[ Projet Inspira ] Embâcles sur la route fluviale
L'annulation par la justice du projet de zone industrialo-portuaire au sud de Lyon tombe au moment où Emmanuel Macron a l'ambition de faire du Rhône un corridor stratégique au cœur de l'Europe.
Le préfet de l’Isère a-t-il pêché par excès d’optimisme, tenté de passer en force en donnant son feu vert à Inspira, le bien-nommé projet de développement d’une zone industrialo-portuaire en bordure du Rhône ?
Le 31 janvier, le tribunal administratif de Grenoble a, chose assez rare pour être soulignée, annulé la déclaration d’utilité publique (Dup) accordée en 2018 au projet, comme il avait en 2021, et pour les mêmes raisons, annulé l'autorisation environnementale après les recours déposés par l’association Vivre ici.
“Si elle (la cinquième chambre, ndlr) a reconnu l'intérêt public du projet, elle a estimé que l'impact sur l’environnement et notamment sur les milieux à grand potentiel écologique et sur la ressource en eau, déjà en déficit compte tenu des prélèvements autorisés, ne pouvait pas être minimisé par les prescriptions de l'arrêté et ses mesures correctives. Elle en conclut que ces impacts négatifs du projet excèdent l’intérêt de celui-ci et sont de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique”.
Les atteintes à l’environnement au sens large – ressources en eau, impact sur les populations environnantes, sur les sols, sur l’air, nuisances sonores, etc – et la quasi-absence de mesures concrètes pour y remédier, n’ont rien de nouveau. En 2017, le syndicat mixte du Rhône court-circuité Loire Ardèche Isère Drôme (Smirclaid) avait souligné que les prélèvements de la ressource en eau étaient à l’époque déjà bien trop conséquents.
Rebelote en 2018 quand les trois commissaires enquêteurs avaient à l’unanimité donné un avis défavorable au projet, pointant la déficience d'états des lieux, le manque de mesures concrètes, le report à des études ultérieures comme l’insuffisance “rédhibitoire” de réelles mesures compensatoires.
Dans un volet à suivre, nous reviendrons en détail sur le projet, sur la contestation qui s’est formée, sur l’affaire dans l’affaire aussi avec, après l’unanimement défavorable de la commission d’enquête, la radiation de son président.
Cinq ans après, rien n’a changé ou presque. Pour ne s’en tenir qu’à la seule question de la ressource en eau, les corrections apportées par le préfet dans son arrêté, à savoir limiter l’autorisation de prélèvement en eau limitée à 2 000 m3 par jour alors que les besoins avaient été estimés initialement dans l’étude d’impact à 80 000… le tout sur, rappelons-le, un site déjà en déficit. Cela laisse songeur quant à la réalité des prélèvements, leur contrôle et éventuelles sanctions mais aussi quant à la faisabilité du projet et sa capacité à attirer des investisseurs.
Pour le plan de gestion de la ressource en eau, promesse censée tout régler, “invocation presque incantatoire”, dira la rapporteur publique lors de l’audience, il n’en est qu’au stade du début de sa rédaction.
La décision de justice signe-t-elle un coup d’arrêt au projet ? L’aménageur, la société publique locale Isère Aménagement, filiale d’Elégia, société détenue par le Département de l’Isère, n’a pas encore décidé si elle faisait appel de la décision (rappelons qu’elle a fait appel de l’annulation de l’autorisation environnementale, tout comme le ministère de la Transition écologique).
Mais l'arrêt du tribunal tombe mal à l'heure des grands projets paneuropéens. En décembre, Emmanuel Macron a remis sur la table l’idée d’un grand port, de Marseille à Lyon. L’idée n’est pas nouvelle. En septembre 2021, le chef de l’Etat avait déjà dit vouloir faire du port de Marseille la tête de pont de l’axe Rhône-Saône, avec l'idée derrière de s'appuyer sur les ports intermédiaires, au rang desquels celui de Salaise/Sablons accolé à Inspira. Un port de Marseille dont Conseil de surveillance est désormais présidé par Christophe Castaner 1, l’ex-ministre de l’Intérieur de Macron dont les compétences et les qualifications sur le sujet semblent bien maigres, comme s’interrogeait Mars Actu. Simple courroie de transmission dans une pantoufle ?
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