[ "Groupe" Avec ] Inquisition à l'Aappui
Le "groupe" de Bernard Bensaïd utilise-t-il des méthodes inquisitoires pour se débarrasser d'employés protégés qui ruent dans les brancards ?
Depuis le début de notre enquête sur le “groupe “ Avec il y a plus de deux ans, nous recueillons souvent des témoignages de gestion du personnel par la peur pour les petites mains et par la gratification pour les cadres, qui sont les instruments de cette peur. Disposerions-nous aujourd’hui d’une illustration de ce style de “management” ?
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Nous avons déjà relaté la situation difficile de l’Association d’aide aux personnes par une Intervention (Aappui) sise à Meylan. Elle ne date certes pas de sa reprise par Bernard Bensaïd, mais elle ne s’est pas non plus améliorée depuis.
De sources syndicales, nous savons que l’ensemble des associations d’aide à domicile présidées par Bernard Bensaïd est au bord de la faillite. L’honnêteté nous oblige à souligner que l’ensemble du secteur est sinistré.
Le “groupe” Avec en revanche utilise les trésoreries des associations dans son orbite pour renflouer d’autres entités ou bien pour procéder à des acquisitions d’actifs. Comme l’achat des murs de l’Ehpad La Maison des Roses à Valencienne pour 7,5 millions d’euros. Il a été financé à concurrence de 6,2 millions sur les fonds propres et la trésorerie de l’Association mosellane d’aide aux personnes âgées (Amapa), dont les comptes présentaient à l’époque plus de 10 millions d’euros de dettes sociales. Les organismes de collecte seront ravis d’apprendre qu’ils financent le patrimoine immobilier de M. Bensaïd détenu par une myriade de SCI dont il est le principal bénéficiaire.
Un employé de l’Aappui, suppléant au Conseil social et économique (CSE) et à la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) pour Auvergne Rhône-Alpes, PACA et la Corse du “Groupe” Avec, a fait l’objet d’une enquête externe pour harcèlement diligentée par la direction des ressources humaines. Claire Zimmerman est la directrice des ressources humaines de la branche médico-sociale du “groupe” Avec.
Si l’employeur a l’obligation de prendre les mesures adéquates pour faire cesser tout harcèlement dont il aurait connaissance et de diligenter immédiatement une enquête interne, les modalités de ces enquêtes ne sont pas formalisées dans le code du travail. C’est donc la jurisprudence qui prévaut. Autant dire que le législateur a créé une considérable zone grise qui a pour effet d’engorger les tribunaux.
Le harcèlement moral et/ou sexuel est une arme à double tranchant. Si dans la plupart des cas les gens qui s’en estiment victimes le sont, certains employés et certains employeurs le détournent à leur avantage. Le harcèlement est particulièrement difficile à démontrer quand on ne dispose pas d’éléments matériels (courriels, enregistrement de réunion, d’appel téléphoniques, vidéosurveillance etc.). La plupart des enquêtes se basent donc sur des témoignages.
Plusieurs spécialistes du harcèlement en entreprise contactés par nos soins soulignent avec force qu’il est toujours préférable de diligenter dans un premier temps une enquête externe qui va permettre de confirmer ou d’infirmer la suspicion de harcèlement. Il devra ensuite être établi par une enquête interne étayée par les déclarations écrites et nominatives des employés s’estimant harcelés ou ayant été témoins du harcèlement, avant que l’employeur ne puisse prendre des sanctions disciplinaires. On ne peut pas sanctionner ou licencier sur la seule base de “on-dit”. Il faut des éléments tangibles. Sans compter que dans la majorité des cas, le harcèlement relève d’un abus de pouvoir hiérarchique.
Aappui a décidé de confier ce dossier à un intervenant externe. L’enquête s’est déroulée d’avril à octobre 2023. L’intervenant a entendu confidentiellement une dizaine d’employés, témoignant volontairement, dont la directrice, Mme Perritaz-Revigliono. Voici la conclusion du rapport de synthèse de l’enquête, que nous avons pu consulter.
