[ Edito ] Contre l'information, Mediapart quitte X
Enième caprice d'une insupportable petite bourgeoisie qui ne tolère pas de ne plus avoir le monopole de la parole.
Le placement en garde à vue d’Adrien Poirson-Atlan et de plusieurs autres personnes dans l’affaire Brigitte Jean-Michel Trogneux au motif fallacieux de harcèlement en ligne ? La tentative grossière de radiation du barreau de Juan Branco et un nouvel article à charge de Libération sur la base de témoignages anonymes ? L’article délirant “Le populisme contre la démocratie” de l’ineffable Rudy Reichstadt dans Le Parisien ? L’annulation des élections en Roumanie au motif que les Roumains ont mal voté ? La tentative de coup d’Etat en Géorgie malgré un scrutin jugé sincère par la mission d’observation électorale de l’OSCE ? La défaite de l’Ukraine donc de l’Otan et de l’EU aujourd’hui une réalité ? L’Occident s’allie en Syrie avec les pires djihadistes de la planète qu’il a passé trente ans à combattre au nom de la guerre contre le terrorisme ?
ll ne s’agit pas là de complots, juste des réactions de défense d’un système de pouvoir, d’une machine devenue folle qui, à un mois de l’investiture de Donald Trump, sait que ses jours sont comptés et usera de tous les moyens pour survivre.
Dernier épisode en date, Médiapart quitte X à compter du 25 janvier, date de l’investiture de Donald Trump. Qui ne s’en remettra pas ?
X n’a aucune valeur ajoutée assène doctement David Chavalarias, mathématicien du CNRS s’étant spécialisé dans l’exploitation des données recueillies sur internet. Nous allons donc le laisser se créer un “ safe space” sur Mastodon. Dans son ouvrage “Toxic Data” (en français dans le texte), il explique, selon Wikipedia, “comment dans le contexte des réseaux sociaux les biais cognitifs humains, les chambres d'écho, les bulles de filtre toxiques, la marchandisation des données sociales, les manipulations d'opinion assistées par IA, et les ingérences étrangères (notamment russes) peuvent influencer les opinions et les croyances des internautes, au risque de mettre les processus démocratiques en danger, notamment en polarisant les débats et en encourageant la radicalisation qu'ils engendrent.”
Mince alors ! Les réseaux sociaux ne sont que la manifestation dématérialisée des interactions sociales ! Quelle horreur ! Non parce que vous comprenez, les gens sont biaisés, il usent de leur liberté d’opinion pour penser tout et n’importe quoi et maintenant ils peuvent le dire ! Et des militants, des groupes d’intérêts, des entreprises, des Etats utilisent ce moyen de communication pour tenter de s’attirer les faveurs du public ! Enfer et damnation !
Dans le monde bien ordonné qu’appellent ces gens de leurs vœux, eux seuls doivent être les émetteurs dispensant la vérité en paraissant dans des médias fonctionnant à sens unique. La partie “participative” de Mediapart n’est qu’un simple argument commercial. Notez que le compte X de Mediapart est à ce jour toujours actif, puisque le départ est annoncé le 25 janvier 2025. Il importe donc davantage de le faire savoir plutôt que de le faire, simple posture.
Personne en démocratie ne détient la vérité. La vérité s’établit par un long processus social contradictoire, voire conflictuel. La vérité n’est pas permanente, à moins de nier l’idée même de progrès. Le journaliste ne se préoccupe pas de la vérité, il n’est ni juge ni prêtre. Il s’attache à décrire et à analyser la réalité. Son matériau? Les faits, tous les faits, et rien que les faits (y compris ceux qui lui déplaisent), sans faire de morale ni former l’opinion publique mais en n’étant guidé que par l’intérêt du public.
N’y a t-il pas quelque chose d’à la fois profondément pathétique et d’irritant de voir ces pères-la-morale organiser avec tambours et trompettes leur départ du réseau social d’Elon Musk ? Ne peuvent-ils pas partir en silence ? Non, bien sûr, il faut une émission spéciale durant laquelle des gens qui se sont arrogés le monopole de la parole pontifient sur la démocratie et sur pourquoi eux seuls en sont garants. Cette camarilla de petit bourgeois urbains qui depuis 1968 fait littéralement profession de coloniser les esprits est tellement aliénée qu’elle n’a plus conscience de dérouler en plein jour l’ensemble du playbook, du modus operandi du complexe industriel de censure importé directement des USA.
Le titre même de l’émission spéciale que consacre Mediapart à son départ de X, “Musk, réseaux sociaux, journalisme : résister face au chaos de l’info” semble tout droit sorti de la doxa du Aspen Institute et de sa Commission sur les désordres de l’information. Ceux qui sont trop bêtes ou trop fainéants pour faire l’effort de comprendre le monde et pour accepter que leur compréhension du monde ne sera jamais que très partielle, essaient par tous les moyens de le réduire à leur propre image. D’où le complexe industriel de la censure opéré par les Etats, et auquel participent activement la plupart des médias avec d’autant plus de zèle qu’ils sont grassement payés. Dernier exemple en date avec Reuters et le prix Pulitzer (à noter que le New York Times et le Washington Post ne se sont pas vu retirer le prix Pulitzer obtenu avec le Russiagate, un monceau d’infox abouti pourtant établi).
