Les Deux Alpes, terrain d'affrontement entre la Compagnie des Alpes et la Sata
Déjà au centre d'une enquête judiciaire, le contrat d'exploitation de la station des Deux-Alpes, remporté par la Sata puis remanié, est contesté par le préfet. En attendant, les factures explosent.
D’un côté, la Compagnie des Alpes, numéro 1 mondial des exploitants de domaines skiables 1, près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaire, en progression de près de 18 %, et sur laquelle soit dit en passant la crise Covid a, aides d’Etat aidant, glissé tout schuss. De l’autre, la société d'aménagement touristique de l'Alpe d’Huez, Sata Group, deuxième exploitant de domaines de montagne en France qui depuis quelques années s’est bâti un petit empire à l’échelle des Grandes Rousses dans le massif de l’Oisans, entre Isère et Hautes-Alpes. Parti de L’Alpe d’Huez, il gère aujourd’hui sept domaines, et veut croître. Ses investissements prévus à l’échelle du massif se montent à 600 millions d’euros pour les cinq années à venir.
Entre les deux : Les Deux Alpes, qui depuis deux ans est devenu le champ de bataille sur lequel s’affrontent des deux leaders du ski tracté. Depuis que la Compagnie des Alpes, et sa filiale Deux Alpes Loisirs, a en 2020 perdu le contrat d’exploitation de la station iséroise au profit de la Sata.
Des soupçons de favoritisme au bénéfice de la Sata qui ont émaillé la procédure d’appel d’offre et que nous avions révélé, peu s’en sont fait l’écho. Pas une ligne dans les médias dont, dans la profession, on connait les accointances avec le milieu du ski, entre budget pub à gogo et forfaits gracieusement distribués.
A Grenoble, l’enquête ouverte par le parquet et confiée à la police judiciaire, suit son cours, comme l’a confirmé à L’Eclaireur le procureur adjoint François Touret-de Coucy. Les multiples recours formés par la Compagnie des Alpes aussi, qui devraient être examinés ce printemps, nous a confirmé le tribunal administratif de Grenoble.
Car la Compagnie des Alpes et sa filiale Deux Alpes Loisirs n’a pas seulement attaqué Les Deux-Alpes pour la rupture anticipée du contrat. On se rappelle que la commune avait mis un terme au contrat de délégation de service public (DSP) qui la liait à son délégataire trois ans avant son terme, de manière très précipitée, à trois mois des élections municipales. Beaucoup y voient une décision purement politique, même si depuis des années la lune de miel entre la commune et DAL tournait vinaigre, la première reprochant à la seconde son manque d’investissements et son appétit financier quand la seconde tiquait sérieusement quant à la pérennité du modèle de développement choisi par son délégant.
Et l’affaire parait très mal engagée pour cette commune dont l’encours de la dette, soit la somme qu’elle doit rembourser aux banques, avoisine les 35 millions d’euros 2. Car pour la rupture anticipée du contrat, la commune est redevable de 6 millions d’euros. En intégrant les biens de retour, la somme atteint les 10 millions d’euros. Sans compter les pénalités, Les Deux-Alpes ne s’étant pas, selon nos informations, acquittée de cette obligation contractuelle.
Après une dernière tentative infructueuse de négociation par avocats interposés, l’affaire va donc finir devant les tribunaux. Deux Alpes Loisirs n’y conteste pas seulement la rupture anticipée du contrat. La société a également déposé un recours sur les conditions d’attribution du contrat à la Sata, point qui fait l’objet de l’enquête préliminaire. Elle attaque aussi la commune pour le préjudice subi pour la perte sur la totalité du contrat. Soit à l’échelle de trente ans, 300 millions d’euros.
Et elle attaque l’avenant au contrat de DSP, signé le 25 juin 2021 et qui modifie quelque peu les termes, voire l’équilibre, du contrat. « On défend le droit des contrats et d’être payé pour notre dû », se défend auprès de L’Eclaireur Antoine Pirio, le directeur général de Deux Alpes Loisirs.
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