Le zéro pointé de l'ex-rectrice de Versailles, Avis de tempête sur l'éolien marin , Sale temps pour la liberté d'expression, Racisme mode d'emploi
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Les fausses notes de l'ex-rectrice de Versailles
On a beaucoup parlé de Charline Avenel, l'ancienne rectrice de Versailles, en poste au moment où le rectorat envoyait en mai dernier une lettre aux parents du lycéen qui s'est suicidé le jour de la rentrée. Un courrier dans lequel les services du recteur fustigeaient le ton employé par la famille quant au “supposé harcèlement” subi par leur fils, à l’égard du proviseur du lycée où le jeune homme était scolarisé. Charline Avenel était, il est bon de le rappeler, en poste quand Samuel Paty fut assassiné.
Dans ce courrier, révélé par BFMTV, le rectorat allait jusqu'à menacer les parents de poursuites pour “dénonciation calomnieuse”, alors qu’ils se plaignaient de l’absence de réaction du chef d’établissement. Courrier dont l’ex-rectrice affirme ne pas avoir eu connaissance.
On a donc beaucoup parlé, et on parle beaucoup de harcèlement. Du manque de réponses derrière. Des responsabilités, multiples. Ce dont on entend moins parler, c'est de la trajectoire suivie par l'ex-rectrice. Charline Avenel vient de l'ENA, de la même promotion qu'Emmanuel Macron. Problème, celle qui est en 2018 secrétaire générale de Sciences-Po et que l'Elysée verrait bien diriger l'académie de Versailles, n'est pas habilitée à diriger des recherches.
Tous les recteurs ne sont pas habilités. Un quota de 20 % est ainsi réservé à des personnes non titulaires de l'habilitation. Soit 6 sur 30. Problème : les 6 postes sont pourvus. En 2018, Emmanuel Macron décide donc de changer les règles de nomination des recteurs pour officiellement "diversifier le vivier de recrutement" et "mieux répondre aux exigences nouvelles du métier". De 20 %, le quota passe à 40 % tout en supprimant au passage les conditions exigées antérieurement pour les personnes non détentrices de cette habilitation. Et hop simplification !
A sa manière, la nouvelle rectrice connait bien le milieu de l'éducation nationale. Charline Avenel a travaillé au cabinet de la ministre de l'Enseignement superieur et de la recherche Valérie Pécresse de 2007 à 2010 avant d'être directrice adjointe à l'Agence nationale de la recherche. Qu'elle n'ait jamais dirigée une académie avant d'atterir dans la plus grosse de France, réservée à des recteurs expérimentés, est un détail qui avait fait bondir à l'époque.
Pas de quoi l'arrêter en si bon chemin. Après Versailles, l'ex-rectrice avait postulé, en vain, au poste de directeur général de la Fédération française de football. Elle aurait pu apporter et exporter son expérience et ses connaissances en matière de réponses à donner aux accusations de harcèlements...
Les fausses notes de l'ex-rectrice de Versailles, suite
Charline Avenel, camarade de promotion d'Emmanuel Macron à l'ENA, a obtenu le poste de rectrice de l'académie de Versailles par un passe-droit taillé sur mesure. Comme tout haut fonctionnnaire qui se respecte, cette dame n'est pas au courant de ce qui se passe dans l'administration qu'elle dirige, surtout quand il s'agit d'un sujet, le harcèlement scolaire, érigé en cause nationale par le gouvernement depuis deux ans.
L'infect courrier envoyé par le rectorat de Versailles aux parents de Nicolas, l'élève qui s'est suicidé le jour de la rentrée ? Elle ne l'a pas vu passer. Comme l'écrasante majorité des très hauts fonctionnaires, passerait-elle le plus clair de son temps à organiser sa propre irresponsabilité jusqu’à trouver une confortable pantoufle ?
Nous avons en France un énorme problème avec les grands corps de l'Etat, des organisations quasi-mafieuses qui se sont "partagé" le fromage, tel poste devant revenir aux uns, tel autre aux autres - le tout étant organisé par des "parrains" dans les bons papiers desquels on doit être si l'on veut faire carrière. On connait par exemple le rôle que pu avoir de Jean-Pierre Jouyet, ancien patron de l’inspection des finances, ancien ministre de Sarkozy, ancien secrétaire général de l’Elysée dans l’ascension d’Emmanuel Macron.
