
[ Groupe Avec ] Tant d'arguties, quelle avanie !
Les avocats de Bernard Bensaïd ont publié un communiqué de presse qui donne un aperçu de leur stratégie de défense.
Ce communiqué de presse, daté du 23 juillet 2023, peut être consulté ici.
Bernard Bensaïd jouit de la présomption d’innocence. Nous ne cherchons pas ici à faire son procès par anticipation mais à contraster les déclarations de ses avocats à la presse avec des faits avérés, établis, documentés publiquement, notamment par L’Eclaireur qui enquête sur le groupe Avec depuis près de deux ans.
Cet article revêt un intérêt public, nous le laissons donc en accès libre.
Il est le résultat d’une enquête d’une quinzaine d’épisodes parus à ce jour, un travail débuté il y a près d’un an et qui se poursuit encore. Afin de garantir sa totale liberté et son indépendance, L’Eclaireur a fait le choix de ne pas faire appel à la publicité pas plus qu’au financement participatif, ni à aucune aide publique ou privée. Nos informations, notre liberté et notre indépendance ont un coût : celui de vos abonnements.
Dans leur rappel des faits, les quatre avocats de M. Bensaïd qualifient de “méthode procédurale contestable” le placement en garde à vue le 9 janvier 2023 de leur client, au motif qu’il était convoqué pour une audition libre le 13 janvier suivant.
Une personne peut être mise en garde à vue s'il lui est reproché un crime (infraction la plus grave punissable par une peine de prison) ou un délit (acte interdit par la loi et puni d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans). Pour cela, il faut l’existence de raisons valables pouvant faire croire que la personne a commis ou tenté de commettre une infraction.
Après réception de la plainte des syndicats FO et CGT que lui avait transmis le parquet national financier, le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire. C’est en apprenant que Bernard Bensaïd projetait de ponctionner la trésorerie du GHM de 2,7 millions supplémentaires que la décision d’interpeller Bernard Bensaïd a été prise, alors que le commissaire aux comptes du Groupe hospitalier mutualiste (GHM) avait de son côté saisi le président du tribunal judiciaire dans le cadre de la procédure d’alerte qu’il avait lancé conformément à ce qu’impose la loi.
Le parquet de Grenoble a décidé d’avancer la mise en garde à vue de Bernard Bensaïd afin de prévenir cette nouvelle ponction et d’éviter la commission d’un nouveau délit potentiel de détournement de fonds publics.
Les avocats de M. Bensaïd poursuivent en affirmant que les conventions de service signées avec lui-même en tant que président du GHM et PDG de la société Avec SA sont régulières. Elles le sont tellement qu’elles ont été annulées une première fois par la justice…
La régularité des conventions n’a aucune espèce d’importance dans la qualification de délit de prise illégale d’intérêts pour lequel Bernard Bensaïd a été mis en examen. L’article 432-12 du code pénal pose que la prise illégale d’intérêts est “le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ».
Un établissement privé de santé d’intérêt collectif (ce qu’est le GHM) participe au service public hospitalier, contrairement à ce qu’affirment les avocats de Bernard Bensaïd. Bernard Bensaïd, président du GHM, est donc une personne chargée d’une mission de service public. Le “groupe” Avec n’est pas un groupe, et encore moins un groupe mutualiste puisque l’entité qui en serait le chef de fil est une société commerciale, qui ne saurait être la “maison mère” d’entreprises à but non lucratif.
Les fonds alloués par l’Etat au titre de la tarification à l’activité ou autres viennent abonder à la trésorerie du GHM, allègrement ponctionnée par Bernard Bensaïd. Puisque ces fonds ont été captés par le truchement d’une mutuelle - Doctocare, une coquille vide agissant alors comme une entité écran - au bénéfice de la société Avec SA, ils ont possiblement été détournés de leur destination, à savoir le financement du service public hospitalier. Leur éventuel remboursement ne change rien à l’affaire. D’où la mise en examen de Bernard Bensaïd pour détournement de fonds publics.
“Au-delà de la personne de Bernard Bensaid, c’est en réalité l’opération de reprise il y a trois ans de l’UMG-GHM qui est mise en péril pour des motivations partisanes et critiquables, alors que celle-ci a été réalisée de manière pleinement régulière et transparente au cours d’un processus public et concurrentiel” poursuivent les avocats du “groupe” Avec.
C’est effectivement le cas puisque Grenoble Alpes Métropole a déclenché des poursuites en ce sens, d’autant qu’il existe certains faits troublants qui ont présidé à la substitution des mutuelles il y a trois ans. Comme le fait qu’aucune offre concurrente n’ait été examinée par le conseil d’administration du GHM. Comme le fait que ce n’est pas le conseil d’administration qui a voté la substitution des mutuelles mais le bureau, ce qui semble irrégulier. Comme le fait que les deux mutuelles présidées par Bernard Bensaïd s’étant substituées à Adrea et aux Mutuelles de France de l’Isère étaient financièrement dans l’incapacité d’apporter les fonds puisque les Mutuelles de France du Var sont en redressement judiciaire depuis 2014 et que Doctocare est une coquille vide sans activité ni fonds propres. D’où proviennent donc les fonds qui ont permis la substitution ?
Nous passerons sur les allégations des avocats de M. Bensaïd de dérives de l’administration provisoire décidée par la justice, qui résultent du fait que les administrateurs agissent dans l’intérêt du GHM, pas dans celui des sociétés de Bernard Bensaïd, qui ne gère plus le GHM et n’a plus accès à ses comptes en banque.
Il est vraisemblable que les juges d’instruction en charge du dossier devront demander des réquisitoires supplétifs tant le système mis en place par Bernard Bensaïd semble être baroque. Cela ressemble fort à un système de cavalerie financière par lequel Bernard Bensaïd utilise des entités à but non lucratif pour s’enrichir personnellement, comme nous l’avons montré avec le rachat de l’Ehpad “La maison des roses”, rachat financé très majoritairement par l’Association mosellane d’aide aux personnes âgées (AMAPA) alors que Bernard Bensaïd est le principal bénéficiaire de la Société civile immobilière propriétaire des murs de l’Ehpad.
Nous avons également démontré que Bernard Bensaïd procédait à des jeux d’écriture entre sociétés afin d’en améliorer les bilans de manière artificielle. Comme en août 2022, en faisant racheter par Avec SA les actions détenues par DG Hotels dans DG Santé pour un montant de 18,2 millions d’euros. Valorisation fantaisiste puisque représentant vingt fois les fonds propres de DG Santé (845 000 euros en 2020). Rachat est dans ce cas un bien grand mot puisque la contrepartie n’est à notre connaissance pas un règlement mais l’émission d’une créance sur Avec SA.
Il s’agit bien d’un système puisque cela implique soit la dissimulation aux commissaires au comptes d’un certain nombre d’opérations et de la situation réelle de certaines des sociétés de Bernard Bensaïd dans les faits en cessation de paiement, soit, pire, la complicité des commissaires aux comptes.
Le 21 juillet dernier, le directeur de cabinet d’Olivia Grégoire répondait en ces termes au président de l’association des propriétaires de résidences de tourisme, floués par Bernard Bensaïd depuis des années.
Une argutie administrative supplémentaire puisque cette affaire concerne le fisc, pas le secrétariat d’Etat au tourisme…
La situation financière du “groupe” Avec en janvier 2023 était la suivante, exposée dans un document interne rendu public par nos soins.