[ STMicroelectronics, suite ] L'accord d'Etat reste un secret d'Etat
Le ministère de l'économie et des finances refuse de rendre public le contrat d'aide de l'Etat, 2,9 milliards d'euros d'argent public, au projet de STMicroelectronics et GlobalFoundries.
Comment se ventilent les 2,9 milliards d’euros de l’aide de l’Etat français entre STMicroelectronics, le franco-italien de droit néerlandais et GlobalFoundries, le fondeur américain propriété du fonds émirati Mubadala ? Quelles sont les garanties et contreparties, notamment environnementales, de cette aide d’Etat au projet des deux industriels de doubler la production de puces à Crolles en Isère ? C’est un secret toujours bien gardé.
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Nous avons à plusieurs reprises posé cette question à à peu près tous les interlocuteurs concernés : la direction générale des entreprises, le ministère de l’Economie et des Finances lui même, la Commission européenne, STMicroelectronics. On vous fera grâce de la partie de ping-pong des uns (Bercy et Bruxelles) et du silence des autres (STMicroelectronics). La raison systématiquement invoquée : la confidentialité de la répartition de l’aide publique d’Etat entre les deux partenaires. Et, dernière en date, la confidentialité du contrat d’aide de l’Etat 1 à l’heure où Bruno Le Maire enjoint les parlementaires à lui soumettre des voies d’économies budgétaires.
La Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) – que nous avons saisi – a pourtant déjà rendu son avis sur la question. Sollicitée par l’association Actionnaires pour le climat, la Cada a estimé que le contrat est communicable “après occultation des éventuelles mentions relevant du secret des affaires”, souligne-t-elle dans son avis rendu le 15 février dernier. Et ? Et bien, rien. De fait, rien n’y oblige – ce n’est qu’un avis – à moins de devoir passer par la case tribunal.
En attendant, le dossier STMicro/GlobalFoundries continue dans la plus grande opacité. Ce n’est pas le dernier épisode d’une consultation préalable du public contrainte et forcée, dont on n’est même pas sûr à ce jour qu’elle soit suivie d’une nouvelle enquête publique comme prévu règlementairement, qui permet de lever les nombreuses questions autour de ce projet dont la dimension politique devient de plus en plus criante. Et dont la question hydrique, qui semble avoir été découverte en juillet 2022 conjointement à l’annonce en grandes pompes du projet par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, cristallise les tensions (nous y reviendrons).
Le projet industriel obéit-il à des intérêts supérieurs, dictés depuis Paris et Bruxelles ? Plusieurs fois interrogé, le préfet de l’Isère nous a toujours renvoyé vers STMicroelectronics. Sollicité par Actionnaires pour le climat, le représentant de l’Etat dans le département a opposé un silence qui laisse le président de l’association, l’avocat et conseiller régional Les Ecologistes Pierre Janot, pantois.
Lequel compte bien, avis de la Cada en poche, obtenir communication du contrat d’aide de l’Etat via les garants de la consultation publique (consultation publique en cours). Ce en vertu du principe de transparence des débats clairement invoqué dans la lettre de mission de la Commission nationale du débat public – CNDP qui avait tapé du poing sur la table pour qu’une concertation préalable, manifestement volontairement zappée, soit mise en œuvre.
“Soit on est dans un exercice de style, soit on est dans un exercice d’acceptabilité d’un projet au regard des enjeux environnementaux, souligne Pierre Janot. On est en droit de demander une communication sincère et loyale pour sortir de cette vieille tradition française que sont les secrets d’alcôve”.
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“Ce contrat n’est pas public”, nous ont répondu les services de Bercy. A notre question de savoir “sur quels textes les pouvoirs publics s’assoient pour décider de ne pas rendre publique une convention engageant la dépense publique avec une société privée cotée en bourse dont il est l'un des deux actionnaires de référence, convention qui ne relève pas du secret de la défense nationale (la DG Comp de la Commission européenne en a reçu copie) et qui ne contient à notre connaissance aucune information couverte par le secret industriel ou des affaires”, Bercy n’a pas répondu.