On a laissé se créer une caste dont les membres, certes à la tête bien faite mais aux compétences (comprises comme du savoir-agir reconnu) souvent douteuses, ne sont jamais tenus responsables de leurs actes. Il ne s'agit pas de faire la chasse aux erreurs, humaines, mais de chasser ceux qui ont failli, ceux qui se servant plutôt que de servir, ont en toute connaissance de cause et/ou par négligence contribué à l'effondrement d'un service public et/ou d'une politique publique.
La révolution des esprits que prône Alexandre Moatti ne va pas suffire. Il va falloir une grosse cure d'amaigrissement, changer le personnel, interdire le pantouflage, exiger le départ définitif de la fonction publique de ceux qui officient dans les cabinets, s'attaquer aux structures de pouvoir invisibles que sont les grands corps de l'Etat et surtout ériger en principe cardinal celui de la responsabilité individuelle, notamment en supprimant la titularisation pour les fonctionnaires de catégorie A à partir d'un certain niveau de responsabilité dans la fonction publique d'Etat et assimilée (la magistrature, les universités etc.). C'est celui qui dirige qui prend la paume en cas de plantage. Sinon, nous n'en sortirons jamais.
Énergies marines : l'UE brasse du vent
Vous vous rappelez des ambitions folles de l'Union européenne de déployer une méga-industrie des batteries, sans en maitriser le moins du monde les tenants comme les aboutissants ? L'Eclaireur vous en parlait là. Pour les énergies marines renouvelables (EMR), éolien en tête, le nouveau dada de la Commission européenne et d'Emmanuel Macron derrière, c'est peu ou prou la même chose.
A coups de milliards (17 milliards ont été injectés ces quinze dernières années), l'UE part en croisade, le nez au vent. La cour des comptes de l'UE, qui a passé au crible la politique en matière d'EMR dans un rapport récent, parle poliment de "résultats ambivalents" fait de grandes ambitions qui paraissent bien inatteignables sauf à accélérer nettement le rythme de déploiement. Et en croisant les doigts pour que l'inflation, ni aucun autre paramètre extérieur, ne vienne s'en mêler.
En attendant, comme pour les batteries, on voit que l'on focalise sur le dernier barreau de l’échelle sans comprendre qu’il est inutile si les autres sont manquants. Rappelons que les matières premières et notamment les terres rares qui entrent dans la fabrication de ces EMR, devenues hautement géopolitico-stratégiques, sont presque entièrement fournies par la Chine.
A lire le rapport, les objectifs de croissance, 61 GW de capacité installée à l’horizon 2030 et 340 GW à l’horizon 2050, paraissent un peu vains. A cette échéance tout du moins. Derrière l'Allemagne et les Pays-Bas qui caracolent en tête, la France va son train, elle qui détient le record des délais d'approbation en Europe : compter jusqu'à 11 ans pour qu'un projet soit approuvé.
" La France a défini sa stratégie pour les énergies en mer en 2009. Pourtant, le premier parc éolien commercial (à Saint-Nazaire) n’est pleinement opérationnel que depuis novembre 2022", souligne la cour. La capacité cumulée totale d’EMR s’élève actuellement dans l'Hexagone à 482 MW. La France, qui entend bien raccourcir les délais d'instruction des dossiers, s'est engagée à produire 40 GW d'éolien en mer en 2050 ...
Bref, des ambitions à la réalité, il y a encore un pas. D'autant que les technologies ne sont pas toujours matures et encore moins commercialisées. Qu'elles doivent faire face à une pénurie de personnels qualifiés. Que l'on ne voit pas très bien comment les conflits d'usage, que la directive PEM (planification de l'espace maritime) n'a pour l'instant pas permis de résoudre, pourraient être réglés avec le déploiement d'encore plus d'éoliennes.
