XXIe siècle : la France redécouvre les aqueducs
Au sud de Lyon, la zone industrialo-portuaire, étape sur l'axe fluvial Marseille-Lyon rêvé par Emmanuel Macron, a pris l'eau... faute d'eau. Pour l'instant.
Une nouvelle fois, la justice a mis un coup d'arrêt à l'extension de la zone industrialo-portuaire en projet au sud de Lyon. Après avoir annulé la déclaration d'utilité publique (Dup), les juges ont fait sauter le dernier verrou (puisqu'il ne sera pas fait appel de cette décision) : les requêtes de la société publique locale Isère Aménagement (filiale du département de l'Isère) et du ministère de la Transition écologique afin que soit rétablie l'autorisation environnementale, annulée par le tribunal administratif de Grenoble.
Le projet ne visait pas seulement à s'étendre sur 221 hectares de plus. Ça c'est la partie visible. Il visait surtout à pomper allègrement dans une nappe alluviale déjà fort mal en point. Rappelons que l'étude d'impact estimait les besoins à 80 000 m3 par jour. Chiffre vite ramené à 2 000 m3 dans l'arrêté préfectoral. Ce qui interroge quant à la solidité du travail du cabinet d'études. 80 000 ou 2 000, finalement, peu importe car c'est encore trop a fait savoir la cour administrative d'appel de Lyon.
"Le projet par son ampleur, les besoins en eau qu'il génère, l'aggravation du déficit de la nappe résultant de l'accroissement des besoins sans planification équilibrée de la ressource en eau, alors même que l'impact de ce déficit présente déjà des conséquences (…) de nature à porter une atteinte irrémédiable à la préservation des habitats naturels identifiés (…), n'est pas compatible avec les objectifs et les orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2022-2027 du bassin Rhône-Méditerranée".
On aurait pu faire plus simple et plus vite : tenir compte des conclusions de la commission d'enquête qui avait en 2018 donné un avis défavorable à un projet qu'elle jugeait terriblement glouton en ressources. Les commissaires enquêteurs avaient jugé les prélèvements d'eau "inacceptables". Le projet a suivi son petit bonhomme de chemin et le président de la commission d'enquête a été derechef radié de la liste des commissaires enquêteurs. Pour la petite histoire sur laquelle on ne s'étendra pas (tout a été écrit ici), le commissaire enquêteur en question, Gabriel Ullmann, a depuis été réintégré après avoir porté l'affaire devant les tribunaux.
Pour le projet, c'est après quelques millions d'euros dépensés pour rien, le retour à la case départ. Du projet d'extension de la zone industrialo-portuaire dans le nord Isère, il ne reste qu'un moignon : 15 petits hectares au Nord. Pour l'instant, c'est manifestement suffisant pour (ne pas) accueillir des candidats à l'installation qui ne se pressent pas au portillon. C'est ainsi que l'usine de kératine de mouches s'est envolée et que l'arrivée du groupe Charles-André, annoncée en 2019, en est semble-t-il restée au stade de l'annonce. Compréhensible à l'aulne des procédures judiciaires alors en cours.
Depuis, la zone a été notoirement circonscrite au vu du niveau extrêmement bas de la nappe alluviale. A moins que... A moins que l'on parvienne, de manière plus ou moins artificielle, à recharger la nappe.