Pfizergate fight ; STMicro sous l'eau ; Elections pliées à l'université ; Juriste d'opérette; Israël et la CPI, trop peu, trop tard
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Pfizergate, part 1 : un parquet bien ciré
Juge d'instruction et parquet européen se disputent la compétence dans l'affaire du Pfizergate.
La justice belge a dans un silence médiatique quasi-général en France et en Allemagne reporté l'audience d'examen du Pfizergate au 6 décembre. Le Pfizegate, c’est l'affaire des contrats d'achats de vaccins Covid conclus par la Commission européenne et sa présidente Ursula von der Leyen en personne, plus particulièrement avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla *.
Ce sera donc pour après les élections européennes, et après la désignation du prochain président de la Commission européenne, poste pour lequel Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession. Après tout, en France, on a bien eu pléthore de mnistres mis en examen alors qu'ils étaient en exercice, dont un Garde des Sceaux.
Ce n'est en fait que le début d'un long, très long cheminement. Le 6 décembre, ce n'est pas l'affaire en elle-même qui sera examinée, mais, après un nouveau délai de six mois, la question de savoir qui est compétent pour instruire le dossier : le juge d'instruction liégeois qui a été saisi de la plainte du lobbyiste belge Frédéric Baldan ? Ou le parquet européen (EPPO) à qui a été aussi transmis la plainte belge et qui est à l'origine de la requête en irrecevabilité qui devait être examinée ce 17 mai par le tribunal de Liège ?
Cette lutte intestine intervient à un moment où les rapports entre le parquet européen et la Commission européenne sont passablement troubles. Comme L'Eclaireur le relatait, la cheffe du parquet, la Roumaine Laura Codruța Kövesi s'était le 9 avril dernier fendue d'une procédure à l'amiable après que Bruxelles ait eu l'idée de tailler dans son budget informatique, au risque selon elle de nuire à ses capacités d'enquête. En toute indépendance ? Alors que la Commission européenne tient les cordons de la bourse, c'est le Conseil de l'Union européenne, composé des chefs d'État ou de gouvernement, qui nomme ses procureurs. En 2019, Laura Codruța Kövesi avait pu compter sur le soutien sans faille de Bruxelles quand parmi les favoris pour diriger le futur parquet européen, elle fut accusée de faits présumés de corruption.
* "Au terme de l’audience qui s’est tenue à huis clos, la Chambre du Conseil a décidé de reporter l’affaire afin de laisser aux parties le temps d’approfondir les questions de la compétence de l’EPPO, mais également de l’immunité éventuelle de Mme von der Leyen, et de l’intérêt et la qualité des plaignants à agir", d'après Euractiv.
STMicroelectronics : des ronds dans l'eau
Lancé en grandes pompes, le projet de doubler la production de puces en Isère patauge sur le plan réglementaire.
Le projet de STMicroelectronics et GlobalFoundries, drivé par Macron/Le Maire/Breton, de doubler la production de puces pour la microélectronique continue de nager en eaux troubles. Rappelons brièvement le processus : au terme d'une autorisation environnementale irrégulière, le maitre d'ouvrage n'ayant pas saisi la Commission nationale de débat public (CNDP) pour la mise en place d'une concertation, l'enquête publique avait rendu un avis défavorable, sous la condition que soient levées quatre réserves et notamment celle attenant à la question de l'alimentation en eau.
Plus de six mois plus tard, on n'en sait toujours pas plus concernant la diversification de la ressource en eau. Forages dans la nappe ? Recyclage ? et dans quelles proportions ? Mais on n'en sait pas plus côté autorisations et processus réglementaire. Obligée de se conformer à la loi, et donc de s'appuyer sur une concertation ou un débat public, STMicro a fini par se plier aux obligations. La concertation préalable enfin menée, et bouclée, quid de la suite ? Normalement, la concertation préalable est... préalable. Comprendre préalable à l'enquête publique, une nouvelle donc. C'était en tout cas marqué noir sur blanc dans la lettre de mission de la CNDP.