"L’accès aux zones de pêche pourrait donc progressivement se réduire, ce qui ferait probablement baisser les revenus de la pêche et exacerberait la concurrence entre les pêcheurs", note la cour qui souligne que dans les quatre pays qu'elle a audité (Allemagne, France, Espagne et Pays-Bas), le conflit avec les pêcheurs restait sans issue. A moins qu'on les reconvertisse et les forme dans les EMR vu qu'il y a pénurie ?
C'est peu dire que l'engagement et déploiement des EMR assortis de telles échéances se fait un peu au doigt mouillé. Sans vraiment tenir compte de l'environnement, au sens large. Les études sur les implications socio-économiques du développement des EMR sont mineures. Le sujet est pourtant capital, notamment au regard du calendrier. "Pour les six premiers projets d’EMR approuvés, les tribunaux français ont traité 50 affaires de contentieux", relève la cour.
Quant à l'environnement au sens strict, la biodiversité, elle passe manifestement au second rang, voire au troisième. Après les pêcheurs. "L'empreinte environnementale sur la vie marine pourrait être considérable et n’a pas été suffisamment prise en compte par la Commission et les États membres".
Le tableau n'est pas très reluisant. Mais il est aussi incomplet. La cour des comptes de l'UE n'a pas abordé la question, essentielle pourtant, de l'efficience des EMR. Car cette énergie produite en mer, il faut et il va falloir la transporter, parfois sur de grandes distances (avec des déperditions d'énergie à la clé soit dit en passant). Il faut et il va falloir la stocker aussi. Intermittente, variant au gré des vents, de la houle, des marées ou des courants, elle n'est pas programmable ni pilotable.
Or en matière de stockage, et malgré les progrès, la solution des batteries (on en revient à ce que l'on disait au début de notre article) est encore notoirement insuffisante. Quant à l'autre solution, les stations de transfert d'énergie par pompage (Step), qui permettent de stocker l'électricité via l'eau des barrages hydroélectriques, elle est en France toujours au point mort.
Sale temps pour la liberté d'expression
Qu'on dise et lise tout et parfois n'importe quoi sur le climat est une chose. Que les journalistes aient une culture scientifique proche de zéro, que nos élus aient de grosses lacunes, aussi. Mais que de manière de plus en plus autoritaire, et surtout très cadré et encadré, tout ceci est repris en main, en est une autre. Et devrait à tout le moins inquiéter.
On se rappelle en 2022 du flop de la formation de sensibilisation aux enjeux climatiques dispensée aux députés par huit scientifiques dépêchés pour l'occasion : une trentaine (sur la centaine d'inscrits parmi 577 députés) avait suivi.
Depuis, le petit monde politico-médiatique s'est mis au pli. Reporterre, qui n'est pas à une exagération et un militantisme près, a désormais sa charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique. TF1 prévoit de former tous ses journalistes d'ici 2024 quand France TV a joint à sa formation un JT Météo Climat (première mondiale, cocorico, on fait ce qu'on peut) et une cellule Planète.
Manifestement, ce n'est pas suffisant. C'est ainsi qu'a germé l'idée, dans la lignée du DSA, d'une proposition de loi pour, en gros, bannir tout discours climato-sceptique. L'objectif est d'interdire dans le débat public toute remise en question des dérèglements climatiques, tout comme de leur cause anthropique. Au nom de la science, ou plus exactement du consensus scientifique.
"L’objectif de ce travail parlementaire est de fiabiliser l’information, explique le député PS Stéphane Delautrette. On veut réfléchir à la quantité autant qu'à la qualité. On veut des informations basées sur des faits scientifiques. Tout est envisageable pour y parvenir, mais on ne connaît pas encore les leviers : c’est tout l’objet des auditions qui seront conduites à la rentrée. Je ne peux donc pas dire s'il y aurait des sanctions : rien n'est écarté".
Derrière le groupe de députés transpartisan (mais sans le RN) qui dès ce mois de septembre va entamer les auditions pour voir comment faire aboutir leur idée, il y a un intense lobbying. Et notamment de la part de Quote Climat, une association drivée par des attachés ou ex-attachés parlementaires qui milite pour donner plus de place à l’écologie dans l’espace médiatique et le débat public à coups de quotas (20 % de temps médiatique dédié aux questions climatiques et de biodiversité.) Et tant pis si cela risque de tourner au matraquage contre-productif.
