Rénovation énergétique des logements : l'art de faire péter la baraque
Mal préparée, pas évaluée, la politique de rénovation énergétique des logements et son lot d'interdictions risque fort de se retourner contre les ménages les plus pauvres. Etudes à la clé...
Nous vous avons relaté comment la mise en place des zones faibles émissions (ZFE), censées venir améliorer la qualité de l’air en excluant de plus en plus de véhicules, était aussi fragile que bancale. Issue d’une loi mal rédigée, ses bases plus que douteuses – la vignette Crit’air – laissent fort à penser que tout ceci va finir dans le mur.
A lire ici : Zones faibles émissions : l'écologie pour les nuls
Pour la rénovation thermique et énergétique des logements, c’est pareil. Comme les ZFE, l’”interdiction” de louer les logements les plus énergivores (un demi-million environ1 ), entrée en vigueur le 1er janvier 2023, est née de la loi Climat et résilience. Loi issue la Convention citoyenne pour le climat.
Petit rappel au préalable. Il ne s’agit pas d’une obligation de rénovation énergétique, et donc d’une interdiction formelle de louer, comme le réclamaient des députés de l’opposition. Mais d’un recours supplémentaire donné au locataire, qui pourra se retourner contre son bailleur si celui-ci n’a pas réalisé de travaux et que son bien dépasse le seuil de consommation maximal fixé par la loi. De quoi venir alimenter un contentieux qui devrait ravir les présidents de tribunaux dont la charge devient exponentielle… (fin de la parenthèse digressive)
Sauf que, comme pour les ZFE, si l’intention de lutter contre la précarité énergétique et d’éradiquer les passoires thermiques est louable, en se frottant à la réalité, le dispositif est en train de se lézader.
Comme pour les ZFE, le gouvernement a joué la carte des dérogations. Une loi qui doit s’appliquer à tous et immanquablement assortie d’exceptions catégorielles qui feront qu’elle ne sera jamais appliquée mais donnera naissance à une énième usine à gaz bureaucratique.
Ainsi donc les locations saisonnières sont-elles sorties du dispositif. Comme l’interdiction de louer, l’interdiction d’augmenter le loyer des logements mal classés ne concerne pas les locations touristiques. Au risque de réorienter les propriétaires (déjà refroidis par la hausse de la taxe foncière comme à Lyon ou Grenoble, lanterne rouge) vers la voie de la location saisonnière, le AirB1B, d’appauvrir le marché de la location à l’année et de le rendre encore plus tendu qu’il ne l’est déjà dans certaines villes. Et donc, in fine, de se traduire par une augmentation des loyers là où ceux-ci ne sont pas encadrés.
Résultat de la lutte contre la précarité énergétique, encore plus de précarité…