[ Sommet Russie-Afrique ] "L’initiative de contrer la politique de Moscou s’est avérée un échec"
TRIBUNE - Alors que s'ouvre à Saint-Petersbourg le sommet Russie-Afrique, Oleg Nesterenko, président du CCIE, spécialiste de l'Afrique dénonce le chantage et les pressions de l'Occident
Président du CCIE à Paris, le centre de commerce et d’industrie européen et spécialiste de la Russie et de l’Afrique, Oleg Nesterenko revient sur les coulisses d’une rencontre aussi stratégique, politique qu’économique, alors que s’ouvre le second sommet Russie-Afrique à Saint-Petersbourg. Sur les pressions et chantage exercés par les Occidentaux sur les dirigeants africains.
“ Pratiquement tous les États africains ont été soumis à des pressions sans précédent de la part des États-Unis. Les ambassades françaises n'ont pas été inactives (...) et d'autres missions occidentales tentent d'empêcher ce sommet d'avoir lieu”, avait déclaré aux journalistes le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Selon le Kremlin, 49 pays (sur 54) et 17 chefs d’Etat ont confirmé leur participation. Symbolique ? Après le sommet Russie-France, un autre sommet est attendu : celui des Brics fin août en Afrique du Sud.
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Malgré la pression antirusse sans précédent de l’Occident collectif américano-centrique sur les pays du continent africain depuis le début de la guerre en Ukraine, l’initiative de contrer la politique de Moscou s’est avérée un échec.
Ni les menaces directes ou voilées, ni les offres d’alternatives alléchantes contre l’abandon du vecteur du développement pro-russe n’ont réussi à briser la "résistance" africaine. Les faits sont têtus : la majorité écrasante des pays du continent noir participent au sommet Russie-Afrique 2023 organisé par Moscou.
Pourquoi ?
Il est incontestable que le camp occidental est - financièrement - bien plus riche que la Russie et est - théoriquement - en mesure d'offrir aux pays africains des perspectives financières et économiques bien plus attractives. Mais c’est sans compter de l'effondrement quasi complet de l’action antirusse occidentale. Et c’est sans compter que l’Occident est directement associé à la mémoire historique de l’Afrique.
La mémoire persiste malgré les grands efforts déployés par la vieille Europe ces dernières années pour nuancer les réalités du passé : d’un côté, les Africains sont parfaitement conscients des résultats finaux de la coopération avec les anciennes puissances coloniales et vers où elle les a conduites ; de l’autre côté, ils se souviennent toujours de la coopération avec la Russie, encore de l’époque soviétique, dont les résultats restent tangibles.
L’Afrique dispose d’éléments concrets à comparer, dans lesquels la Russie dispose de dividendes historiques sérieux et incontestables. C'est pourquoi les efforts sans précédent du camp occidental pour discréditer la Russie aux yeux de la communauté africaine ne peuvent être couronnés de succès.
Cet atout historique dans les relations russo-africaines est également renforcé par un élément fédérateur fondamental supplémentaire : à l'instar du continent africain, la Fédération de Russie a également une importante expérience directe et amère de la coopération avec l'Occident, dont le modèle économique global par rapport au monde non occidental a toujours été et reste un modèle d'exploitation. Les Russes savent exactement par leur propre expérience des années 1990 ce que les Africains ont subi et continuent à subir.
Aujourd'hui, comme autrefois, l'Occident américano-centrique n'offre aux partenaires africains aucune forme de coopération basée sur une parité et égalité réelle, mais seulement l'extension d'un modèle relationnel déjà connu et qui ne représente pour toutes les nations africaines qu’une expérience peu enviable de l'ère post-coloniale.
La Fédération de Russie, de son côté, propose un dialogue parfaitement égalitaire et mutuellement bénéfique dans la pratique et non pas seulement dans les paroles et déclarations.
L'un des piliers de la politique étrangère russe à l'égard du continent africain consiste dans le principe que l'Afrique doit résoudre ses problèmes systémiques sur la base de ses propres structures et méthodes financières et politiques adaptées aux spécificités des sociétés et des cultures du continent africain. Avec l'effondrement du système colonial et l'indépendance, des structures politiques et financières, des réseaux d'interaction internationaux et des méthodes de type européen et sous le contrôle occidental de ces derniers se sont imposés sur le continent. Structures, réseaux et méthodes qui se sont avérés extrêmement inadaptés aux spécificités africaines. Plus d'un demi-siècle d'histoire contemporaine a démontré leur échec absolu.
Bien sûr, purement économiquement, la Fédération de Russie pèse sur le continent africain beaucoup moins que les États-Unis d'Amérique, l'Union européenne ou la Chine. Mais la Russie a des choses à offrir. Et ses propositions sont de nature existentielle pour l'avenir de l'Afrique. Il s'agit, d'une part, de la participation au renforcement et à la stabilisation de la sécurité sur le continent, y compris de la sécurité financière et alimentaire ; et, d'autre part, du transfert de technologies. Transfert de technologies dans divers domaines, comme dans l'énergie nucléaire, où la Russie est le leader mondial, et qui ont la capacité de changer la face de l’Afrique.
A l'avenir, la croissance de la population mondiale se fera principalement via le continent africain. Toutes les tendances démographiques le démontrent. Dans la seconde moitié du siècle en cours, chaque troisième ou quatrième habitant de la terre naîtra sur le continent africain, et la Russie ne peut que s'intéresser au développement maximal des relations bilatérales avec les pays africains. L'objectif du forum Russie-Afrique 2023 est d'élargir le vecteur de la coopération russo-africaine et de designer le plan de son développement à long terme.