Bon. Bien. La suite parait autrement plus compliquée. Il va d'abord s'agir de comprendre ce que l'on entend par "climato-scepticisme", de cerner et borner les enjeux. Et ce au regard des incertitudes, encore passablement nombreuses. Au regard des modèles climatiques, pour le moins imprécis. Au regard aussi de l'évolution des connaissances. Une contre-vérité aujourd'hui ne peut-elle pas être une vérité demain (et vice versa) ?
On souhaite bien du courage à celui qui va contrôler et sanctionner tout ça. Et qui d'ailleurs ? Attention, le premier qui dit "ministère de la vérité" est un complotiste.
Surtout, le texte s'il voit le jour risque de ne pas aller bien loin, façon loi Avia qui s'est cassée les dents sur l'épreuve (annoncée) de la constitutionnalité. Car la proposition de loi, telle que projetée, va à l'encontre de la Déclaration des droits de l'Homme et de son article 11 (la libre communication des pensées et des opinions) et de la Constitution et de son article 100 (la liberté d'expression est garantie à tous). Ce doit être un détail.
Rassemblement racisé interdit : action, réaction ?
Le préfet de l'Isère, Louis Laugier, a décidé d'interdire une manifestation "antiraciste et un rassemblement organisé ce 23 septembre à Grenoble en marge de la manifestation contre le racisme et les violences policières et réservés aux "personnes non-blanches". Il a également signalé les faits au procureur de la République aux chefs de manifestation non-autorisée et de rassemblement discriminatoire.
Disons-le tout net, "manifestation non-autorisée" est une argutie juridique. On a la liberté de se rassembler quand et où on le souhaite sans prévenir les autorités à partir du moment où ne cause pas de trouble à l'ordre public comme par exemple couper la circulation. Les autorités n'ont jamais autorisé au préalable de manifestation, elles en valident le parcours. Rien n'empêche n'importe quel collectif de se rassembler dans un square ou sur une place piétonne.
La question qui se pose de manière de plus en plus aigüe est de savoir si l'Etat est encore compétent – la compétence étant entendue comme le savoir-agir reconnu. Si l'Etat était compétent, alors n'importe qui pourrait se rassembler pour n'importe quelle cause et revendication, mêmes les plus farfelues, sans que cela pose problème.
Alors oui, à Grenoble, il existe des éléments violents "anti-fascistes", "gauchistes" ou autres. La série d'incendies criminels depuis 2015 où l'on s'est tout de même attaqué au centre de commandement départemental de la gendarmerie, à une caserne du même corps et où l'on a réduit en cendres la salle du conseil municipal de la mairie de Grenoble ainsi que les locaux de France Bleu Isère nous le rappelle. L'enquête sur ces actes – graves puisqu'ils sont passibles de la cour d'assises - assortis de revendication politiques, n'a à notre connaissance rien donné pour le moment. Le parquet anti-terroriste a refusé de se saisir du dossier.
L'Etat serait-il incompétent au point de considérer l'ensemble de la population française comme constituée d'ennemis de l'intérieur nécessitant l'application de tactiques contre-insurrectionnelles d'origine militaire ? Existe-t-il de signe plus fort de faillite alors que les meneurs de ces "collectifs", qui sont connus, pourraient être dissuadés par un bon travail de renseignement et de contact de terrain dans la durée, comme cela avait cours auparavant ?
Avons-nous en France un Etat incapable d'accomplir ses missions régaliennes en préservant à la fois la paix civile et les libertés individuelles, ce qui n'a rien d'incompatible ? Quand on "utilise" sciemment des groupuscules violents comme les antifas pour pourrir des mouvements sociaux, faut-il s'étonner d'une montée aux extrêmes ? Quand on donne quitus depuis des années à une forme de racisme mais que l'on en réprime une autre, qui croit encore à l'égalité ?
Nous verrons si le signalement du préfet au parquet enclenchera l'action publique et si l'enquête aboutira à des renvois devant un tribunal.