Grenoble, ville laboratoire ... du dévoiement de la protection fonctionnelle
Eric Piolle fait prendre en charge par le contribuable ses frais de justice et de défense dans ses procès de la Fête des tuiles, qu'il a tous perdus. Et fait manifestement des émules ...
Les épisodes successifs seraient anecdotiques et prêteraient au mieux à sourire s’il ne s’agissait pas d’argent public. A Grenoble, ville laboratoire dont ses “expérimentations” l’ont souvent conduit devant les tribunaux pour s’y faire condamner, on a une approche de la protection fonctionnelle pour le moins originale.
Les élus locaux bénéficient d'un régime de protection qui s'apparente à la protection fonctionnelle des agents publics. Cette protection fonctionnelle peut être demandée par le maire ou des élus dans le cadre de leur délégation. Cette protection fonctionnelle ne vaut que s’il ne s’agit pas d’une faute personnelle détachable du service ou des fonctions. Il s’agit concrètement de faire prendre en charge par la collectivité, et donc le contribuable, les frais de justice et de défense, mais pas la condamnation, personnalité des peines oblige.
C’est ainsi qu’à Grenoble, le maire a demandé et obtenu du conseil municipal la protection fonctionnelle et donc la prise en charge des frais de justice et de défense pour les deux procès, en première instance puis en appel, de la Fête des tuiles. Procès qui se sont traduits par la condamnation d’Eric Piolle pour favoritisme et une forme de déni, puisque considérant qu’il n’y avait pas atteinte à sa probité (sic) 1, celui-ci a fait savoir qu’il ne démissionnerait pas contrairement à ses engagements de campagne en 2013. L’Eclaireur vous en avait parlé là.
A l’heure qu’il est, on ne sait toujours pas combien cela a coûté au contribuable grenoblois, le montant des frais – que l’on estime à 15 ou 20 000 euros – n’ayant jamais été rendu public. On rappelle que l’on parle d’argent public.
Eric Piolle peut-il invoquer et se voir octroyer la protection fonctionnelle dans ce cas précis ? Rien n’est moins sûr. Dans une décision de 2012 qui fait jurisprudence, la Cour de cassation estime que le favoritisme est une faute personnelle, donc détachable du mandat et de la fonction politique. Bref une faute excluant la protection fonctionnelle. Et qu’octroyer la protection fonctionnelle pour un cas de favoritisme peut constituer, pour ceux qui l’accordent et en bénéficient, un délit de détournement de fonds publics, et ce sur le fondement de l’article 432-15 du code pénal.
C’est du reste sur ces bases qu’une élue de l’opposition, Brigitte Boer, et son conseil Me Aldeguer ont saisi le tribunal administratif. L’affaire est dans l’attente d’être audiencée.
Ce premier épisode pas complètement clos n’a pas empêché le maire de Grenoble de poursuivre sur sa lancée. Ce 25 mars, le conseil municipal lui a, une nouvelle fois voté la protection fonctionnelle afin que la Ville de Grenoble prenne en charge ses frais de justice et d’avocat après le procès qu’Eric Piolle a intenté à Pascal Clérotte pour un article et un podcast publiés sur L’Eclaireur, à écouter ici.
Précisons que le maire de Grenoble n’avait esté qu’au civil pour diffamation – et non au pénal – réclamant le retrait de certains passages des publications en question ainsi que 3 000 euros d’indemnité provisionnelle. Aucune demande de droit de réponse ou de suppression n’a été faite auprès de la directrice de la publication comme le prévoit la loi. De renvoi en renvoi – tous (sauf un) du fait de la défense d’Eric Piolle – et après six audiences (alourdissant les honoraires de l’avocat sans parler d’embouteiller les prétoires), le tribunal a débouté le maire de Grenoble, le condamnant aux dépens. C’est à dire à payer l’ensemble des frais de procédure et de justice, y compris ceux de Pascal Clérotte.
Rappelons le contexte – il est important pour bien cerner le sujet : porte-parole du Groupe d’analyse métropolitain (et non auteur à L’Eclaireur à l’époque), c’est Pascal Clérotte qui, le premier, avait signalé les faits alors potentiellement délictuels aux parquets (de Grenoble et parquet national financier) des marchés de la Fête des tuiles et du rachat du siège du Crédit agricole. Avant que le signalement des magistrats financiers de la chambre régionale des comptes – qui avaient contacté Pascal Clérotte – ne se traduise par l’ouverture de l’enquête préliminaire par le parquet.