Guerre Israël-Hamas : du gaz à Gaza
Derrière le conflit, il en va aussi du contrôle des ressources énergétiques et notamment gazières. Qu'est allée faire Ursula von der Leyen en Israël ?
On a beaucoup glosé sur le cavalier seul d'Ursula von der Leyen en Israël. Sur la nouvelle incursion de la présidente de la Commission européenne en terres diplomatiques au nez et à la barbe du Conseil européen et de son fantomatique représentant, le belge Charles Michel, à qui la politique étrangère de l'UE est censée incomber, aux côtés de Josep Borrel, en tant que représentant des chefs d'Etat et de gouvernements des vingt-sept... On a beaucoup parlé du soutien inconditionnel d'Ursula von der Leyen à Israël aussi. De sa "bourde" (dixit Libé) mais qu'il conviendrait aussi de regarder à l'aune d'un autre conflit dans lequel l'UE s'est empêtré : l'Ukraine.
Toute occupée à réduire sa dépendance au gaz russe – c'est le plan REPowerEU à l'horizon 2027 – alors que ce n’est pas une compétence exclusive de l’UE et de la Commission, Ursula von der Leyen multiplie les partenariats pour le moins hasardeux. On l'a ainsi vu à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, le 18 juillet, annoncer en grande pompe un accord visant à doubler les importations de gaz azerbaïdjanais.
On ne va pas s'égarer sur le terrain d'une transition écologique aussi douteuse qu’inefficace substituant une dépendance à une autre mais rappeler que la rente gazière permet au pouvoir azerbaïdjanais de financer les armes qui servent à “nettoyer” les Arméniens du Haut-Karabakh. Sans parler du fait qu’il pèse de lourds soupçons sur l'origine réelle des exportations vers l'UE du gaz azerbaïdjanais, le pays étant connu pour être une plaque tournante pour le contournement des sanctions par la Russie, notamment dans le domaine des hydrocarbures. Pas plus que nous mentionnerons la propension de ce pays à stipendier les politiciens européens, en premier chef à Bruxelles.
Rien de bien surprenant de voir Ursula von der Leyen débarquer en Israël comme un chien dans la mosquée Al-Aqsa. En juin 2022, la présidente de la Commission européenne était venue sur place voir comment mieux coopérer en matière d'approvisionnement énergétique, et notamment gazier. Quitte à mettre les pieds dans le plat de la diplomatie européenne sur un dossier éminemment complexe et sensible sur le plan géopolitique (et pas seulement économique), et au centre duquel on retrouve la bande de Gaza. On n’ose croire qu’Ursula von der Leyen se prête au jeu de l'instrumentalisation à des fins politiques…
Au même titre que le Golan est stratégique en matière de réserve d'eau, la bande de Gaza est particulièrement convoitée pour son gaz notamment depuis qu'un gisement marin a été découvert il y a une vingtaine d'années au large de ses côtes.
Un gisement gazier estimé à plus de 30 milliards de m³ qui constitue une ressource inestimable pour l’Autorité palestinienne. Constituerait plutôt, car le gisement n’est toujours pas exploité, l'Autorité palestinienne invoquant l'obstruction d'Israël – qui exigeait d’en être le principal client et de bénéficier de prix inférieurs à ceux du marché – alors que l'Etat hébreu argue de son côté que l'argent israélien versé à l’Autorité palestinienne pour le gaz pourrait servir à soutenir le terrorisme. Quant au Hamas, qui contrôle le territoire depuis 2007 et ne reconnait pas la souveraineté de l’Autorité palestinienne basée à Ramallah en Cisjordanie et à qui Israël a déclaré la guerre, il a assené qu'il ne permettrait pas à l'occupant israélien d'utiliser la question du champ gazier de Gaza comme instrument pour conclure des accords politiques et de sécurité avec d'autres parties.
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C’est ainsi que l’accord signé en 1999 avec une compagnie britannique pour l’exploitation du gisement a capoté. Et que les mêmes espoirs de la compagnie russe Gazprom d'extraire du gaz de la Méditerranée orientale, dans le cadre d'un projet plus large d'un milliard de dollars en discussion avec les Palestiniens, se sont évaporés.
Derrière la guerre d’Israël au Hamas et plus largement la recomposition géopolitique régionale, difficile donc de ne pas voir l’épineuse et stratégique question des ressources naturelles. D’autant qu’en mai dernier, l’Etat hébreu et l’Autorité palestinienne ont repris leurs négociations “secrètes” – par l’intermédiaire de l’Egypte – quant à l’exploitation du fameux gisement marin après l’échec de pourparlers en 2022.
Au centre du jeu, la souveraineté sur ces champs gaziers et, derrière, le partage (ou pas) de ces ressources. A l’automne dernier, le Liban et Israël ont fini par conclure un accord sur une délimitation de leurs zones de contrôle respectives en Méditerranée orientale. Mais au large de Gaza, à qui appartient la manne gazière ? Aux Palestiniens comme eux-mêmes le revendiquent ? Auquel cas l’occupation militaire de Gaza permettrait opportunément de transférer par la force la souveraineté de ces gisements à Israël.