Microsoft et les données de santé : le loup dans la bergerie?
Microsoft va héberger les données de santé de Français jusqu'en 2025. Saisi en référé, le Conseil d'Etat ne voit pas où est l'urgence ni le problème. Le parlement non plus.
En obtenant l'autorisation de la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) d'héberger une partie des données de santé des Français, Microsoft a mis un pied dans la porte. Cela ne gêne pas le Conseil d'Etat aux entournures. Plus exactement à ce stade (il ne s’est pas prononcés au fond), la plus haute juridiction administrative du pays ne voit pas où est l'urgence.
Le Conseil d'Etat avait été saisi en référé – procédure d'urgence – par un collectif de sociétés et d'associations qui réclamait que soit suspendue, pour des raisons de sécurité et de souveraineté, la décision d'autoriser le géant américain à héberger l'entrepôt de données EMC2.
EMC2, c'est en quelque sorte la préfiguration du Health Data Hub, la plate-forme (en fait un consortium public-privé) des données de santé qui, à terme, centralisera TOUTES les données de santé des Français, actuellement dispersées, et connectera entre elles les plate-formes des Européens. EMC2 regroupera donc dans un premier temps des données issues des dossiers médicaux de 300 000 à 500 000 patients pris en charge chaque année dans quatre hôpitaux 1 mais aussi les données d'une population témoin d'environ 1,5 million de personnes.
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L'objectif est à première vue louable : il s'agit, dans le cadre (ou sous couvert) d'une convention de services liant le Health Data Hub à l'Agence européenne des médicaments (EMA), d'utiliser le traitement automatisé des données pour faire avancer la recherche pharmaco-épidémiologique.
Ce serait oublier que les données de santé ne sont pas qu'un enjeu médical et technologique. Le marché est convoité, de plus en plus lucratif. Il aiguise les appétits de sociétés, en premier lieu les Gafam qui voient dans ces données et leur exploitation, qui plus est dopées par l'IA, des débouchés commerciaux prometteurs.
« Le potentiel de ces données est énorme et suscite les convoitises", soulignait déjà en 2020 la juriste Hélène Guimiot-Bréaud, chef du service de la santé à la Cnil dans Le Monde. "La médecine de demain ne sera pas basée uniquement sur de nouvelles molécules mais aussi sur une personnalisation des traitements rendue possible par toutes les informations détenues sur les personnes."