“L’analyse met en évidence des faits de suspicion de harcèlement moral et d’autres agissements passibles d’une sanction disciplinaire comme de la maltraitance, aussi Aappui est en mesure de sanctionner de façon proportionnée la salariée concernée.”
Comme toujours, il faut aller au-delà des apparences et creuser pour essayer de comprendre ce qui est à l’origine de cette situation et s’il n’y aurait pas anguille sous roche.
L’employé mis en cause est protégé (donc très difficile à licencier) car élu du personnel. Cet employé n’occupe pas un poste à responsabilités mais administratif, il n’a personne sous ses ordres. Dans le cadre de l’exercice de son mandat d’élu du personnel, il a procédé, d’après des documents que nous avons pu consulter, à plusieurs alertes auprès de la direction du travail et de l’autorité de tutelle qui finance Aappui et lui a délivré son agrément : le Conseil départemental de l’Isère.
Une de ces alertes datant d’août 2021 portait sur le non-versement de certaines primes “MIG crise” mises en place par le Département de l’Isère au moment de la Covid. Ces primes, financées par la collectivité, devaient pourtant être versées dans leur intégralité aux employés, comme stipulé dans le contrat de moyens et d’objectif signé par l’Aappui. Nous ignorons si la situation a été régularisée depuis.
En avril 2022, cet employé a signalé la vente de deux véhicules de fonction en 2019 et 2020 respectivement à l’ancienne directrice et à la directrice adjointe, Mme Perritaz-Revigliono, devenue entre temps directrice d'Aappui.
Ce point avait déjà été soulevé lors du CSE des 24 et 25 novembre 2021, sans que la direction des ressources humaines y apporte une réponse.
Ces ventes posent question car les véhicules, deux Nissan Micra faisant l’objet de leasing contractés par l’association, ont été cédées aux deux personnes susnommées pour des montants proches de l’option d’achat prévue au contrat de leasing. Les documents que nous publions ci-après nous ont été remis en janvier 2023 et ne proviennent pas de l’employé dont il est question dans cet article.
Mme Peritaz-Revigliono a pu acquérir à son employeur le 3 mars 2020 un véhicule pour la modique somme de 218,66 euros. Ci-après copie du certificat de cession. Sollicitée par nos soins, Mme Perritaz-Revigliono ne nous avait pas répondu au moment de la parution de cet article.
Ces véhicules étaient bien immatriculés au nom d’Aappui. Quand une société ou une association vend des actifs intégralement amortis, la règle est de le faire à leur valeur vénale ou proche. Même si un leasing est par nature hors-bilan, la question du transfert de la valeur vénale se pose puisque l’exercice de l’option d’achat est bien un transfert de propriété à valeur vénale.
La cote d’une Nissan Micra cinq portes de 2014 se monte aujourd’hui à 6 528 euros, d’après le site La Centrale.
Ces deux ventes à des prix dérisoires sont intervenues alors qu’Aappui présentait un compte de résultat déficitaire de près de 300 000 euros. Un avantage de plusieurs milliers d’euros a été concédé tant à l’ancienne qu’à l’actuelle directrice alors que la situation financière de l’association était mauvaise.
Faut-il y voir une forme de gratification ? Quoiqu’il en soit, la différence entre le prix d’achat et la valeur réelle des deux véhicules est telle qu’elle indiquerait que la cession n’aurait pas été faite dans l’intérêt de l’association, qu’il s’agirait d’un acte anormal de gestion.
La directrice et la sous-directrice étant les acheteuses, ne s’aventurerait-on pas dangereusement, si ces dernières détenaient délégation de signature, sur un terrain pénal ? Il semble bien que la signature sur les cartes grises barrées et le certificat de cession ci-dessus soit celle de l’ancienne directrice.