Depuis... rien. Le bilan de la concertation dressé par la CNDP, et auquel doit répondre STMicro, ne dit rien de la suite de la procédure réglementaire. Comme si chacun, CNDP et préfet, se défaussaient de toute décision dans un dossier piloté depuis Paris et Bruxelles et qui depuis son annonce aussi précoce que tonitruante – c'était lors de Choose France 2022 – n'en finit pas de ne pas avancer. Confronté à un retournement du marché de semi-conducteurs (la surproduction a vite suivi la pénurie), l'américain GlobalFoundries avec qui STMicro a été prié de s'associer pour toucher l'argent public (2,9 milliards d'euros sur les 7,5 milliards d'investissement) a dit réserver sa venue. Une franche réussite.
A lire à ce sujet : [ Info L'Eclaireur ] Partenariat STMicro-GlobalFoundries : l'américain sur la réserve
Photo - capture d'écran Présentation de la stratégie Électronique 2030/Elysée
Universités : une démocratie peu académique (bis)
Comment se faire élire et réélire à la tête des universités en France ? Petite leçon de démocratie bien peu représentative à Grenoble et Paris-Saclay.
En France, les élections à la tête des grandes universités sont une curiosité. Vous pouvez être minoritaire parmi les représentants du personnel de la communauté universitaire (étudiants, enseignants, chercheurs, personnels) mais être élu. Et surtout réélu.
La démonstration vient d'en être faite à l'Université Grenoble Alpes où le président sortant, Yassine Lakhnech, a été réélu malgré des embûches qui l'ont à peine fait trébucher. Rappelons que le président de l'UGA avait été épinglé par la justice pour avoir participé à un tripatouillage quant à l'attribution de 20 millions d'euros de fonds Idex (Initiative d'excellence) en 2021. L'Eclaireur vous en parlait là. Avant que son élection en février dernier ne soit annulée par le tribunal administratif de Grenoble, Yassine Lakhnech ayant interféré en toute illégalité dans le cours du scrutin...
Pour ces nouvelles élections, on prend les mêmes ou presque et on recommence : Yassine Lakhnech toujours candidat à sa succession, avait en face de lui, non plus Michel Rocca mais un autre candidat, Konstantin Protassov. Que croyez-vous qu'il s'est passé ? Comme il y a quelques mois, le challenger s'est imposé au terme du "premier" tour des élections : celles qui recueillant les voix de la communauté universitaire, répartit les sièges au conseil d'administration (CA) préalable avant l'élection du bureau. Sans trop de surprises, la liste de Konstantin Protassov s'est vue attribuer 8 sièges, contre 6 pour la liste de Yassine Lakhnech. Avant que le "second tour", à savoir l'élection du bureau et donc du président, n'inverse diamétralement le sens du vote sous l'effet du poids des "personnalités extérieures qualifiées", nommées et associées aux administrateurs précedemment élus...
Un conseil d'administration en quelque sorte à la carte, permis depuis l'ordonnance du 12 décembre 2018 qui permet notamment de s'affranchir d’une majorité de membres élus. Ainsi faisant, le nombre d'administrateurs nommés à l'Université Grenoble Alpes est-il passé de de 8 à 12 (sur 41). Soit quatre personnalités extérieures qualifiées en plus, représentants des organismes de recherche nationaux associés à l’université et dépositaires de fonds publics mais aussi institutionnels ou représentants du monde économique et pas vraiment disposés à renverser la table... Gage certes d'une certaine stabilité pour autant que les dés ne soient pas pipés.
Quatre voix, c'est pile l'écart qui sépare le nombre de voix attribuées à Yassine Lakhnech (22 voix) de son rival (18 voix). Et qui ont suffi à faire pencher la balance moyennant une abstention...
En 2019, la première université à s’être emparée des dispositions permises par l’ordonnance de décembre 2018 a été l’université Paris-Saclay, à l’époque présidée par Sylvie Retailleau qui par la suite deviendra ministre de l’enseignement supérieur de la recherche. Paris-Saclay, c’est aussi et surtout l’X, l’Ecole polytechnique dirigée depuis 2018 par un homme, Éric Labaye, formé à Polytechnique et qui a fait toute sa carrière chez McKinsey, soulignait-on en janvier dernier.
