Saint-Pierre de Chartreuse : chronique d'une glissade annoncée
En Isère, la gestion chroniquement défaillante de la station de ski de Saint-Pierre-de-Chartreuse a tout l'air de tourner au dérapage plus ou moins contrôlé. Pour le meilleur ou pour le pire ?
L’avenir de la station de ski de Saint-Pierre-de-Chartreuse semble bien compromis. On savait la petite station de l’Isère en fâcheuse posture, confrontée à des déficits récurrents, à des reprises boiteuses aussi. Tour à tour gérée via un Sivu par les deux communes du coin, puis par la communauté de communes via un Epic, elle a depuis cet hiver été reprise temporairement en main, via une convention de délégation de service public, par Savoie Stations Ingénierie Touristique (SSIT).
SSIT, voilà qui ne dit pas grand-chose en Isère. Le groupe, qui s’est depuis quelques années spécialisé dans la reprise de stations plus ou moins moribondes, est davantage connu en Savoie et Haute-Savoie où il exploite une quinzaine de domaines, et pas des moindres. De fait, cette société d’économie mixte est détenue majoritairement (74 %) par le Département de la Savoie non sans poser quelques questions comme nous le relations dans un précédent article.
En Isère donc où il fait une première incursion, SSIT via sa filiale dédiée aux remontées mécaniques SSDS, applique les mêmes recettes que dans son département d’origine. A Saint-Colomban-les-Villars, à Albiez-Montrond comme à Saint-Pierre-de-Chartreuse, on retrouve le même mode opératoire. Une station de ski en grande difficulté et des gestionnaires acculés à l’aube d’une saison d’hiver, qui s’en remettent en urgence à SSIT. Pourquoi SSIT ?
C’est que le groupe fait aussi dans le diagnostic. A Albiez, c’est lui qui a conduit l’audit préalable. Avant de signer une convention d’un an, puis de remporter la DSP pour cinq ans. Même topo à Saint-Pierre-de-Chartreuse ?
Là, l’audit est aussi signé SSIT. Audit qui a été suivi d’une convention d’un an signée en urgence en attendant la DSP qui doit être passée ce printemps pour cinq ans et à laquelle SSIT devrait vraisemblablement postuler si le cahier des charges lui sied.
A lire également : En Savoie, le Département sur une pente glissante
L’avenir de la petite station de ski de Chartreuse semble tout tracé. On en a déjà eu une esquisse cet hiver. Car la reprise en main a été particulièrement radicale. La télécabine, à la fois porte d’entrée principale et colonne vertébrale de la station, a tout bonnement été fermée, tout comme le télésiège de la Scia qui conduisait les skieurs de la télécabine vers le haut du domaine. Sans aucune concertation publique.
« Si SSIT n’était pas intervenu, la station n’aurait pas ouvert cette année, notamment parce qu’il y avait un mur de dettes », argue son directeur général Jean-Christophe Ailloud. « On nous reproche la fermeture de la télécabine ? C’était un engagement du maire en 2009 auprès des banques de fermer cet équipement dès lors qu'il faisait une nouvelle remontée mécanique ! »
Comme il fallait tailler dans le parc – réduire le périmètre en langage châtié – le choix a été fait de faire sauter quelques installations, la station étant comparativement à d’autres de même taille plutôt largement pourvue. Argument avancé par la communauté de communes et sa présidente Anne Lenfant qui n’a pas répondu aux questions de L’Eclaireur 1 ?
« Cette optimisation de l’exploitation de la station autour des remontées mécaniques les plus récentes ne change presque pas la skiabilité en offrant 33 kilomètres de pistes », soulignait le conseil communautaire en novembre 2021. Les mêmes arguments avaient été avancés à Albiez où les remontées en moins se sont vite traduites par de longues files d’attente devant celles qui restaient. Expérience client mémorable… On voudrait décourager les derniers fidèles de la station que l’on ne s’y prendrait pas mieux.
Des remontées fermées, des navettes gratuites ont été mises en place. Comme à Albiez. A quel prix ? On n’en saura rien mais c’est manifestement la com com qui devra payer la note, le service n’étant pas intégré dans la convention de régie intéressée signée avec SSIT. Un contrat qui vaut au groupe de toucher une rémunération fixe de 60 000 euros par an (plus un pourcentage sur le chiffre d’affaires) sans aucune prise de risque financier.
« On ne pouvait pas maintenir toutes ces remontées mécaniques car une bonne partie n’ont pas l’entretien réglementaire tel qu’il aurait dû être fait, se défend Jean-Christophe Ailloud. Les entretiens n’étaient qui plus est pas provisionnés ».
Des installations pas réglementaires en termes de sécurité ? En mars 2020, le préfet avait, au vu des « manquements » constatés sur les installations risquant d’engendrer des « situations dangereuses » suspendu l’exploitation des remontées mécaniques. Mais avant de lever cette suspension en avril 2021.
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à L'Eclaireur - La Lettre des Alpes pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.