Les mensonges, manipulations et autres bidonnages des médias sont immédiatement débusqués sur les réseaux sociaux. Comme par exemple cette énième mise en scène de CNN et de sa “journaliste” spécialiste du genre (toujours pas licenciée), Clarissa Ward, la fausse libération d’un faux prisonnier politique, prétendument enfermé depuis trois mois sans sanitaire avec le minimum vital en eau et nourriture... Cela n’a pas tenu une demi-heure malgré toute la presse unanime qui a relayé sans rien vérifier. Ce sont donc les réseaux sociaux qui ont fait le travail des journalistes, vérifié les faits et démasqué l’imposture.
On peut penser ce que l’on veut d’Elon Musk, mais avec son rachat de Twitter, il a non seulement créé un indéniable espace d’exercice de la liberté d’expression mais, notamment avec “les notes de la communauté”, a également contribué à mettre les médias et les journalistes face leurs responsabilités - ce qu’ils ne supportent pas. Etre tenu responsables de leurs actes par le public qu’ils sont censés informer, quoi de plus antidémocratique.
Carine Fouteau, la directrice de la publication de Mediapart, y va de la complainte aux méchantes Gafam. Les Gafams ne cherchent pas diviser qui que ce soit. Elles ont besoin de contenu. Leurs opérations de censure de masse tant durant la Covid que lors de la campagne présidentielle de 2020 viennent de leur péter à la figure. Les Gafam se battent pour les revenus publicitaires. Pas de publicité sur Mediapart. Où est donc le problème Mme Fouteau - hors mis que les Gafam ne sont pas enclines à rémunérer convenablement les droits voisins ? Les Gafam posent indéniablement de graves problèmes car ce sont des monopoles de fait, mais pas ceux dont se plaint Mme Fouteau. Par ailleurs, X n’est pas une Gafam.
Quant au sempiternel argument des milliardaires, sans les fonds d’un certain Xavier Neil, Mediapart n’existerait pas, puisqu’il a participé en 2008, dès sa création, à deux levées de fonds de la société des amis de Mediapart pour un total de 200 000 euros. La rédaction du journal s’en explique de manière parfaitement hypocrite dans cet article. Elle avance que puisque Xavier Niel ne détient que 17,58 % du capital de la société des amis de Mediapart, donc par incidence que 2,95% du capital de Mediapart, il n’a aucun impact sur le travail de la rédaction. C’est sans doute vrai mais cela n’a aucune espèce d’importance.
Nous n’épiloguerons pas sur les effets d’avoir M. Niel au capital, par exemple pour l’obtention de concours bancaires. Pas plus que nous nous étendrons sur cet autre fait : influence n’est pas contrôle. Les participations de M. Niel dans des médias, comme celles de tous les oligarques français exception faite de Vincent Bolloré qui a construit un véritable groupe d’édition, sont avant tout défensives - il importe que certaines choses ne soient pas publiées. Pas besoin d’influencer les rédactions quand le seul fait de détenir des médias suffit à faire plier les pouvoirs politiques. Et les journalistes parisiens prêts à faire des ménages pour une petite enveloppe sont légions - non pas qu’ils soient pauvres, il sont juste avides.
Nous ne parlerons pas du trésor de guerre que Mediapart s’était constitué en s’auto-appliquant de 2008 à 2014 le taux de TVA réduit de 2,1% réservé à la presse papier. Attaquant la décision de l’administration fiscale qui lui avait infligé une pénalité de 1,4 million d’euros, Mediapart s’était vu exonéré de cette pénalité en première instance au motif de sa transparence avec l’administration fiscale, pour se faire aligner en appel puis en cassation.
Mais revenons au complexe industriel de censure. Une fois encore, nous vous encourageons à lire le long dossier de Jacob Siegel sur ce sujet.
Nous avons usé plus haut de la formule “colonisation des esprits”. C’est de ce dont il s’agit, depuis la gigantesque campagne de propagande organisée par Edouard Bernes afin de convaincre les Américains de la nécessité de se lancer dans la Première Guerre mondiale. Le seul ressort efficace de la propagande a été toujours été la peur. On a donc à l’époque attisé la peur d’un ennemi extérieur. Même chose durant la guerre froide.
Depuis la chute du mur, ce système s’est retourné contre ses propres citoyens. Depuis près de quarante ans, ce sont ceux qui n’avalent pas les couleuvres qui sont désignés comme ennemis de l’intérieur : fascistes, racistes, antisémites, homophobes, sexistes - vous connaissez la litanie des noms d’oiseaux utilisés pour provoquer des morts sociales. Tenez, voyez Paloma Moritz, journaliste chez Blast!, nous faire un exercice d’inversion accusatoire (à ne pas reproduire chez vous). Elle est tellement aliénée qu’elle assimile toute forme de critique de l’idéologie qu’elle relaie à la fachosphère. Si cela n’est pas désigner un ennemi de l’intérieur…
Mais Paloma Moritz exprime également la sainte terreur qui a saisi les establishments et les marigots politico-médiatiques en Europe: le même mouvement qu’aux USA y surviendra, d’une manière ou d’une autre, par les urnes ou pas, dans le calme ou pas. Ceux qui depuis quarante ans exercent un magistère moral, forcément usurpé et dont ils ont abusé, seront chassés. Le “globalisme” promu par des idéologues comme David Rockefeller, George Soros, Klaus Schwab, Jacques Attali? Un désastre total. Ses deux principaux avatars, l’OTAN et l’Union européenne, des échecs patents.
Ceux qui comme Rudy Reichstadt clament que la démocratie est un éthos vont se prendre le démos en plein poire. Ils ne l’auront pas volé. Ce sera un spectacle réjouissant, et pas que par schadenfreude 1.
Joie que l’on éprouve en observant le malheur d’autrui