Université érigée au niveau mondial, sa gouvernance est un modèle du genre : à son conseil d'administration siègent 18 élus et 18 personnalités qualifiées extérieures. Cela marche tellement bien que l'université Paris-Saclay est toujours placée sous administration provisoire, plusieurs élus ayant refusé de voter la liste des 18 personnalités qualifiées extérieures, réclamant plus de diversités et de représentativités des étudiants et de la société civile...
Juriste d'opérette
La première femme nommée au Conseil Constitutionnel a bien du mal avec le droit.
Noëlle Lenoir, conseillère d'Etat, ancienne secrétaire d'Etat aux affaires européennes de 2002 à 2005 dans le gouvernement Raffarin II et première femme nommée au Conseil constitutionnel, n'entend visiblement rien au droit. Vous nous direz certes qu'au Conseil constituonnel on fait beacoup de politique, comme au Conseil d'Etat d'ailleurs.
Tentons donc d'expliquer à cette éminente juriste le fonctionnement de Cour pénale internationale (CPI) et en quoi elle diffère de la Cour internationale de justice (CIJ).
La Cour pénale internationale, instituée par le statut de Rome le 1er juillet 2002 (tenez, Mme Lenoir était déjà secrétaire d'Etat, sans doute très occupée par le traité constitutionnel de l'UE) poursuit et juge des individus pour les incriminations de crime d'agression, crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide. Des individus, pas des Etats ou des organisations non-étatiques (fussent-elles terroristes).
Karim Khan, le procureur général de la CPI a demandé à la cour d'émettre des mandats d'arrêts contre des membres de la direction du Hamas parce qu'il les considère comme individuellement responsables des crimes du Hamas dont il dispose des preuves matérielles, et contre le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ministre de la défense Yoav Gallant, qu'il estime individuellement responsables des crimes d'Israël, dont il en a en main les preuves matérielles. Ce n'est pas le procureur de la CPI qui délivre les mandats d'arrêt, mais une chambre composée de 3 juges du siège.
Le Hamas et l'Etat d'Israël ne sont pas mis sur le même plan par le procureur de la CPI puisqu'il ne poursuit ni le Hamas ni l'Etat d'Israël. Il n'y a donc aucune politisation de la justice internationale. Le procureur de la CPI poursuit cinq individus pour leur responsabilité individuelle dans la commission de crimes par des procédures individuelles et distinctes. Principe de base de la justice pénale, qu'elle soit nationale ou supranationale: pas d'incrimination ni de condamnation de groupe.
Après avoir demandé et obtenu un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine, le procureur général de la CPI est dans l'obligation d'agir quant au conflit israélo-palestinien lors duquel des dizaines de milliers de crimes ont été commis, à moins de décider de passer à la trappe le statut de Rome et la CPI pour revenir à l'ancien système des tribunaux spéciaux institués par résolution du Conseil de sécurité de l'Onu, comme ce fut le cas pour l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, le Kosovo etc.
C'est la Cour internationale de justice, instituée par l'article 92 de la charte de l'Onu, qui juge les Etats. Ce n'est pas un tribunal pénal mais plutôt une sorte de tribubal administratif qui statue sur le respect du droit international par les Etats, notamment en ce qui concerne la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Si la CIJ statue qu’un Etat s’est rendu coupable de génocide, alors chaque Etats membre pourra lui appliquer légalement des sanctions, ou bien le Conseil de sécurité de l’ONU pourra décider de sanctions globales applicables par tous.
De deux choses l'une. Soit Mme Lenoir est une juriste parfaitement incompétente en droit international, soit elle fait œuvre de basse et hypocrite politique. Franchement, ces grands juristes d'Etat français ne sont pas à la hauteur.
D'Eretz Israël à ersatz d'Israël
La CPI émet enfin des mandats d'arrêt contre Netanyahu et les dirigeants du Hamas.
