[ Feuilleton ] Rachat du siège du Crédit agricole à Grenoble : le parquet re-classe le dossier
Le procureur de Grenoble a estimé que la Ville de Grenoble n'avait pas commis d'infractions pénales en rachetant à des conditions désavantageuses pour le contribuable le bâtiment de la banque.
Podcast à suivre demain pour faire le point sur ces affaires
Une seconde fois, le dossier du rachat du siège de la caisse régionale du Crédit agricole par la Ville de Grenoble a été classé sans suite par le parquet. Dans un communiqué, le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, estime que les différents manquements et irrégularités constatées par la chambre régionale des comptes (CRC) ne constituent pas pour autant des infractions pénales.
L’enquête avait été rouverte en février dernier après avoir été classée sans suite une première fois en octobre 2019. En question, les conditions d’acquisition fin 2015 du bâtiment et du terrain où siège le Crédit agricole Sud Rhône Alpes.
Une transaction à 8 millions d’euros plutôt cher payée, comme le faisaient remarquer les magistrats financiers dans leur rapport. Les services municipaux évaluaient la valeur du bien à 5 millions d’euros. Le Crédit agricole en réclamait plus de 10 millions. Le choix avait été donc fait de couper la poire en deux alors que différentes estimations conduisaient à une valeur du bien entre 7 et 8 millions d’euros et que les parties s’étaient accordées sur ce prix.
Mais, dans le même temps, la Ville avait reloué le bâtiment à la banque, en attendant son déménagement sur la Presqu’île scientifique. A des conditions pour le moins intéressantes : 300 000 euros par an, soit quatre fois moins que le prix du marché pour 12 000 mètres carré de bureaux équipés, meublés, avec un restaurant d’entreprise et 200 places de parking.
Des conditions « critiquables » et « irrégulières »
Ainsi faisant, la Ville perdait 6,7 millions d’euros dans l’opération quand le Crédit agricole faisait, lui, l’économie d’au moins 1,6 million d’euros. Bref, des conditions d’acquisition et de financement non seulement «critiquables » mais également « irrégulières », soulignait la CRC.
C’est notamment sur la base de ce rapport – qui n’avait pas fait l’objet d’un signalement de la part des magistrats financiers contrairement à celui de la Fête des tuiles où le maire de Grenoble sera jugé… quand il sera jugé, voir plus bas – que le procureur avait une première fois estimé qu’il n’y avait pas d’infraction. Avant de rouvrir le dossier pour entendre l’élu d’opposition Alain Carignon.
« Monsieur Alain Carignon a été entendu le 12 mai par la police sur l’achat du siège du Crédit agricole, sans que son audition apporte des éléments d’appréciation complémentaires utiles à l’analyse déjà formulée par la chambre régionale de comptes ».
« L’analyse du parquet est par ailleurs confortée par le tribunal administratif de Grenoble qui indique […] que si les observations du rapport de la chambre régionale des comptes peuvent porter sur des manquements aux règles de droit de la concurrence, aux dispositions du code général des collectivités territoriales […] et aux règles budgétaires, ceux-ci n’apparaissent toutefois pas susceptibles d’être qualifiés d’infractions pénales ».
Ainsi, en France le juge administratif qui n’est pas un magistrat de l’ordre judiciaire rend des avis sur … des dossiers judiciaires.
Sur ce dossier, toutes les constitutions de partie civile – qui permettent aux parties d’avoir accès au dossier pénal – ont été rejetées par le parquet 1. Celle du porte-parole du groupe d’analyse métropolitain (Gam) qui le premier a mis le nez dans l’affaire. Tout comme celles de deux contribuables grenobloises défendues par Me Boulloud.
Des constitutions de partie civile rejetées également sur l’autre dossier qui met en cause le maire de Grenoble : la Fête des tuiles. Un dossier dont le cheminement est pour le moins chaotique. Prévu pour être jugé le 1er mars au tribunal correctionnel de Valence où l’affaire a été dépaysée, Eric Piolle ne saurait pas, à 20 jours de l’audience, si son procès est maintenu à cette date.
Le procureur de Valence qui, le 4 février, annonçait le report du procès, au second semestre 2022 soit après les législatives, n’en était plus si sûr une semaine plus tard.
« A l’issue d’une réunion préparatoire associant les avocats des parties (prévenus et victime) et portant sur l’organisation du procès […], la durée prévisible des débats conduit la juridiction, en accord avec les parties, à envisager le report de l’audience au fond sur deux journées au second semestre 2022 », expliquait (corrigeait ? rétropédalait ?) sur Place Gre’net le procureur de Valence Alex Perrin.
Plainte contre X pour favoritisme, faux et usage de faux en écriture publique, détournement de fonds publics et abus de confiance.