Les drôles de comptes du numéro 2 des domaines skiables en France
Aux Deux-Alpes, c'est la Sata qui fait tourner les remontées mécaniques. Et le contribuable qui se porte garant du financement du plus gros des investissements. Nouveau dérapage ?
Aux Deux-Alpes, les travaux du téléphérique 3S suivent leurs cours. Un chantier colossal, “l'un des plus conséquents de l'arc alpin européen”, colonne vertébrale d’une station désormais exploitée par la Sata, la société d’aménagement touristique de L’Alpe d’Huez et des Grandes Rousses, le numéro 2 des domaines skiables en France. Un chantier hors-normes pour un dossier… hors-normes ?
L’Eclaireur vous avait relaté dans quelles conditions avait été attribué le contrat de délégation de service public (DSP) des remontées mécaniques au groupe Sata. Comment la justice y avait mis son nez, l’administrative d’abord. Un volet du reste pas clos. L’ex-délégataire du domaine skiable, la société Deux Alpes Loisirs qui conteste la résiliation anticipée du contrat, et les communes ayant toutes deux fait appel de la décision en première instance. Pour le détail, lire ou relire nos articles ici.
La justice pénale suit. Depuis 2021, le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme dans l’attribution du marché à la Sata.
Pendant ce temps, sur les pistes de ski, l’élément clé du contrat, celui par qui vient la contestation, celui au cœur de l’enquête judiciaire, le téléphérique 3S, trace sa voie. Chaotique.
Estimée à 68 millions d’euros, la facture du 3S a sérieusement dérapé. Jusqu’à s’envoler à 145 millions d’euros, avant d’être ramenée, après discussions avec les entreprises chargées du chantier, à 135 millions d’euros. A cause de l’envolée des prix des matériaux ? A cause de la révision du tracé, la ligne étant désormais prévue sans discontinuité entre 1 600 et 3 200 mètres ? Aux rajouts successifs, garages, restaurants… comme le justifiait le maire de L’Alpe d’Huez lors du conseil municipal le 11 novembre – et comme ne s’en ait curieusement pas justifié le maire des Deux-Alpes, pourtant questionné publiquement à ce sujet ?
Ces éléments suffisent-ils à expliquer une telle embardée budgétaire ? On se rappelle que Deux Alpes Loisirs, candidat malheureux à la DSP, avait lors de l’appel d’offres estimé l’investissement à 89 millions d’euros, moyennant certes un arrêt supplémentaire mais qui n’explique pas, selon la filiale de la Compagnie des Alpes, une telle différence de coût.
“Il y a une sous-évaluation de l’investissement sur le 3S”, soulignait à l’époque Antoine Pirio contacté en 2020 pour Place Gre’net. “On a fait faire trois devis, tous peu ou prou à 5 millions d’euros près. On a retenu le moins disant”.
Le budget du 3S a-t-il été volontairement sous-estimé afin de pouvoir remporter le marché ? La question se pose d’autant plus que le projet avance à marche forcée.
Passons outre que de nombreux témoignages et des photos en notre possession font état de travaux, et notamment de terrassement, lancés avant même que le permis de construire soit accordé. Détail : durant cette période, les webcam étaient inopérantes. Passons outre le fait que les travaux au niveau de la gare de départ se font sur une parcelle propriété de Deux Alpes Loisirs sans que cette dernière ait donné une quelconque autorisation.
Passons outre que ce 3S à 135 millions d’euros ne peut en l’état être financé sur les fonds propre de la SATA. L’Eclaireur vous entretenait de ce dernier rebondissement ici, présenté de manière quelque peu cavalière aux élus. Il ne s’agit pas d’un emprunt mais d’un crédit-bail, donc plus cher et aux taux d’intérêts plus élevés . Les communes, Les Deux Alpes et Saint-Christophe-en-Oisans, qui l’ont voté 1 avaient-elles le choix ? Les élus ont en tout cas eu quelque pression avant le vote.
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