La Cour pénale internationale (CPI) jouait en l'espèce le peu de crédibilté qu'il lui restait. Sans émettre de mandats d'arrêts alors que les crimes de guerre et contre l'humanité sont parfaitement établis tant du côté du Hamas le 7 octobre 2023 que pour la riposte israélienne depuis sept mois, c'était la fin des haricots.
Comme toujours, la CPI fait trop peu et trop tard, démonstration qu'il ne s'agit pas de justice mais de politique. Pourquoi donc des mandats d'arrêts contre les dirigeants du Hamas n'ont pas été délivrés dès le mois d'octobre ? Pourquoi donc des mandats d'arrêt n'ont-ils pas été délivrés dès le mois de novembre pour l'ensemble du gouvernement israélien et de l'état-major de Tsahal? Pourquoi attendre plusieurs dizaines de miliers de morts quant on peut sévir et calmer tout le monde quand il n'y a en a "que" quelques milliers qui constituaient autant de crimes de part et d'autre? La CPI na pas fait montre de la même diligence qu'avec Vladimir Poutine, encore une indication qu'il s'agit bien de politique, non pas de droit.
Ces mandats d'arrêt vont-ils avoir un effet sur le cours du conflit? Peu probable dans un premier temps puisque Israël est un État voyou qui refuse d'appliquer le droit international depuis 1948 et le Hamas est un acteur non étatique aussi fondamentaliste que criminel et terroriste. En revanche, cela va sérieusement compliquer l'aide militaire américaine. Joe Biden, Antony Blinken, Jake Sullivan encourent également des poursuites pour complicité de crimes de guerre et contre l'humanité puisqu'ils ont autorisé la livraison des armes ayant rendu possible la commission de ces crimes en sachant qu'ils étaient et/ou allaient être commis.
Il est regrettable que la justice française, qui a compétence universelle pour les crimes de guerre et contre l'humanité, n'ait pas bougé le petit doigt. Nous avons encore raté une excellente occasion de reprendre notre traditionnel rôle de puissance d'équilibre au Moyen Orient. Vu le bilan d'Emmanuel Macron en matière de politique étrangère et la personne même de Stéphane Séjourné, ministre des affaires étrangères qui lui sont parfaitement étrangères, il ne faut attendre ni intelligence ni courage.
Ce qui est vrai pour la politique extérieure l'est aussi en politique intérieure. Ces mandats d'arrêts de la CPI offrent la possibilité de cadrer les camps pro-palestiniens et pro-israéliens et d'endiguer définitivement l'importation en France d'un conflit qui n'est pas le nôtre.
Tout organisme soutenant le Hamas ou le gouvernement israélien peut légitimement être dissout;
Tout commentateur, tout activiste, tout élu dépassant les bornes de la controverse politique factuelle pourra être poursuivi pour apologie de crimes de guerre et contre l'humanité;
Le régime des visas pour les Israéliens souhaitant se rendre en France doit être résinstauré afin de sanctionner l'ensemble des colons en leur interdisant l'accès à notre territoire;
Un contrôle strict de la circulation des capitaux en France et en Israël, qu'elle soit directe ou indirecte doit être rétabli.
Les très nombreux Israéliens français de papier n'ayant dans les faits aucun rapport avec la France doivent se voir retirer la qualité de Français. Des gens qui "se comportent en fait comme les nationaux d’un pays étranger peuvent, s’ils ont la nationalité de ce pays, être déclarés, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français", article 23-7 du code civil.
Les détenteurs de passeports français ayant participé aux opérations de l'armée israélienne à Gaza doivent se voir retirer la nationalité française en vertu des articles 23-7 et 23-8 du code civil et faire l'objet de poursuites pénales en France pour complicité de crimes de guerre et contre l'humanité dès leur arrivée sur le territoire national. Même chose pour tout combattant du Hamas.
Israël n'est pas la France. Israël n'est pas un pays européen car pas situé en Europe. Même chose pour la Palestine. Mais vous verrez que rien ne sera fait pour améliorer la concorde en France en renvoyant tout ceux qui importent un conflit qui n'est pas le nôtre à l'endroit où il se déroule. Que ceux qui veulent s'écharper le fassent sur place.