49.3 ou de re-votes, il y a quelques précédents.
Les deux parlementaires ne sont pas les seuls à lever une voix que l’on n’entend guère dans les médias, mainstream et indépendants compris (tous en vacances également ?) Dans une tribune publiée sur son blog et co-signée avec l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, Jean-Pierre Chevènement, l’ancien ministre de la défense qui, opposé à la guerre en Irak, avait claqué la porte en 1991 – mais qui décoré par Vladimir Poutine, est forcément suspect d’amitiés orientées – réclame un débat de fond. Bref que le parlement soit saisi.
Il n’y en va pas seulement de l’accord bilatéral. Qu’on se rappelle le discours d’Emmanuel Macron à la communauté de défense en Suède s’agissant de la protection de l’UE. “Nos intérêts vitaux, ce que nous définissons comme nos intérêts vitaux sont en partie, quintessentiellement européens, ce qui nous confère une responsabilité particulière en ce qui concerne ce que nous possédons et notre capacité de dissuasion pour dire les choses clairement”, avait tonné le chef de l’Etat.
L’Eclaireur vous en parlait là : [ Edito ] IVe Reich et Vichy 2.0
S’agit-il de mettre la dissuasion nucléaire française au service de l'Europe ? Ou, dit autrement, d’européiser la dissuasion ? L’extension de la dissuasion par-delà le territoire national, mérite débat, soulignent les deux anciens ministres. Notons que ce non-sens stratégique est également une argutie juridique. Mettre la dissuasion nucléaire française au service d’autres pays que la France est une infraction au traité de non-prolifération.
“C’est affaire de démocratie, mais c’est également une question de responsabilité pour que l’Europe puisse affronter en bon ordre des échéances qui seront difficiles. De tout cela, chacun doit prendre conscience faute de risquer d’être entraînés dans un avenir proche dans un engrenage que nous ne maîtriserons pas”, concluent Jean-Pierre Chevènement et Hubert Védrine.
Il est temps qu'enfin une ou deux voix se réveillent pour demander que Macron respecte quand même la Constitution. Heureusement que nous sommes dans une démocratie et que nous avons Macron au pouvoir! Que serai-ce si nous avions le RN? Mais je continue à me demander ce à quoi les autres élus (et les journalistes si prompts à dénoncer l'autoritarisme des autres) jouent! A regarder des photos du chien d'Attal?