Comment s’étonner que cet employé, qui a pris le risque de signaler les faits problématiques à chaque réunion du CES, à l’inspection du travail et au département de l’Isère, fasse l’objet d’une tentative d’écartement ? Il a d’ailleurs été convoqué récemment pour un entretien préalable en vue de son licenciement.
Comment s’étonner que cet employé, voyant des aides ménagères employées à temps partiel pour des salaires de misère sans rapport avec la pénibilité de leur tâche et devant emprunter les transports en commun pour se rendre d’un bénéficiaire à l’autre, ne ressente pas comme une injustice les avantages que s'octroie la direction? Certains courbent l’échine et continuent. D’autres partent sans un mot. Les derniers, peu nombreux, ne se résignent pas.
L’ambiance et les conditions de travail au sein de l’Aappui sont-elles aussi bonnes qu’on le dit?
La réponse est manifestement non. Heures supplémentaires non payées ou très en retard; intervenant de nuit travaillant également la journée – jusqu’à 86 heures par semaine – ne recevant pas paiement de son indemnité kilométrique; personnel non formé envoyé assister des bénéficiaires souffrant de handicap lourds, ce qui a provoqué des accidents du travail suffisamment graves pour causer des incapacités de longue durée. Incapacité constatée par le médecin du travail pour laquelle l’employé est… licencié.
Le commissaire aux comptes a lancé le niveau 3 de sa procédure d’alerte, ce qui signifie que la continuité de l’exploitation de l’association est menacée et que les mesures prises par le conseil d’administration et le président ne donnent pas satisfaction.
Aappui a fait l’objet d’une inspection du conseil départemental de l’Isère le 29 septembre 2023. Concluant à un niveau élevé d’exposition au risque, le rapport relève :
“Un écart et 17 remarques, dans les conditions installations, l’organisation, et le fonctionnement de cet établissement au Code de l’action sociale et des famille (Casf) ou bien correspondant à des risques susceptibles d’affecter la prise en charge des personnes qui sont accueillies ou le respect de leurs droits.”
“Pour chacun de ces 18 constats, je vous précise six injonctions, une prescription et cinq recommandations envisagées afin d’y remédier dans les délais fixés.” 1
A noter que le directeur des opérations Sud de la société DG Help dirigée par Bernard Bensaïd apparait, comme le remarque le conseil départemental, dans l’organigramme d’Aappui au même niveau que la directrice alors qu’il n’est pas employé de l’association. Les prestations de gestion et informatiques fournies par le “groupe” Avec ne correspondent pas à celles réellement utilisées par l’association 2.
Comme nous l’avons constaté dans les activités d’hébergement touristique et de santé du “Groupe” Avec, l’exact même système est à l’œuvre dans celui de l’aide à domicile. Il consiste à siphonner le maximum de fonds possibles en facturant par convention des services dont le prix et la réalité sont parfois douteuses et à disposer d’éventuels excédents de trésorerie directement du compte en banque des associations. Et bien sûr payer les fournisseurs le plus tard possible et les employés le moins possible. Ce que M. Bensaïd appelle de la solidarité n’est-il pas plus prosaïquement de la prédation ?
En cas de non mise œuvre de ces six injonction et de la prescription dans les délais fixés, l’association peut être redevable d’une astreinte journalière d’une montant maximum de 500 euros et d’une interdiction de gérer toute nouvelle autorisation délivrée le président du Conseil départementale pour une durée maximum de trois ans (…) et d’une sanction financière pouvant atteindre 1% du chiffre d’affaires réalisé en France dans le champ de l’activité en cause.
Le conseil départemental exige la mise en concurrence des fournisseurs de service dans les 12 mois, ainsi que l’élection des administrateurs lors de l’assemblée générale.
Merci pour ces articles, pour info la chute a commencé : les cliniques de st lo et coutances sont en RJ
https://www.ouest-france.fr/sante/en-redressement-judiciaire-les-cliniques-de-coutances-et-de-saint-lo-sont-a-vendre-34dd583a-c5dc-11ee-8011-b976796527e7