[ Info L'Eclaireur ] Partenariat STMicro-GlobalFoundries : l'américain sur la réserve
Malgré les annonces gouvernementales portées sur les fronts baptismaux européens en 2022, le fondeur américain n'a pas encore mis un pied sur le site. Et est toujours sur la réserve pour 2024.
Le partenariat entre le franco-italien STMicroelectronics et l’américain GlobalFoundries (GF) poussé par Thierry Breton et annoncé en grandes pompes par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire en juillet 2022 battrait-il de l’aile ? Entre le retournement (temporaire ?) du marché des semi-conducteurs qui après une pénurie affronte sans surprise une crise de surproduction et le retour à la case départ réglementaire, le projet de doubler la production de puces sur le site de Crolles en Isère traverse dans le meilleur des cas une mauvaise passe. Comme quoi, quand les politiciens se mêlent de ce qu’ils ne connaissent pas ni ne comprennent à seules fins de communication, ça se passe toujours mal.
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En juin 2023, le ministre de l’Economie annonçait de manière très officielle le début de la production de la méga-usine de semi-conducteurs. On vous remet le communiqué là. De manière assez étonnante quand on sait que ledit projet est soumis à tous un tas de procédures réglementaires avant d’obtenir le feu vert du préfet et que ce processus, un brin court-circuité comme L’Eclaireur vous le rapportait, doit être repris quasiment à zéro. La concertation préalable avec le public, qui avait été zappée, vient d’ailleurs de commencer.
Côté production justement, on peine à voir concrètement quoi que ce soit. Le projet d’extension, lancé depuis de nombreux mois sans GlobalFoundries, est semble-t-il suspendu. Toutes les personnes que nous avons contactées confirment n’avoir jamais vu l’américain sur le site, et encore moins ses machines. Et la plupart à vrai dire s’en moquent un peu.
De fait, GlobalFoundries se dit réservé. “Bien qu’il y ait un large consensus sur le fait que le marché des semi-conducteurs va atteindre 1000 milliards de dollars au début des années 2030, l’industrie a été confrontée à un fort déclin de la demande en 2023, demande qui ne s’est pas rétablie pour 2024. L’investissement de GF à Crolles sera en phase avec l’évolution de la demande”, répond Jens Drews, le directeur de la communication de GlobalFoundries à L’Eclaireur. Comprendre : nous ne voulons pas créer de la surcapacité et notre priorité est d’investir aux Etats-Unis.
Rappelons que l’américain s’était engagé à prendre 58 % de la production et créer une vingtaine d’emplois, sur les 1 000 initialement annoncés. Moyennant quoi, l’Etat français doit verser 2,9 milliards d’euros, sur les 7,5 milliards du projet, sans que l’on sache comment la subvention se ventile entre les deux partenaires industriels.
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En attendant, il n’y a pas qu’en Isère que ça tangue. D’après Marc Endeweld dans Marianne, l’Etat italien s’opposerait à la reconduction du français Jean-Marc Chéry à la tête du conseil de surveillance de STMicroelectronics. Rappelons que la France (via la Banque publique d’investissement) et l’Italie détiennent chacun 13,75 % du capital au sein d’une holding de droit néerlandais. Un capital où on retrouve, pour environ 10 %, différents fonds américains dont BlackRock ou le groupe Vanguard. De la sorte que, au sein du comité exécutif et du conseil d’administration, face aux responsables italiens, américain ou encore néerlandais, la France pèse peu, à hauteur d’un tiers.
En 2023, l’ex-ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg avait sur Elucid pointé le risque de perte de souveraineté d’un partenariat avec GlobalFoundries, d’autant plus que STMicroelectronics, qui avait déjà lancé son projet (c’est le projet Gateway), n’avait pas demandé de s’allier avec l’américain. De l’art de se tirer une balle dans le pied ?
“Les puces produites sur le territoire français peuvent tomber sous les règles d’extraterritorialité américaines”, mettait en garde Arnaud Montebourg. “Ils (les composants électroniques venus de Crolles, ndlr) sont concernés par le régime Itar qui permet aux Etats-unis de bloquer la vente à l’exportation de tout produit entrant dans leur industrie spatiale ou d’armement”.
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